Mateen n’est pas un terroriste de l’EI, mais un meurtrier de masse américain parmi d’autres
Omar Mateen était un meurtrier homophobe américain qui, tôt dimanche matin, s’est servi d’un fusil d’assaut AR-15 pour tuer 49 personnes et faire 53 blessés dans une boîte de nuit populaire de la communauté LGBT d’Orlando, en Floride.
Cherchant à donner plus d’ampleur à la petitesse de sa vie, Mateen a interrompu son saccage meurtrier pour appeler le 911 afin de signaler son crime et de proclamer son allégeance à l’État islamique. Le président Obama a annoncé que toutes les preuves à disposition indiquaient que Mateen était un terroriste « autoradicalisé ».
Selon les informations recueillies, Mateen se rendait régulièrement au club Pulse, où il buvait et discutait avec des habitués.
La vérité me semble être qu’il n’y a pas du tout eu de radicalisation de Mateen. Il était juste homophobe, dégoûté de sa vie misérable et, comme tous les autres meurtriers de masse américains avant lui, il cherchait à justifier son obscurité en lui donnant une certaine grandeur allant au-delà de lui-même. L’État islamique est à l’heure actuelle la couverture la plus pratique pour les massacres de masse.
Le niveau élevé de violence armée dans la vie américaine fait qu’il est beaucoup trop facile d’y devenir insensible et de chercher de nouvelles façons de moderniser l’histoire vieille comme le monde d’un homme avec une arme à feu qui tue des étrangers pour telle ou telle raison. La vie américaine est bien trop remplie de moments où l’absurdité de notre obsession nationale pour la violence armée est combinée avec le besoin narcissique d’un individu de se faire un nom parmi ses pairs, et la dernière attaque en fait partie.
Mateen, un fantaisiste rancunier et armé, se vantait d’avoir des liens avec le terrorisme alors qu’il travaillait pour une grande société de sécurité, mais cela s’est révélé sans effet. Mateen a alors tué des dizaines de personnes et s’est ensuite livré à une nouvelle vaine fanfaronnade. Ce meurtrier homophobe américain a appelé l’opérateur d’urgence pour offrir à État islamique son massacre dans une boîte de nuit populaire auprès des membres et amis de la communauté homosexuelle d’Orlando. Un homophobe tue des personnes selon lui homosexuelles lors du mois de la Gay Pride, mais les gens veulent parler de terrorisme islamique parce que cet homme a prêté allégeance de lui-même à l’État islamique.
Nous avons tendance à adhérer à l’idée de quelque chose plutôt qu’à la chose en elle-même, et créons ainsi des versions fictives d’aliments que nous aimerions manger mais que notre indiscipline nous empêche de manger avec modération : nous enlevons donc les calories, ne conservant que l’idée de la crème glacée, du gâteau ou du pain. Nous sommes à l’aise dans un monde en 140 caractères ou moins. La concision est devenue notre façon de penser et de communiquer.
Nous discutons désormais d’un acte meurtrier homophobe perpétré par un Américain, dont nous occultons commodément la question de l’américanisme et la question de l’homosexualité, qui est l’objet de sa haine. Agir autrement nécessiterait de reconnaître la diabolisation de la communauté LGBT par les bons vieux Américains traditionnels répondant au nom de Graham, Robertson, Paul ou encore Falwell.
Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi cela importe tant. Cette attaque contre une communauté perçue comme étant homosexuelle constitue la plus grande perte de vies subie par la communauté LGBT et ses membres depuis l’Holocauste. Mateen, un homme en quête de notoriété et d’importance, a choisi l’État islamique comme clé de sa rage meurtrière, tout comme Brenda Ann Spencer a choisi son aversion pour les lundis et Elliot Rodger a expliqué son massacre de sept personnes par son incapacité à attirer une petite amie.
Mateen était marié à Sitora Yusufiy entre 2009 et 2011. Elle explique qu’il aimait employer des propos homophobes lorsqu’il se mettait en colère. « Il y avait tout à fait des moments où il exprimait son intolérance envers les homosexuels », a-t-elle affirmé dans des propos relayés par le New York Times. Yusufiy a indiqué au Times que Mateen était un musulman pratiquant mais qu’il n’avait pas fait part de sa sympathie pour des organisations terroristes ou des islamistes radicaux.
Seddique Mir Mateen, le père d’Omar, est un personnage tout aussi troublant. Il publie des vidéos sur YouTube dans lesquelles il proclame sa participation à la course à la présidence de l’Afghanistan un an après que ces élections ont eu lieu. Selon un portrait publié par le Washington Post, sa dernière vidéo contient un avertissement adressé à ceux qui croient pouvoir exercer le pouvoir de Dieu : « Dieu punira lui-même ceux qui se rendent coupables d’homosexualité. [...] Ce n’est pas aux serviteurs » de Dieu de le faire.
Seddique Mateen a affirmé à NBC News que son fils était motivé par une haine des homosexuels et non par l’État islamique. Il a raconté une anecdote récente lors de laquelle son fils a vu deux hommes s’embrasser à Miami et est devenu furieux parce que son fils de trois ans avait vu cette scène. Mateen a rapporté les propos de son fils, qui aurait affirmé : « Ils s’embrassaient et ils se touchaient. Regarde ça. Ils faisaient ça devant mon fils. »
Au cours de son divorce, la stabilité mentale de Mateen a été remise en question, mais pas à un degré assez important pour porter préjudice à sa capacité à travailler pour une grande société internationale de sécurité en tant qu’employé armé, dans un État qui estime qu’une personne a le droit de tuer si elle se sent menacée (le sentiment de menace étant plus important que la menace réelle).
Mateen n’était ni un immigré, ni un extrémiste musulman : c’était un homme qui avait apparemment menti à ses collègues au sujet de ses liens avec des organisations terroristes et le fils d’un homme qui prétend être le président de l’Afghanistan dans des vidéos sur YouTube. Pourtant, ce meurtrier homophobe d’origine américaine est désormais qualifié de terroriste musulman, comme si ses armes, ses préjugés, sa nationalité et sa croyance en son droit de tuer ce qu’il craint ou déteste étaient tous des éléments étrangers aux États-Unis.
Mateen a prêté allégeance à l’État islamique parce qu’il ne trouvait aucune autre raison grandiose pour nous expliquer pourquoi il détestait tant les homosexuels.
Au-delà de sa déclaration d’allégeance à l’État islamique lors de son appel au 911, il n’y a rien qui indique que Mateen était autre chose qu’un homme homophobe, narcissique et profondément troublé qui, tout en battant son épouse lorsqu’il était marié, avait accès à des armes pour se livrer à des meurtres massifs et la capacité technique pour bien les utiliser.
En 2012 et en 2014, Mateen a fait l’objet d’enquêtes du FBI, dont aucune n’a révélé des preuves suffisamment accablantes ou dommageables pour nuire à sa carrière chez G4S, l’une des principales sociétés de sécurité privée au monde. Il est important de savoir que ce sont les préoccupations de ses collègues chez G4S qui ont incité le FBI à procéder à sa première enquête en 2012.
Il est également important de savoir que ces préoccupations se sont manifestées uniquement parce que Mateen a affirmé à ses collègues qu’il avait des liens avec des terroristes. Il a fait part de ces liens. Ses collègues ont appelé le FBI. Le FBI a enquêté et aucun fait passible de poursuites n’a été découvert.
L’allégeance de Mateen à l’État islamique équivaut à l’autobronzant que Donald Trump se pulvérise sur le visage. Que l’on choisisse de voir la version vernie de l’homme ou sa réalité brute, l’homophobie de Mateen est soit le cadre dans lequel se fonde sa déclaration d’allégeance à l’État islamique, soit ce qu’elle cache.
- Richard Stuart Perkins est un photographe, cinéaste et peintre basé à New York City.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : objets exposés sur un mémorial installé devant le Dr. Phillips Center for the Performing Arts en hommage aux victimes de la fusillade du Pulse, une boîte de nuit gay, à Orlando (Floride, États-Unis), le 14 juin 2016 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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