Algérie : un nouveau Premier ministre et un gouvernement « de technocrates »
ALGER - Le nouveau (18e) gouvernement nommé par le président Bouteflika est à l’image du nouveau Premier ministre de l’Algérie nommé mercredi 25 mai : plus « technocrate » que « politique ». C’est en tout cas ainsi qu’on le définit dans la classe politique algérienne, où il se chuchote que le plus important à retenir dans ce nouveau casting, « ce sont les départs ».
Plusieurs poids lourds du gouvernement sortant n'ont en effet pas été reconduits. À commencer par le charismatique ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, remplacé par Abdelkader Messahel, qui était à la tête d’une sorte de « ministère bis » dédié aux Affaires maghrébines et africaines. « Depuis le début, les deux hommes ne s’entendaient pas. Et il faut le dire, la division du ministère était une anomalie qu’il fallait corriger », explique un diplomate algérien. « Le dossier de la Libye, par exemple, était officiellement du ressort de Messahel mais c’était Lamamra qui en discutait avec les Russes, les Américains ou les Français, ça ne pouvait plus continuer. Mais Lamamra a aussi payé la passivité de l’Algérie sur le dossier du Sahara Occidental pendant que le Maroc entrait à l’Union africaine. »
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Autre départ important : celui de Noureddine Bouterfa, à l’énergie, un portefeuille des plus stratégiques puisque les hydrocarbures pèsent à plus de 96 % dans l’économie algérienne. « Il n’était là que depuis juin 2016 et il avait la réputation d’être compétent », s’étonne un cadre de Sonatrach, le groupe pétrolier public. « Il avait surtout réussi à mettre d’accord les pays producteurs de pétrole pour une baisse de la production qui permette de réduire l’offre mondiale de brut et de relancer les prix du baril. Ce jeudi, il se trouvait encore à Vienne pour discuter de la prolongation de cet accord. »
Dans le secteur pétrolier, un autre professionnel nuance : « Il était aussi très controversé car il a été nommé ministre alors qu’en 2013, il avait été inculpé et placé sous contrôle judiciaire avec une quinzaine de cadres de Sonelgaz [entreprise publique de gaz et d’électricité] dans une affaire de contrats. »
Troisième changement de taille : le départ du ministre de l’Industrie Abdesselam Bouchouareb. Selon le chroniqueur spécialiste des questions économique Hassan Haddouche, ce proche de Bouteflika paye notamment « l’échec de la mise en place d’une véritable industrie automobile et la gestion des zones industrielles, critiquée, soulignons-le, par Ali Haddad, le patron des patrons, qui a l’oreille des pouvoirs publics ».
Onze ministres ont finalement conservé leur portefeuille
Pour Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid – qui a refusé de participer aux élections législatives du 4 mai – ce nouveau gouvernement « fait profil bas ». « Les figures politiques ont été remplacées par des inconnus, plutôt des technocrates. Et on est très loin d’un gouvernement d’union nationale » tel que le régime aurait voulu le vendre, selon les observateurs politiques.
Il faut dire que le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamistes) a décliné l'offre du président Bouteflika de participer à un gouvernement élargi. « S'il n'y avait pas eu de fraude aux élections législatives, le MSP aurait accepté de participer au prochain gouvernement », a-t-il expliqué. Après le scrutin, Makri avait accusé les deux partis au pouvoir d'avoir massivement fraudé.
C’est aussi l’avis de Yacine Aïssiouane, porte-parole du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) – qui a obtenu neuf sièges au parlement. « Ce nouveau gouvernement, c’est du recyclage de personnel politique, le changement dans la continuité. Le nouveau président du parlement [Saïd Bouhadja] a 79 ans, le Premier ministre, 72. Cette mafia gérontologique a pris l’Algérie en otage. On sait que le parlement est issu de la fraude. Alors avant de parler de gouvernement, on devrait plutôt faire en sorte d’installer une commission d’organisation des élections qui soit indépendante. »
Dans ce gouvernement de 27 membres, onze ministres ont finalement conservé leur portefeuille, notamment le ministre de l’Intérieur Nourredine Bedoui, le ministre de la Justice Tayeb Louh, la ministre de l’Éducation nationale Nouria Benghebrit et le ministre des Affaires religieuses Mohamed Aïssa.
Ils se retrouvent désormais sous une autre direction, celle d’Abdelmadjid Tebboune, qui remplace Abdelmalek Sellal, en poste depuis 2012. « Il a essayé de s’imposer alors que son départ après les législatives lui avait été signifié par la présidence », relève un proche de Zéralda, la résidence médicalisée du président.
Mais la décision du chef de l’État était prise : c’est Abdelmadjid Tebboune, 72 ans, qui, de manière plus ou moins attendue, prend le relais.
L’ex-ministre de l’Habitat s'est retrouvé projeté sous les feux des projecteurs après avoir été décoré de l'ordre du mérite national l’an dernier, une distinction qui faisait de lui, selon les médias, le nouvel homme de confiance du président Bouteflika.
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