Algérie - Maroc : que pèsent leurs forces militaires ?
Abdelkader Messahel a encore réitéré la position de l’Algérie mardi 11 avril sur le plateau de France 24 : le Sahara occidental « n’est pas une affaire entre l’Algérie et le Maroc ».
Pourtant, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah s’est rendu dans les régions militaires proches de la frontière, selon les médias algériens, pour une « visite d’inspection ». Car dans les faits, les armées algérienne et marocaine s'opposent tout au long de leur frontière commune depuis plus de 55 ans.
La surprise de la guerre des Sables – qui éclate en 1963 entre le Maroc et l’Algérie au sujet du tracé des frontières héritées du colonialisme – a permis à l'armée algérienne naissante de découvrir et d’apprivoiser son Sud, et de se familiariser aux guerres de manœuvres si différentes de la guerre asymétrique (1954-1962) à laquelle l'Armée de libération nationale (ALN) était bien formée.
Dans les faits encore, Algérie et Maroc accaparent 61 % des importations d’armes en Afrique. Leurs deux armées jouent une version moderne de la confrontation entre l'OTAN et l'URSS en Europe centrale, avec d'énormes moyens engagés et des stratégies très différentes. C'est justement cette énorme différence entre les deux armées qui rend difficile la comparaison entre leurs forces et leurs objectifs.
Profitant de la manne pétrolière et de son expérience dans la lutte antiterroriste, l'Armée nationale populaire (ANP) – nom officiel de l'armée algérienne – s'est très largement renforcée ces dernières années tout en maintenant le même nombre d'hommes, et a apporté une plus grande flexibilité à ses troupes.
Si on la compare à ce qu'elle était pendant les années 1980, l'ANP, et surtout l'armée de terre, n'est plus ce monolithe calqué sur les armées du pacte de Varsovie
D'ailleurs, si on la compare à ce qu'elle était pendant les années 1980, l'ANP, et surtout l'armée de terre, n'est plus ce monolithe calqué sur les armées du pacte de Varsovie, conçu pour des guerres de manœuvres rapides qui permettent d'avancer rapidement dans des environnements hostiles.
Aujourd'hui, l'armée de terre algérienne aligne deux divisions blindées renforcées et demi, deux divisions d'infanterie mécanisées (qui auraient le statut de divisions blindées dans d'autres contrées), et une division d'infanterie motorisée.
Les divisions blindées algériennes dépassent les 10 000 hommes chacune et comptent entre 300 et 500 chars modernes ou modernisés. Mais au vu des dernières acquisitions, il faut compter en réalité entre quatre et cinq divisions de chars.
Ces divisions disposent de leur régiment de défense aérienne doté de radars, artillerie anti-aérienne et missiles anti-aériens pouvant créer une bulle d'une soixantaine de kilomètres pour les protéger, même dans des positions très avancées ou en dehors du territoire.
Une armée professionnelle
Elles comptent aussi plusieurs régiments d'artillerie tractée et automotrice, des régiments de roquettes et missiles. Cette configuration permet d'engager ces mini-armées sur de nombreux fronts et disposer encore de nombreuses réserves et d'un train de ravitaillement efficace et bien protégé.
L'Algérie aligne entre 1 300 et 2 000 chars modernes de types T72 M1M ou AG et T-90SA et plus de 2 000 blindés armés et transports de troupes.
Les FAR ont multiplié les exercices avec les armées occidentales et ont suivi des formations pointues avec la Belgique, les États-Unis et la France
Le Maroc, fort de son expérience dans sa guerre au Sahara occidental, dispose d'une armée plus réduite en termes d'équipements mais d'un nombre équivalent en hommes. Le principal avantage des Forces armées royales (FAR) est la professionnalisation de l'armée. Alors que l'ANP s'appuie largement sur les appelés du service national, les FAR ont depuis une dizaine d'années aboli la conscription.
Cet effort aura probablement un impact sur la qualité des troupes, d'autant que ces dix dernières années, les FAR ont multiplié les exercices avec les armées occidentales et ont suivi des formations pointues avec la Belgique, les États-Unis et la France notamment.
L'armée de terre marocaine est beaucoup moins bien équipée que son homologue algérienne. Elle totalise 700 chars et atteindra avec la livraison du contrat de chars Abrams vers 2020 les 1 000 tanks.
Sur ce chiffre, il faut compter une bonne moitié composée de chars d'ancienne génération qui devront être réformés ou rénovés. Les FAR ne disposent pas de divisions blindées. Leur doctrine privilégie les groupes de combats légers et mobiles regroupés au tour d'une dizaine de bataillons blindés de trois brigades d'infanterie mécanisée et de treize bataillons d'artillerie qui représentent l'épine dorsale et la force de frappe de l'armée de terre marocaine.
C'est justement l'artillerie qui est le principal avantage du Maroc face à l'Algérie, même si l'ANP a beaucoup investi pour combler son retard.
Lourdes conséquences
Pour ce qui est de ses capacités aériennes, le Maroc dispose en tout de 73 chasseurs/bombardiers légers, dont les plus récents sont les 23 F16 acquis récemment. Ils offrent aux Forces royales de l'air les capacités d'intercepter des cibles aériennes sur de longues distances (au-delà du champ visuel du pilote) et d'effectuer des frappes de précisions au sol. Le reste de la flotte d'attaque se compose de Mirages F1 et de F5 rénovés et modernisés dont l'enveloppe de missions a été élargie.
En face l'Algérie a une flotte moderne composée de 58 chasseurs multirôles Sukhoï 30 MKA, d'une quinzaine de Mig29S et d'une quarantaine de bombardiers Su24. La plupart de la flotte est ravitaillable en vol et dispose d'un long rayon d'action, ce qui n'est pas le cas de l'aviation marocaine.
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L’Algérie aligne aussi environ 200 hélicoptères de transport russes dérivés du MI8, une centaine d’hélicoptères de transport Augusta Westland, 42 hélicoptères d’attaque lourds Mi28 et une trentaine d’hélicoptères d’attaque modernisés Mi24, alors que la flotte marocaine est désuète et tourne autour d’une centaine d’hélicoptères de transport français Puma et d’une vingtaine d’hélicoptères d’attaque légers Gazelle.
Enfin, ce qui fait la différence sur le terrain entre les armées marocaine et algérienne, c'est la défense anti-aérienne, quasi inexistante au Maroc et qui est une des plus performantes au monde pour l'Algérie.
Ce qui fait la différence sur le terrain entre les armées marocaine et algérienne, c'est la défense anti-aérienne, quasi inexistante au Maroc
En effet, les forces du commandement de la défense aérienne du territoire disposent d'un réseau de radars très dense couvrant même la majorité du territoire marocain et des systèmes anti-aériens complets de longue, moyenne et courte portée, ce qui représente une menace réelle pour des aviations même très avancées.
En conclusion, si l'armée algérienne dépasse de loin son homologue marocaine, cette dernière a beaucoup œuvré pour combler le fossé en se professionnalisant, en acquérant de l'expérience en côtoyant des armées avancées et en participant à des coalitions internationales.
L'armée marocaine a aussi bénéficié d'énormes quantités d'armes prélevées des surplus d'armées occidentales notamment celles de Belgique de France, d'Espagne et des États-Unis.
Enfin, si le Maroc a la capacité d'intervenir au-delà du mur dans les territoires libérés du Sahara occidental, il est peu probable qu'il puisse engager des actions décisives sur le territoire algérien.
- Akram Kharief est journaliste indépendant, spécialisé en défense et sécurité. Il anime le site d’informations menadefense.net sur la défense au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis 2011.
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Photo : Les forces aériennes marocaines défilent à Rabat le 14 mai 2006 à l'occasion du 50e anniversaire des Forces armées royales (AFP).
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