« On aurait dit un tsunami ! » : le cap Bon sous le choc après des inondations meurtrières
TUNIS – Les immenses lettres rouges de l’installation « I love Nabeul » disparaissant sous l’eau, près de palmiers tentant de lutter contre le courant : la photo de l’installation phare de la ville balnéaire du cap Bon, la pointe nord-ouest de la Tunisie, a fait le tour des réseaux sociaux.
Samedi 22 septembre, les pluies diluviennes équivalant à plus de six mois de précipitations ont provoqué d’impressionnantes inondations et la mort d’au moins cinq personnes.
De nombreuses autres photos et vidéos ont circulé, témoignant des dégâts causés dans la ville : une partie de la corniche qui borde la plage de Nabeul a été détruite, de nombreux ponts et routes ont été endommagés, plusieurs dizaines de voitures sont entrées en collision.
Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Sofiene Zaag, cité par l’AFP, un homme s’est noyé à Takilsa, à une soixantaine de kilomètres de Tunis, et un autre a été retrouvé mort à Bir Bouregba, près de la station balnéaire de Hammamet. Les autorités ont rapporté la mort de deux sœurs emportées par la crue alors qu’elles sortaient de leur travail à Bou Argoub.
Dimanche, les habitants de Nabeul ont commencé à nettoyer leurs maisons – où l’eau a parfois atteint 1,70 mètre – et à faire l’état des lieux des dégâts. « Nous étions dans la maison. Mes parents habitent le bas et moi, le haut, avec ma femme et mon fils. Vers la fin de l’après-midi, on a vu vraiment le niveau d’eau monter, et la voiture de ma mère emportée par les eaux. Elle est passée devant nous pour aller s’encastrer dans une autre voiture, 100 mètres plus loin », raconte à MEE Ayoub Sassi, un agriculteur qui habite le centre-ville de Nabeul.
« Je n’ai pas appelé les secours car honnêtement, c’était une situation de catastrophe, personne ne pouvait rien faire. Il y avait un camion de pompiers bloqué devant chez moi. Le poste de police aussi était submergé d’eau ! »
« Vers la fin de l’après-midi, on a vu la voiture de ma mère emportée par les eaux. Elle est passée devant nous pour aller s’encastrer dans une autre voiture, 100 mètres plus loin »
- Ayoub Sassi, agriculteur de Nabeul
Certains habitants estiment que les pluies continues de ces dernières semaines ne sont la seule cause des inondations, aussi imputables au manque d’entretien des oueds qui débordent.
« Nous l’avons constaté dans notre quartier et chez ceux qui habitent près des oueds : ça a débordé d’un coup. D’habitude, même quand il pleut, on peut laisser nos voitures dans l’allée. Mais là, les courants étaient tellement forts que tout a été submergé. Je nettoie depuis ce matin ma voiture, j’ai sortie trois seaux d’eau et de boue pour l’instant », raconte Douja Mlika, une enseignante à la retraite à MEE.
« Je ne comprends pas pourquoi on n’a pas été alertés de la gravité et de l’intensité de ces pluies. J’ai vu l’eau tout emporter, des bennes, des voitures, des branches d’arbres, c’est la première fois en 40 ans que je vois cela ! » ajoute-t-elle.
« Le battant de la porte qui sépare ma maison de la plage a été emporté, suivi par tous les parasols qui se trouvaient sur le front de mer. On aurait dit un tsunami ! »
- Hamida ben Gacem, retraité
Le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Riadh Mouakher, a déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre les problèmes d’infrastructures et les inondations. « Aucune infrastructure ne peut résister à ce genre de pluies torrentielles » a-t-il déclaré à l’antenne de Mosaïque FM.
Le 20 septembre, l’Italie avait mis en garde contre un cyclone tropical en Méditerranée, accompagné de fortes pluies.
Des Tunisiens ont d’ailleurs relayé des vidéos de petites tornades sur les plages de Nabeul et de Hammamet.
D’autres ont subi davantage de dégâts, comme Hamida ben Gacem, 80 ans, retraité. Il habite entre Nabeul et Hammamet, sur le front de mer, et raconte n’avoir jamais rien vu de pareil.
« J’étais sur ma terrasse, dos à la mer, et d’un coup j’ai vu de l’eau s’engouffrer devant moi comme un torrent, avec de la boue partout. Le jardin a été envahi en quelques minutes. Le battant de la porte qui sépare ma maison de la plage a été emporté, suivi par tous les parasols qui se trouvaient sur le front de mer. On aurait dit un tsunami ! » raconte-t-il à MEE.
L’eau est entrée dans sa maison jusqu’à quelques centimètres de son lit. Depuis dimanche matin, il s’acharne à nettoyer avec de l’aide, toute la boue laissée par l’eau.
Samedi, dès 17h, l’autoroute reliant Tunis au Sahel était bloquée au niveau de Turki. Il était impossible d’accéder aux villes du cap Bon. Depuis, les routes ont été dégagées et les autorités disent avoir commencé le pompage de l’eau dans certaines zones sinistrées comme Soliman ou Korbous.
Des scènes de pillages dans le centre-ville de Nabeul ont été observées par certains habitants. « Mais la police est vite arrivée sur place, dans la soirée, et leur présence a été dissuasive. La médina de Nabeul a aussi été touchée. Samedi en fin d’après-midi, c’était la panique. La plupart des citoyens se sont entraidés », témoigne Marwen Menzli, manager dans une société industrielle.
Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, s’est rendu à Nabeul et Takilsa pour faire le bilan avec les autorités locales. Il s’est engagé à dédommager les familles gravement touchées. L’armée a aussi été déployée dans plusieurs zones pour aider la population. À Soliman, au sud-ouest du cap Bon, les habitants ont commencé à bloquer les routes et à brûler des pneus pour dénoncer l’inertie des autorités.
« Ce qui m’effraie », s’inquiète Ayoub, « c’est que de nouvelles pluies sont annoncées pour mercredi. On s’attend au pire. »
À Nabeul, un groupe Facebook a été créé pour aider les victimes et propose une cellule d’écoute et de soutien psychologique en attendant les structures promises par les autorités.
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