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Algérie - Irak : le match de la discorde

Les supporters d’un club de football algérois, entonnant des slogans pro-Saddam Hussein et des insultes contre les chiites lors d’un match contre une équipe irakienne, ont provoqué la colère de Bagdad
Les joueurs irakiens quittent, en colère, la pelouse du stade Omar-Hamadi à Alger, dimanche soir (capture d'écran)
Par MEE

Les Affaires étrangères irakiennes ont annoncé, lundi 10 septembre, qu’elles convoqueraient l'ambassadeur d'Algérie après que des supporteurs algériens ont scandé des slogans à la gloire de l'ex-président Saddam Hussein et des insultes contre les chiites lors d'un match contre une équipe irakienne, à Alger.

Dans un communiqué, le porte-parole du ministère, Ahmed Mahjoub, a indiqué que Bagdad avait exprimé « l'indignation du gouvernement et du peuple irakien » face à « une glorification de l'horrible visage du régime dictatorial meurtrier de Saddam Hussein », renversé en 2003 par l'invasion emmenée par les États-Unis.

https://www.youtube.com/watch?v=Zl1UqWn2KkY

Ces slogans ont poussé dimanche soir l’équipe de Bagdad des Forces aériennes à quitter le terrain, à Alger, à la 72minute, alors qu’elle était menée 2 à 0 par le club local de l’Union sportive de la Médina d’Alger (USMA). L’arbitre a dû arrêter ce match organisé dans le cadre de la Coupe arabe des clubs.

« Slogan raciste »

« Dieu est le plus grand, Saddam Hussein », ont notamment chanté les supporteurs algériens selon des vidéos tournées dans les tribunes du stade et mises en ligne. Les dirigeants du club irakien ont demandé à leurs joueurs de quitter le terrain et de rejoindre les vestiaires. L’arbitre de la rencontre a alors appliqué le règlement, en attendant le quart d’heure réglementaire avant de siffler la fin de la rencontre, sur un score de deux buts à zéro en faveur de l’USMA.

Selon des médias algériens, des injures contre les chiites - minoritaires dans le monde musulman mais majoritaires en Irak - ont également été scandés par les supporters du club d’Alger. Selon plusieurs sources, ce sont ces slogans anti-chiites qui ont provoqué le retrait de l’équipe irakienne et la colère de son staff dirigeant. 

« Nous n’acceptons pas que le public insulte notre pays et nous insulte. Ce public a des idées arriérées et racistes »

- Abdel Khaleq Massoud, président de la Fédération irakienne de football

La Fédération irakienne de football a d’ailleurs menacé de retirer ses équipes de la Coupe arabe des clubs, se disant « opposée à tout slogan raciste ou confessionnel ».

« Si la Fédération arabe de football ne prend pas de décision pour rétablir le droit du foot irakien [...], la Fédération irakienne retirera ses clubs », affirme dans le texte son président Abdel Khaleq Massoud.

Colère irakienne

« Nous n’acceptons pas que le public insulte notre pays et nous insulte. Ce public a des idées arriérées et racistes », a lancé de son côté Bassem Qassem, entraîneur des Forces aériennes dans une vidéo diffusée par les instances du foot irakiennes. La chaîne de télévision Al Iraqiya, semi-officielle et financée par le parlement irakien, a décidé, pour sa part de boycotter les informations évoquant les clubs de football algériens.

Le capitaine de l’USMA, Mohamed Lamine Zemmamouche regrette les dérapages des supporters

De son côté, la Fédération arabe de football prévoit de sanctionner les deux équipes : l’équipe de Bagdad des Forces aériennes risque un million de dollars de pénalité alors que l’amende pour l’USMA varierait entre 100 000 et 500 000 dollars (entre 86 000 et 430 000 euros).

Interrogé par la chaîne sportive algérienne El Heddaf, le gardien de l’USMA, Mohamed Lamine Zemmamouche a estimé que « ce qu’ont fait les supporteurs est regrettable ». « Nous avons été très bien accueillis lors du match aller en Irak », a-t-il rappelé. Le club algérois n’a pas réagi officiellement.

Les supporters Usmistes assument

Sur les réseaux sociaux, les supporteurs de l’USMA assumaient leurs chants pro-Saddam Hussein. « Crise diplomatique, manifestations et convocation de l’ambassadeur… Nous le disons une nouvelle fois "Allah Akbar (Dieu est le plus grand), Saddam Hussein restera dans nos cœurs tant que nous sommes en vie" », peut-on lire sur @USMAdz37, une page Facebook de fans du club algérois.

Sur cette même page, un des internautes identifié comme Mohamed Moulhim Zemmouri accuse dans un commentaire les Irakiens d’avoir « fait tout un drame pour faire oublier leur débâcle » sur le terrain.

Traduction : Le célèbre commentateur sportif algérien Hafid Derradji appelle, d’un côté, les médias irakiens à ne pas surdimensionner l’incident et, de l’autre, le public algérien à respecter les spécificités d’autres pays    

Côté officiel, le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Hatab a déclaré aux médias qu’il s’agissait d’« un acte isolé » qui « ne peut pas altérer la réputation d’hospitalité du peuple algérien et ne peut pas influer sur les relations avec nos frères ». 

« Ce qu’ont fait les supporters est désolant. Le capitaine de l’USMA a présenté des excuses aux sportifs irakiens. Je présente à mon tour mes excuses et je demande à nos frères irakiens de ne pas politiser l’affaire », a indiqué le président du Comité olympique algérien, Mustapha Berraf.  

À LIRE Alger s’excuse auprès de Riyad pour une banderole dans un stade

En décembre 2017, Alger avait dû s'excuser auprès de Ryad, après le déploiement, lors d'un match de deuxième division, d'une banderole accusant le roi d'Arabie saoudite de soutenir la décision du président américain Donald Trump de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capitale d'Israël.

Pour rappel, le match Algérie-Libye en octobre 2015, comptant pour les éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations, a failli connaître des incidents : les policiers avaient saisi des drapeaux libyens (d’avant 2011) et des posters de Mouammar Kadhafi ainsi que des banderoles appelant à la libération de Saïf al-Islam Kadhafi. 

Les relations entre Alger et Bagdad ont déjà connu des tensions, notamment au sujet des douze prisonniers algériens incarcérés dans des prisons irakiennes pour faits relatifs au terrorisme ou pour franchissement illégal de la frontière.  

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