À quoi ressemblerait une présidence Trump ? Fortement à Israël
Selon un récent sondage, réalisé alors qu’une demi-douzaine de candidats étaient toujours en lice pour la nomination du parti républicain aux présidentielles, Donald Trump a émergé comme le favori parmi les juifs israéliens.
En surface, les résultats de ce sondage pourraient passer pour contre-intuitifs, surtout compte tenu du fait que Trump ne pourrait jamais être accusé de surpasser ses rivaux de droite au sujet d’Israël. En réalité, Donald Trump s’est vanté d’être en mesure de conclure un réel « deal » au Moyen-Orient en traitant les Palestiniens en « égaux ». Si Trump avait déclaré ceci en tant que candidat politique israélien, il y aurait eu au mieux des appels en faveur de sa déportation. Au pire, les mêmes forces politiques qui ont mis un terme à la vie de Yitzhak Rabin auraient aussi probablement menacé celle de Trump.
En fin de compte, Trump se préoccupe moins d’Israël que n’importe lequel des dix-neuf candidats qui ont lancé leur campagne en 2016. À tel point qu’Israël n’a même pas obtenu une mention sur son site officiel de campagne.
Alors qu’est-ce qui explique l’engouement israélien envers Donald Trump ?
Le narcissisme est en grande mesure à l’origine de ce qui compte sûrement parmi les plus étranges dynamiques amoureuses de ce qui est déjà l’une des plus étranges élections américaines de mémoire d’homme.
C’est du narcissisme parce qu’en Trump, Israël voit un reflet de lui-même, et Israël aime ce qu’il voit. Après tout, la plus sincère forme de flatterie est l’imitation.
Trump a non seulement promis de construire un mur, mais il a également promis d’interdire l’accès des États-Unis aux musulmans, suggéré que les citoyens musulmans américains portent des badges d’identification spéciaux, et déclaré son soutien à la torture, à la démolition de maisons et même à l’exécution de personnes associées à des terroristes, entre autres propositions ouvertement discriminatoires.
Au cas où vous ne l’auriez pas compris, Donald Trump promet de Faire de l’Amérique un Nouvel Israël.
Sa vision pour l’Amérique est exactement ce qui existe déjà dans l’État d’apartheid israélien. Les Palestiniens vivent la dystonie que Trump envisage pour les trois millions de musulmans américains.
Les Palestiniens peuvent vous dire tout ce que vous avez besoin de savoir sur ce que c’est que de vivre derrière un mur. Plus d’un demi-million d’entre eux sont isolés ou négativement affectés par ce qui au final sera un mur de 1 131 km de long encerclant la Cisjordanie, tandis qu’une autre barrière a efficacement enfermé 1,8 million de Palestiniens vivant à Gaza dans ce qui a été décrit comme la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Les Palestiniens peuvent vous dire précisément ce que c’est que d’être forcé, souvent sous la menace d’une arme, de montrer des badges d’identification à n’importe lequel des près de cent check-points israéliens qui jalonnent la Cisjordanie. Un documentaire de 2003 a montré comment ces points de contrôle non seulement restreignent la liberté de mouvement, mais rendent la vie de tous les jours virtuellement impossible. Un autre documentaire a montré comment le voyage de 21 km entre Bethléem et Ramallah dans une voiture dotée d’une plaque d’immatriculation israélienne prend environ 30 minutes, alors que le même trajet dans une voiture dotée d’une plaque d’immatriculation palestinienne peut prendre des heures.
Les Palestiniens savent également tout sur les démolitions de maisons. Certainement le même genre que celles proposées par Trump. Au cours des quatre premiers mois de 2016, Israël a démoli quelque 600 structures palestiniennes, ce qui dépasse déjà le total de l’année précédente, en dépit du fait que l’ONU juge que beaucoup, voire la plupart, de ces démolitions sont illégales.
La population palestinienne d’Israël sait aussi une ou deux choses sur les lois discriminatoires. Une banque de données a référencé plus de 50 lois faisant de la discrimination contre les citoyens palestiniens d’Israël. Ces lois sont conçues de façon à faire des Palestiniens des citoyens de seconde – voire de troisième – zone sur leur propre terre.
Et les Palestiniens savent exactement ce à quoi Trump fait référence quand il fait le serment d’interdire l’accès des musulmans à leur pays. La loi sur la Citoyenneté et l’Entrée en Israël a été adoptée avec l’objectif spécifique de maintenir les non-juifs hors d’Israël. La loi empêche les Palestiniens des territoires occupés mariés à des citoyens palestiniens d’Israël d’obtenir la citoyenneté voire même le droit de résidence. En 2010, Israël a approuvé un projet de loi qui donne aux municipalités israéliennes le droit juridique d’expulser les habitants qui n’adhèrent pas à la « vision fondamentale de la communauté » – en d’autres termes, le pouvoir de bannir les résidents non-juifs.
Clairement, Donald Trump est en train d’imiter Israël, et encore plus clairement, Israël adore le compliment.
Peut-être qu’en Trump les Israéliens voient un Premier ministre encore plus décadent que Benyamin Netanyahou, la personnification même du type d’excès que seul le capitalisme de connivence peut se payer. Trump a non seulement exploité les vides juridiques favorables aux entreprises et soutenus par le Congrès pour échapper à près de 5 milliards de dollars de banqueroutes, faisant ainsi porter le fardeau aux contribuables, mais il a aussi bénéficié du genre de subsides et d’avantages payés par le contribuable auquel seul les « initiés » ont accès.
Netanyahou est aussi le pire de tous les capitalistes de connivence. Lors de sa visite de novembre dernier à Washington, DC, Netanyahou a imploré Obama de sanctifier l’annexion du plateau du Golan pris par Israël à la Syrie pendant la guerre de 1967. L’urgence soudaine de Netanyahou peut s’expliquer par le fait qu’un mois avant sa rencontre avec le président américain, il avait contribué à octroyer les droits de forage pour ce que l’on pense être des « milliards de barils de pétrole ». La société bénéficiaire des droits possède une liste d’actionnaires aux noms familiers, notamment Dick Cheney, Rupert Murdoch et Lord Jacob Rothschild.
Cette même année, le journal israélien Haaretz a accusé Netanyahou d’être « prisonnier » du capitalisme de connivence après que son gouvernement a ouvert la voie à certaines pratiques monopolistiques au sein de la plus grande entreprise gazière d’Israël.
Ce qui est également intéressant est que tant Netanyahou que Trump tirent leur soutien politique respectif d’électorats extrémistes comparables. Alors que Netanyahou conte sur le mouvement des colons pour conserver le pouvoir, Trump courtise activement les éléments hyper-nationalistes de la société américaine afin de prendre le pouvoir.
S’il y a une ironie à ajouter ici, elle peut être trouvée dans le fait que malgré leurs similarités, Trump et Netanyahou peuvent à peine se supporter. Quand ce dernier a critiqué un projet de visite de Trump en Israël, celui-ci a répliqué sèchement : « Netanyahu pourra me rendre visite à Washington quand je serai président ».
Mais après avoir voté pour lui à chacune de ses trois dernières campagnes électorales, il est clair qu’Israël se voit en Netanyahou, et perçoit également son propre reflet en Trump, ce qui peut expliquer l’amour étrange de ce pays pour la star de téléréalité américaine.
- CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America (2013), God Hates You. Hate Him Back (2009) et Koran Curious (2011). Il est également l’animateur du podcast « Foreign Object ». Vous pouvez le suivre sur Twitter : @cjwerleman.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le candidat à l’investiture républicaine Donald Trump lève son pouce pendant le discours qu’il prononce lors de la conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) au Verizon Center de Washington, DC, le 21 mars 2016 (AFP).
Traduction de l’anglais (original).
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