Algérie : choc et effroi après l’attaque d’une statue de femme nue
ALGER - La scène rappelle celle des combattants du groupe État islamique (EI) détruisant les statues du musée de Nimroud, en Irak, en 2015. Mais elle se passe aujourd’hui, ce lundi 18 décembre à Sétif, à moins de 300 kilomètres d’Alger.
Sur une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux, on voit un homme vêtu d’un qamis blanc, muni d’un marteau et d’un burin, en train de détruire le visage et les seins d’un statue emblématique de la ville.
La statue de marbre d’Aïn al-Fouara (la source de la fontaine) a été réalisée en 1898 par le sculpteur français Francis de Saint-Vidal. Le socle et l’environnement ayant été conçus par Eldin, un architecte algérien à qui la ville doit son théâtre.
La naïade est un monument incontournable de la ville car selon la légende, « qui boit une gorgée de l’eau de Aïn al-Fouara revient à Sétif ».
En 2015, un imam de la région avait déclaré lors d’un prêche qu’il était haram (illicite) de se rendre à la fontaine et de boire son eau sous peine de voir « les vœux des colonisateurs » se réaliser. L’année suivante, Chemseddine Bouroubi, le prédicateur vedette de la chaîne Ennahar avait demandé aux Sétifiens d’habiller la statue.
Ce n’est pas la première fois que la statue est attaquée. « Elle a été détruite par une bombe posée par le Groupe islamique armé [GIA] en avril 1997 puis reconstruite grâce aux étudiants des Beaux-Arts et la société civile sétifienne », raconte Samir, un habitant de la ville, à Middle East Eye. « En mars 2006, un fou a également essayé de la défigurer avant d’être interpellé. »
À Sétif, plusieurs personnes ont tenté, comme on le voit sur la vidéo, d’arrêter l’homme au burin en lui tapant dessus ou en lui jetant des pierres. Mais sur les réseaux sociaux que les réactions ont été les plus vives, certains donnant raison à l’assaillant, et d’autres condamnant « un acte barbare ».
« Pourquoi faut-il aujourd’hui laisser ce pays à des rats en barbe et des idéologues de la soumission », demande sur Facebook l’écrivain algérien Kamel Daoud.
Le photographe Adel Sayah a choisi quant à lui de publier ses photos de statues nues.
Selon les médias, les autorités locales se sont rendues sur place. La police de Sétif, citée par le quotidien arabophone El Khabar, a précisé que l’assaillant, un homme de 34 ans, est un « déséquilibré mental ».
Surnommé « Abou marteau » ou Abbas el-Mahboul (Abbas le fou) par les réseaux sociaux et certains médias, l’homme et l’attaque de la statue ont aussi fait l’objet de plusieurs détournements et caricatures.
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