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Guide pour faire face aux trolls sionistes et à leurs « faits »

La logique eurocentrique de Golda Meir, Jabotinsky et Benny Morris, entre autres, révèle une chose : les sionistes sont effectivement des colons européens racistes

Le mois dernier, Mondoweiss a relayé une publication sur Facebook d’une mère norvégienne vivant en Israël qui a été largement diffusée par ses amis, dans laquelle elle a annoncé qu’elle gardait sa fille à la maison au lieu de l’emmener à l’école lors de la journée de commémoration des victimes de l’Holocauste pour la protéger de ce qu’elle considérait comme une unité d’enseignement confuse pour de très jeunes enfants.

« En raison de la décision prise par d’autres personnes au sujet du moment et de la façon considérés comme appropriés pour que notre enfant s’instruise sur le génocide, nous avons choisi de la garder à la maison hier et aujourd’hui », a écrit la mère.

Mon commentaire a irrité une lectrice qui a demandé comment une personne juive pouvait être un colon alors que les Palestiniens sont des usurpateurs de la Terre d’Israël, un peuple imaginaire

J’ai écrit un commentaire, demandant si cette mère norvégienne, qui n’a pas utilisé son prénom mais seulement l’initiale « I », était une sioniste libérale qui avait profité de la loi du retour pour grossir les rangs des colons israéliens.

Mon propre commentaire a irrité une lectrice qui m’a demandé comment une personne juive pouvait être un colon alors que les Palestiniens sont des usurpateurs de la Terre d’Israël, un peuple imaginaire.

La lectrice a poursuivi en remettant en question ma compréhension d’une litanie de « faits », y compris le « fait » que les Palestiniens n’étaient pas une nationalité ou une identité arabe avant 1964, que les juifs étaient une population indigène d’Israël et que la Palestine historique se trouvait en Europe.

Il m’est tout de suite apparu de manière évidente que cette personne ne méritait pas de réponse de ma part sur ce fil de commentaires ; j’aurais pu tout au plus répliquer à l’argument selon lequel « la Palestine historique se trouvait en Europe » en insistant pour la corriger et en expliquant que non, la « Palestine historique » se trouvait en réalité au Texas.

Cependant, une recherche rapide sur cette ville du sud des États-Unis sur Wikipédia montre que celle-ci a été baptisée par un Français d’après le village de Palestine, dans l’Illinois, nommé ainsi en référence à... la terre biblique du lait et du miel.

S’attaquer aux mythes

En fin de compte, je n’ai pas répondu à cette lectrice, mais j’ai souhaité tout de même aborder les questions soulevées par son message, dans la mesure où elles constituent la partition standard des trolls sionistes.

En outre, alors qu’Israël a récemment célébré son propre « Jour de l’Indépendance » pendant que les Palestiniens commémoraient notre Nakba, je crois qu’il est temps de nous attaquer à – et, je l’espère, d’enterrer une fois pour toutes – le vieux mythe qui fait de la Palestine « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

Le meilleur moyen d’y parvenir est d’observer le récit sioniste lui-même pour révéler ses défauts internes. Et ce récit ne peut probablement être mieux résumé que par le « quiz sur l’État de Palestine », un dessin qui circule depuis plusieurs années, lancé par le Dry Bones Project, site créé par un colon né à Brooklyn qui prétend combattre l’antisémitisme à travers des dessins.

Traduction :

« Le quiz sur l’État de "Palestine" ! Via Dry Bones

Les amis, faites travailler vos méninges, car c’est l’heure du...

Quiz sur l’État de "Palestine"

1. Quand le pays de "Palestine" a-t-il été fondé et par qui ?

2. Quelles étaient ses frontières ?

3. Quelle était sa capitale ?

4. Quelles étaient ses villes principales ?

5. Nommez au moins un "leader palestinien" avant Arafat.

6. Quelle était la langue du "pays de Palestine" ?

7. Quelle était la religion prédominante du "pays ancien de Palestine" ?

8. Quel était le nom de sa monnaie ?

9. Choisissez une date quelconque dans l’histoire et indiquez quel était le taux de change approximatif de l’unité monétaire "palestinienne" par rapport au dollar américain, au mark allemand, à la livre britannique, au yen japonais ou au yuan chinois à cette date.

10. Étant donné que ce pays de "Palestine" n’existe pas actuellement, qu’est-ce qui a causé sa disparition et quand est-elle survenue ?

11. Pourquoi "les Palestiniens" n’ont-ils jamais essayé de devenir indépendants avant la défaite dévastatrice des États arabes envahisseurs lors de la guerre des Six Jours ?

Remarque : toute personne capable de répondre à l’une des questions ci-dessus se verra décerner le prix Dry Bones de l’écriture créative et imaginative ! »

Les questions figurant sur le dessin révèlent une connaissance étonnamment superficielle de l’histoire, gangrenée par un mépris absolu de la chronologie et de la logique. J’aime particulièrement la question no 9, qui nous demande de choisir « une date quelconque dans l’histoire » et de donner le taux de change de la monnaie « "palestinienne" par rapport au dollar américain ».

Et si je choisissais une date antérieure à 1792, année de la création initiale du dollar américain ? Mais n’allons pas aussi loin dans l’histoire : le Deutsche Mark n’est lui-même apparu qu’en 1948.

La Première ministre israélienne Golda Meir donne une conférence de presse le 15 octobre 1973 pendant la guerre du Kippour. Elle a nié l’existence d’un peuple palestinien (AFP)

Et si le fait de choisir une date dans l’histoire et de comparer les taux de change d’un pays à l’autre permettait de prouver que le pays en question a une légitimité historique, qu’en serait-il si je choisissais l’année 1937 et que je demandais ce que valait alors la monnaie israélienne par rapport au yen japonais ? Et si je n’avais pas de réponse à donner, cela signifierait-il qu’aucun des deux pays ne peut revendiquer une existence historique ?

Et voulez-vous vraiment que je réponde à la question no 10 (« Étant donné que ce pays de "Palestine" n’existe pas actuellement, qu’est-ce qui a causé sa disparition et quand est-elle survenue ? ») ? Ceux qui ont publié ce dessin souhaiteraient-ils vraiment assister à un cours magistral sur l’impérialisme, le sionisme et la Nakba ?

Des revendications « historiques »

Les trolls sionistes d’aujourd’hui ont effectivement tendance à fonder leurs revendications « historiques » sur des développements très récents, préférant même 1967 à 1948 dans la mesure où reculer encore dans l’histoire jouerait en réalité en leur défaveur.

« La colonisation ne peut avoir qu’un seul objectif. Pour les Arabes palestiniens, cet objectif est inadmissible [...] La colonisation sioniste, même la plus limitée, doit soit se terminer, soit être menée à bien au mépris de la volonté de la population autochtone. »

– Vladimir Jabotinsky

En réalité, le sionisme était, à ses débuts, très à l’aise avec sa qualité de mouvement colonialiste façonné sur le modèle de la colonisation européenne de divers pays, dont l’Amérique du Nord.

L’activiste et écrivain sioniste Vladimir Jabotinsky a par exemple décrit le sionisme comme une forme de colonialisme dans « Le mur de fer », un essai écrit en 1923 : « Tout lecteur a une certaine idée du commencement de l’histoire des autres pays qui ont été colonisés. Je suggère qu’il se souvienne de tous les cas connus. S’il tente de chercher un seul cas de pays colonisé avec le consentement de ceux qui y sont nés, il n’y arrivera pas. Les habitants (peu importe s’ils sont civilisés ou sauvages) ont toujours opposé une lutte obstinée. »

« Que nous citions Herzl ou Herbert Samuel pour justifier nos actions n’a aucune importance, poursuit-il. La colonisation a sa propre explication, intégrale et inéluctable, et elle est comprise par tous les Arabes et tous les juifs en possession de tous leurs esprits. La colonisation ne peut avoir qu’un seul objectif. Pour les Arabes palestiniens, cet objectif est inadmissible [...] La colonisation sioniste, même la plus limitée, doit soit prendre fin, soit être menée à bien au mépris de la volonté de la population autochtone. »

De toute évidence, Jabotinsky s’est rendu compte qu’il y avait des Arabes palestiniens pour qui la colonisation de leur terre était inadmissible. Cependant, dans les années 1960, quand le discours mondial sur le colonialisme était en train de changer, les dirigeants sionistes ont commencé à nier notre existence et à nous distancier de notre patrie.

Ce n’est qu’alors que le discours d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre » est devenu la représentation la plus répandue de la Palestine, alors même que près de 80 % des Palestiniens sont devenus des réfugiés et que 750 000 personnes au total ont été expulsées de leurs maisons, de leurs villes et de leurs villages. C’est notre Nakba.

« Ils n’existaient pas »

Sept cent cinquante mille est un nombre énorme à tous les égards, mais en 1948, 750 000 représentait environ 80 % du peuple palestinien. Quatre-vingts pour cent d’entre nous sont devenus des réfugiés en 1948, et à ce jour, les Palestiniens de la diaspora représentent environ 65 à 70 % de l’ensemble de la population palestinienne.

Et pourtant, tandis que dans les années 1960, de nombreux pays de par le monde gagnaient leur indépendance et que le colonialisme n’était plus considéré comme la « mission civilisatrice » décrite par les colonisateurs, les dirigeants israéliens se sont mis à nier notre existence en tant que peuple.

La logique sioniste reviendrait également à nier le fait que les Amérindiens ont existé, parce qu’ils n’avaient pas d’État-nation reconnaissable aux yeux des Européens

La meilleure illustration de cette attitude réside dans les propos de l’ancienne Première ministre israélienne Golda Meir, à qui un journaliste britannique a posé la question suivante en 1969 : « Quel est votre sentiment à propos des Palestiniens ? »

« Il n’existait pas de chose telle que les Palestiniens, a-t-elle répondu. Quand y avait-il un peuple palestinien indépendant dans un État palestinien ? Ce fut le sud de la Syrie avant la Première Guerre mondiale, puis ce fut une Palestine qui comprenait la Jordanie. »

« Ce n’était pas comme s’il y avait eu un peuple palestinien en Palestine qui se considérait comme un peuple palestinien, que nous aurions chassé et dont nous aurions pris le pays. Ils n’existaient pas. »

La logique sioniste, selon laquelle nous n’existions pas parce que nous n’avions pas de monnaie ou de frontières nationales, entre autres, reviendrait également à nier le fait que les Amérindiens ont existé, parce qu’ils n’avaient pas d’État-nation reconnaissable aux yeux des Européens. Et en effet, c’est ainsi que la colonisation des Amériques s’est déroulée – d’une manière violente fondée sur le génocide mais également, avant tout, sur le racisme.

Une logique eurocentrique

Plus tard, certains historiens israéliens ont essayé de justifier la dépossession que nous avons subie, en la comparant à la dépossession connue par les Amérindiens et en affirmant que c’était « dans l’intérêt général ».

Si tous les juifs étaient de descendance moyen-orientale, il leur serait facile de reconnaître d’autres formes d’identité commune au-delà de l’État-nation moderne européen

« J’ai de la sympathie pour les Palestiniens, qui ont vraiment subi une tragédie très dure. J’ai de la sympathie pour les réfugiés eux-mêmes. Mais si le désir d’établir un État juif ici est légitime, il n’y avait aucun autre choix », a écrit l’historien israélien Benny Morris.

« Même la grande démocratie américaine n’aurait pas pu être créée sans l’annihilation des Indiens. Il y a des cas dans lesquels le bien final et général justifie des actes durs et cruels qui sont commis au cours de l’histoire. »

Des enfants israéliens jouent avec une mitraillette Uzi lors d’une exposition d’armes à Jérusalem, dans le cadre des célébrations du Jour de l’Indépendance d’Israël, en 1997 (AFP)

Ma question aux trolls sionistes est la suivante : êtes-vous capables de penser en dehors du cadre eurocentrique ? Après tout, si tous les juifs étaient de descendance moyen-orientale, il leur serait facile de reconnaître d’autres formes d’identité commune au-delà de l’État-nation moderne européen. 

La logique eurocentrique de la lectrice que j’ai irritée, tout comme celle de Golda Meir, Jabotinsky et Morris, révèle une chose : les sionistes sont effectivement des colons européens racistes.

Nada Elia est une écrivaine et commentatrice politique issue de la diaspora palestinienne. Elle travaille actuellement sur son deuxième livre, Who You Callin’ "Demographic Threat" ? Notes from the Global Intifada. Professeur (retraitée) d’études sur le genre et la mondialisation, elle est membre du collectif de pilotage de la Campagne américaine pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (USACBI).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : deux Palestiniens devenus réfugiés après avoir été expulsés de chez eux en 1948 (Wikimedia).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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