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Un nouveau dirigeant de l’ONU pourra-t-il changer la situation au Moyen-Orient ?

Que le prochain dirigeant soit un homme ou une femme, les chances de voir cette personne améliorer le travail de l’ONU au Moyen-Orient sont minces

Alors que l’heure du changement de garde à l’ONU – la sélection d’un nouveau secrétaire général – approche, de nombreux observateurs ont adhéré à la campagne en faveur de l’accession d’une femme à la direction de l’organisation pour la première fois dans son histoire longue de plus de 70 ans.

Plusieurs femmes font partie des candidats actuels pour remplacer Ban Ki-moon, dont le mandat de dix ans expire en décembre, bien qu’aucune ne s’en sorte particulièrement bien dans les sondages non officiels.

Mais alors que les hommes ne devraient certainement pas continuer de dominer la scène internationale pour le reste de l’éternité, il reste à savoir ce que l’une de ces personnes, quel que soit son sexe, pourra apporter à l’ONU en termes de changement organisationnel.

Au Moyen-Orient, déjà, les chances de tracer une nouvelle voie sont proches de zéro.

Penchons-nous sur un pays du Moyen-Orient dont l’expérience des opérations de l’ONU a traversé plusieurs décennies et plusieurs secrétaires généraux : le Liban, où est mise en place la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

Cette force prétendument « intérimaire » a été mise en place en 1978, année de la première invasion sanglante du Liban par Israël, qui a été suivie par l’invasion encore plus sanglante de 1982, lors de laquelle environ 20 000 Libanais et Palestiniens, dont une majorité de civils, ont été anéantis.

Après avoir occupé et terrorisé une partie importante du sud du Liban jusqu’en 2000, l’armée israélienne a été contrainte par le Hezbollah de se retirer, uniquement pour revenir en 2006 et semer une nouvelle fois un chaos meurtrier. Sur une période de 34 jours, Israël a tué environ 1 200 personnes et, encore une fois, principalement des civils.

Dans un des épisodes peu connus de la guerre, un hélicoptère israélien s’est débarrassé à courte portée de 23 des 27 civils qui se trouvaient à bord d’un pick-up ayant quitté le village de Marwahin, dans le sud du Liban, suite aux stricts ordres d’évacuation d’Israël. La plupart de ces civils étaient des enfants. Avant l’attaque de l’hélicoptère, le convoi humain avait cherché refuge auprès d’un contingent ghanéen de la FINUL et avait été éconduit.

« L’ONU, semble-t-il, peut parler avec vigueur de la nécessité de protéger les innocents [...] mais en fera très peu pour les protéger dans le sud du Liban », avait commenté à l’époque le journaliste britannique Robert Fisk.

Une perversion des valeurs

En faisant de l’auto-stop dans le sud du Liban plus tôt cette année – un périple que j’ai raconté dans mon carnet de voyage, Martyrs Never Die –, je me suis retrouvée sur un campement dans une colline reculée appartenant au même contingent ghanéen de la FINUL que celui de l’infamie de 2006.

Une poignée de soldats m’ont décrit leurs missions quotidiennes actuelles : enregistrer les mouvements des formations armées israéliennes ou libanaises dans la zone, se promener dans des véhicules gigantesques conçus en apparence pour un usage extraterrestre et faire beaucoup de courses.

Ailleurs dans le sud, j’ai rencontré d’autres représentants de la FINUL justifiant activement le budget annuel de plus de 500 millions de dollars alloué à cette force : dans un grand supermarché de la ville de Tyr, par exemple, je suis tombée sur une expédition lourdement armée en mission de courses. Dans le parking du supermarché, une jeep de la FINUL était occupée par un conducteur coréen à moitié cagoulé; à l’intérieur du supermarché, des soldats coréens poussant des chariots amassaient de grandes quantités de corned beef et de poulet en conserve, escortés par un soldat robuste, un fusil d’assaut autour du cou et une arme de poing sortant de son gilet.

En bref, les nombreux Libanais qui perçoivent simplement l’ONU comme une force d’occupation parmi d’autres peuvent être pardonnés de penser cela, d’autant plus que la FINUL a réquisitionné des biens immobiliers de prestige sur la côte méridionale du Liban et érigé des quartiers généraux-colonies tentaculaires, qui brillent dans le ciel la nuit grâce à leur immunité face aux pénuries sévères d’électricité qui gangrènent le reste du pays.

Des solutions coûteuses pour des échecs apparents

Le Liban est à coup sûr une illustration durable des services proposés par l’ONU. Mais ce n’est qu’un des nombreux exemples, de la Bosnie à Haïti et au-delà, de la tradition développée par cette organisation, consistant à fournir des non-solutions très coûteuses aux problèmes du monde.

L’ONU a été accusée d’un large éventail de partis pris, dont certains sont plus fantaisistes que d’autres. Au cours des dernières années, l’organisation s’est attiré de plus en plus de mépris pour ses échecs apparents en Syrie et au Yémen.

Au début du mois d’août, David Roet, représentant permanent adjoint d’Israël auprès des Nations unies, s’est chargé lui-même de soulever un autre parti pris apparent dans une dépêche pour The Forward, une publication qui se donne la mission de « délivrer une couverture incisive des problématiques, des idées et des institutions qui comptent pour les juifs américains ».

Selon Roet, « [l’une] des tâches les plus importantes qui incomberont au nouveau secrétaire général sera de faire face à la prédominance des pratiques de parti pris, de discrimination et d’isolement contre Israël », qui, écrit-il, est « le seul pays à être la cible de divers organismes des Nations unies établis et composés uniquement dans le but de faire avancer la cause palestinienne et de critiquer Israël de la manière la plus biaisée possible ».

Ce que cette version alternative de la réalité néglige commodément, c’est bien sûr le fait que l’ONU joue depuis le départ un rôle clé dans la progression de la cause israélienne grâce à des projets tels que la création même d’Israël, une entité qui s’avère être fondée sur un parti pris anti-palestinien qui prend souvent la forme de massacres gratuits.

En outre, même les critiques légitimes du comportement israélien par l’ONU n’ont pas eu de répercussions significatives sur le terrain, en partie grâce à la présence perpétuelle au Conseil de sécurité des Nations unies du complice d’Israël, les États-Unis d’Amérique.

Il suffit de parcourir brièvement la liste de vetos au Conseil de sécurité au fil des ans pour constater que dès qu’Israël se retrouve sous le feu de critiques internationales – pour le massacre de civils, l’occupation de terres palestiniennes ou un certain nombre de violations connexes –, les États-Unis sont généralement à portée de main pour opposer leur veto à toute condamnation officielle et contraignante.

De toute façon, Israël n’a pas non plus pris l’habitude de se conformer à la moindre résolution qui parvient à sortir des forums de l’ONU. Il suffit d’observer la résolution 242, émise en 1967, qui était censée obliger Israël à se retirer des territoires occupés au cours de la guerre de cette année.

Une nouvelle direction ?

L’ONU n’est pas monolithique et les affrontements entre politiques étrangères y sont fréquents, en particulier entre les membres du Conseil de sécurité qui jouissent du droit de veto.

Mais en fin de compte, le fonctionnement de l’organisation se résume souvent à un multilatéralisme de façade dissimulant un programme américain, qui se traduit par un grand nombre de points pour Israël au grand dam de nombreux habitants de la région. Les États-Unis et Israël sont ce que l’on pourrait appeler les Véritables nations unies, mais ce club est on ne peut plus exclusif.

Et tandis que l’on peut facilement opposer son veto aux dires de Roet, qui soutient que les forces internationales qui critiquent l’État juif « cherchent à pervertir les valeurs mêmes sur lesquelles l’ONU a été fondée », on peut tout de même lui donner raison sur un point : la perversion y est actuellement monnaie courante.

Belen Fernandez est l’auteure de The Imperial Messenger: Thomas Friedman at Work (Verso). Elle collabore à la rédaction du magazine Jacobin.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon informe le Conseil de sécurité au cours de la réunion consacrée à la situation au Moyen-Orient et en Palestine, le 26 janvier 2016 à New York (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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