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Après l’Union africaine, le Maroc à la conquête de la Coupe du monde de football 2026

La candidature du Maroc à la Coupe du monde de football en 2026 représente plus que jamais un test pour la nouvelle diplomatie de Mohammed VI, résultat d’une stratégie exécutée par des hommes puissants de l’entourage royal
Scène de liesse à Marrakech après la qualification de l'équipe nationale du Maroc à la Coupe du monde de football en Russie en 2018 (AFP)

RABAT - Qualifié pour la Coupe du monde 2018 en Russie, auréolé de la victoire du Wydad Athletic Club lors de la Ligue des champions d’Afrique, tout semble sourire à Fouzi Lekjaa, le président de la Fédération royale marocaine de football.

Mais si le football est l’opium du peuple, il est un outil d’évaluation important pour mieux connaître la place qu’occupe le royaume chérifien dans le concert des nations, et l’influence du Maroc sur une scène internationale en profonde mutation.

Car dans les coulisses des chancelleries occidentales et des grandes messes internationales, c’est un autre dossier sportif qui mobilise les dirigeants marocains : la candidature du royaume pour organiser le Mondial de football de 2026. Et le Maroc a pu compter ses derniers jours sur un soutien précieux d’un allié tout aussi précieux, le Qatar.

Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football (Facebook/Les Lions de l’Atlas)

C’est par la voix du très influent Hassan al-Thawadi, secrétaire général du comité suprême d’organisation de la Coupe du monde en 2022 au Qatar, que la petite monarchie pétrolière a affiché sa préférence pour le Maroc en vue de l’échéance sportive de 2026.

Al-Thawadi a ainsi déclaré : « Nous soutenons la candidature du Maroc et déploierons notre soutien si nécessaire. Ils ont un fort concurrent, avec la candidature conjointe des États-Unis, du Canada, et du Mexique. Cependant, nous pensons que le Maroc a la capacité d’accueillir cet événement majeur, car il a déjà postulé pour abriter la Coupe du monde ».

« Nous soutenons la candidature du Maroc et déploierons notre soutien si nécessaire »

- Hassan al-Thawadi, secrétaire général du comité suprême d’organisation de la Coupe du monde en 2022 au Qatar

Les récentes victoires marocaines sur la scène footballistique ont créé une véritable dynamique qui profite à la candidature du Maroc. Mais la bataille diplomatico-sportive et communicationnelle s’annonce rude.

« Les réseaux se mettent en marche. Les tournées africaines de Sa Majesté le Roi et le retour du Maroc au sein de l’Union africaine [UA] ont permis d’asseoir la présence et la popularité du Maroc dans les pays africains. Les différents projets socio-économiques ont redoré le blason du Maroc dans les cœurs des peuples africains. Ce fut un élément déterminant dont l’aboutissement est le soutien du président de la Confédération africaine de football, Ahmad Ahmad, à la candidature marocaine », confie à Middle East Eye une source au sein de la Fédération royale marocaine de football.

Capitaliser sur son expérience de 2006

Le Maroc devra pourtant capitaliser davantage sur son expérience des candidatures pour les coupes du monde de 2006 et de 2010.

« Le Maroc souffrait d’un manque de relais auprès de l’Afrique anglophone et son identité africaine n’était pas encore claire aux yeux du monde lors de la candidature en vue du Mondial de 2006. Aujourd’hui, la donne est différente, plus personne ne peut reprocher au Maroc de ne pas porter fièrement son identité africaine » confie à MEE une source diplomatique proche du dossier.

La grand stade d’Agadir compte 45 000 places assises (Facebook)

Le Maroc a également rattrapé son retard en termes d’infrastructures sportives. « Les stades de Marrakech, de Tanger et d’Agadir sont des formidables vitrines pour le football marocain et n’ont rien à envier aux stades européens », confie un cadre du ministère de la Jeunesse et des Sports.

Et c’est au sein de ce même ministère qu’on loue les efforts et le dynamisme du très médiatique Moncef Belkhayat – surnommé « Khoya Moncef » par les Marocains  –  qui a marqué de son empreinte le ministère de la Jeunesse et des Sports par son style de communication tous azimuts, notamment sur Twitter, mais également par son bilan impressionnant en terme d’équipements et d’infrastructures sportives, notamment footballistiques.

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Les récentes crises qu’a connues le ministère, notamment celles causées par les ministres issus du Mouvement populaire (MP, libéral-conservateur), Ouzzine, Laenser puis Sekkouri, ont fortement entaché l’image du ministère et rendu cette institution inapte à piloter des projets de grande envergure comme celui d’une candidature à un Mondial de football.

Peu de noms filtrent sur la personnalité marocaine qui conduira la candidature au Mondial de 2026. « On peut déduire que cette personnalité n’aura pas d’étiquette partisane. Il suffit de voir comment le ministre Rachid Talbi Alami est tenu loin des célébrations de l’équipe nationale pour le comprendre. Le football c’est le pré carré du Palais royal, aucun parti ne peut espérer en récolter les lauriers », explique à MEE un connaisseur des arcanes footballistiques du pays. 

« Le football c’est le pré carré du Palais royal, aucun parti ne peut espérer en récolter les lauriers »

- Un connaisseur des arcanes footballistiques marocaines

Il suffit de voir la colère des médias, des politiques et du Palais qui s’est abattue sur Ilyas el-Omari, aperçu en haut de la tribune d’honneur lors du match éliminatoire Côte d'Ivoire-Maroc, et à l’avant de l’avion de la RAM transportant l’équipe nationale et le staff technique.

Montrer son poids de puissance régionale

Le comité national en charge de présenter la candidature du Maroc pour l'organisation de la Coupe du monde de la FIFA sera sûrement confié à un homme fort du régime. Le Maroc pourrait peut-être faire le choix de la continuité en confiant cette responsabilité au patron de la fédération de football Fouzi Lekjaa. Le comité de candidature disposera probablement, une nouvelle fois, d’une présidence d’honneur en la personne du prince Moulay Rachid, frère du roi Mohammed VI.

« Il ne s’agira pas d’un seul haut-commissaire isolé et inscrit dans une démarche individuelle, mais d’un haut-commissaire entouré d’un comité avec diverses personnalités issues de différents horizons et aux missions bien tracées. Un directeur de campagne sera également désigné pour gérer l’opérationnel », affirme à MEE une source proche du dossier. 

Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères, joue un rôle important dans cette diplomatie du sport (Facebook)

Nul doute également que le comité national chargé de la candidature marocaine pour l’organisation de la Coupe du monde 2026 pourra s’appuyer sur l’appareil diplomatique de Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, et sur les amis et soutiens influents du Maroc à l’étranger. Il est également commun de voir le Maroc contracter quelques firmes de lobbying à l’étranger afin d’appuyer l’équipe marocaine et de crédibiliser sa démarche.

La candidature du Maroc à la Coupe du monde de 2026 représente plus que jamais un test pour la nouvelle diplomatie de Mohammed VI. Axée sur la coopération Sud-Sud et sur un discours de rupture, cette candidature peut représenter l’aboutissement d’une stratégie impulsée en haut lieu et exécutée par des hommes puissants de l’entourage royal – notamment le conseiller royal Fouad Ali el-Himma et le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita. 

« Il s’agit non pas seulement d’une bataille diplomatique, mais également une bataille d’image »

- Un spécialiste des relations internationales

Pour le Maroc, il s’agira de compter ses alliés en Afrique et de montrer son poids de puissance régionale face à des concurrents de taille internationale. « Tout dépendra ou non de l’implication personnelle de Donald Trump. La personnalité très médiatique de Justin Trudeau peut également peser. Car il s’agit non pas seulement d’une bataille diplomatique, mais également une bataille d’image », affirme à MEE un spécialiste des relations internationales.

À en croire al-Thawadi lors de sa dernière conférence de presse : « Le succès de la candidature marocaine permettra d’étendre davantage le pouvoir de transformation au sein de la région arabe. Cela aura un effet stabilisateur sur la région ».

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