Changement climatique : nos dirigeants chicanent pendant que le monde brûle
Si vous faites partie des millions de personnes qui ont regardé la série Game of Thrones, vous savez que pendant que le royaume des Sept couronnes et les neuf régions de Westeros et d’Essos se déchiraient, la véritable menace, l’Armée des morts, arrivait du nord pour détruire l’ordre des choses tel que les hommes le connaissaient.
La province du Khouzistan, dans le sud de l’Iran, est dévastée depuis plusieurs années par des épisodes de sécheresse et des pénuries d’eau, des phénomènes exacerbés par les vagues de chaleur estivale et les tempêtes de sable saisonnières qui soufflent depuis les régions du sud-ouest et s’étendent jusqu’en Arabie saoudite et en Irak.
L’augmentation des températures au cours des dernières années a rendu la vie de plus en plus difficile dans la région.
Il en va de même pour les calamités environnementales croissantes qui menacent la planète, des feux de forêt en Californie, en Turquie et en Grèce aux inondations catastrophiques en Allemagne et en Chine, en passant par les épisodes de sécheresse dévastateurs qui touchent l’Irak, la Syrie et le sud de l’Iran.
Les climatologues estiment que ces phénomènes météorologiques violents ne sont qu’un avant-goût des catastrophes à venir et soulignent que depuis au moins les années 1970, les experts tirent de plus en plus la sonnette d’alarme au sujet d’un « effondrement de la civilisation ».
La sécheresse en Iran n’est qu’un signe des catastrophes à venir.
De vieilles questions
Amnesty International indique que le gouvernement iranien se livre à un usage excessif de la force contre les manifestants qui protestent contre la sécheresse au Khouzistan, faisant de nombreuses victimes civiles.
Le gouvernement accuse pour sa part les séparatistes du Khouzistan d’exploiter la situation pour fomenter des troubles politiques. Ces querelles entre un régime répressif et son opposition passent de façon spectaculaire à côté de l’essentiel : alors qu’ils observent les événements à travers un prisme national étroit, c’est notre planète qui est en train d’être détruite.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’organe des Nations unies chargé d’évaluer les données scientifiques relatives au changement climatique, a publié le 9 août son dernier rapport, intitulé « Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante ».
« Les scientifiques observent l’évolution du climat dans toutes les régions de la planète et dans l’ensemble du système climatique », indique le rapport.
« Nombre des changements relevés sont sans précédent depuis des milliers, voire des centaines de milliers d’années, et certains phénomènes déjà en cours – comme l’élévation continue du niveau de la mer – sont irréversibles sur des centaines ou des milliers d’années. »
L’élément clé de ces rapports est le fait que ces calamités climatiques sont d’origine humaine et résultent des excès exubérants du capitalisme prédateur dont la logique folle repose sur l’exploitation des êtres humains et des habitats humains.
Nous lisons dans ce rapport que « les actions humaines peuvent encore déterminer l’évolution du climat à venir. Il est clairement établi que le dioxyde de carbone [CO2] est le principal moteur du changement climatique, même si d’autres gaz à effet de serre et divers polluants atmosphériques affectent eux aussi le climat. »
Alors que les vieilles questions du changement climatique ont désormais pris un caractère d’urgence dangereux, aucun État ne semble conscient de ce qui se passe dans sa propre cour.
Ce rapport devrait être une lecture obligatoire pour les dirigeants des régimes brutaux et constitutionnellement corrompus qui se réunissent tous les ans au siège de l’ONU pour déterminer comment continuer de dépouiller leurs citoyens.
La planète ne peut plus se permettre de tolérer ce mode de pensée étrange tout droit sorti de Game of Thrones. Nous devons tous cesser de prétendre que ces personnes ont une quelconque idée des moyens à employer pour sauver la planète.
Une culture politique radicalement différente
Le rapport du GIEC nous indique ceci : « Il faudra, pour stabiliser le climat, procéder à des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre et ramener à zéro les émissions nettes de CO2. La limitation des autres gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques, en particulier le méthane, pourrait être bénéfique pour la santé publique comme pour le climat. »
Néanmoins, rares sont les dirigeants politiques dans le monde qui ont l’autorité et la volonté nécessaires pour aborder ces questions.
Que ce soit en niant le changement climatique, comme le font l’ancien président américain Donald Trump et nombre de ses partisans (qui dénoncent un « canular chinois »), en le politisant à travers l’arrestation et l’incarcération d’écologistes comme en Iran, ou encore en prêchant l’inquiétude face au changement climatique et en signant l’accord de Paris en 2015, avant de reprendre la marche en avant et d’investir dans les combustibles fossiles, comme l’a fait Barack Obama, ils ne font que rendre notre mission urgente beaucoup plus difficile.
Protester contre la sécheresse au Khouzistan ou contre le changement climatique partout dans le monde nécessite un tout nouveau paradigme politique
Les solutions sont bien connues : améliorer le rendement énergétique, investir dans des sources d’énergie alternatives telles que l’éolien et le solaire, passer aux biocarburants à base de déchets organiques et protéger les forêts.
Nous avons donc trois faits simples qui nous font face : premièrement, les cultures politiques actuelles aux quatre coins du monde sont incapables de résoudre les problèmes environnementaux.
Deuxièmement, il nous faut une culture politique radicalement différente qui doit partir de la base et procéder à une refonte de ses ressources pour sauver la planète.
Troisièmement, outre la production, la consommation doit elle aussi être réduite de manière drastique.
Pour trouver des solutions, il faut s’éloigner des régimes dirigeants irresponsables et se tourner vers l’humanité dans son ensemble.
Avant toute chose, nous devons continuer de protester contre les idioties et la négligence délibérée des régimes qui nient le changement climatique, où qu’ils se trouvent. Cette démarche est nécessaire bien qu’insuffisante.
En tant qu’individus, nous devons également nous mobiliser. Nous devons commencer à manger moins de viande et de produits laitiers, réduire considérablement nos déplacements – surtout en avion – et réaménager nos villes pour qu’elles soient beaucoup plus adaptées aux cyclistes et aux piétons, tout en investissant massivement dans les transports publics pour nous faire sortir de nos voitures. Il n’y a pas de planète B.
Protester contre la sécheresse au Khouzistan ou contre le changement climatique partout dans le monde nécessite un tout nouveau paradigme politique. Les clichés politiques, comme l’opposition entre centralisme étatique et séparatisme, sont plus qu’inutiles pour relever les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés.
Le monde doit être sauvé de ses présidents et Premiers ministres négligents, peu enclins à agir, et confié à de jeunes leaders audacieux et intrépides, tels que l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg.
Le monde doit se reposer sur la base que constitue sa génération de jeunes citoyens déterminés à faire honte aux prétendus « dirigeants du monde ». Car en fin de compte, ce sont eux qui paieront le prix de la complaisance criminelle de nos dirigeants.
- Hamid Dabashi est professeur d’études iraniennes et de littérature comparée, récipiendaire de la chaire Hagop Kevorkian, à l’université de Columbia à New York. Parmi ses derniers ouvrages figurent Reversing the Colonial Gaze: Persian Travelers Abroad (Cambridge University Press, 2020), The Emperor is Naked: On the Inevitable Demise of the Nation-State (Zed, 2020) et On Edward Said: Remembrance of Things Past (Haymarket Books, 2020).
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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