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Des musulmans britanniques expriment leurs craintes concernant la vie après le Brexit

Les musulmans britanniques vivant dans le quartier le plus divers de Londres craignent que leurs conditions de vie se détériorent dans cette réalité post-Brexit
Une femme passe devant un bureau de vote dans le quartier londonien de Tower Hamlets (AFP)

LONDRES – Les musulmans britanniques vivant dans le quartier londonien de Tower Hamlets, qui concentre le plus d’habitants musulmans en Angleterre et au Pays de Galles, ont exprimé leur « malaise » et leur « peur » suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Après ce vote historique au cours duquel plus de la moitié des Britanniques ont voté la sortie de l’Europe des 28, il existe une grande incertitude concernant l’avenir.

De la livre sterling plongeant à son plus bas niveau depuis 31 ans à l’incertitude créée par l’annonce faite par le Premier ministre britannique David Cameron qui démissionnera en octobre, l’humeur à Londres – qui a voté massivement pour le maintien dans l’UE – est résolument maussade.

« Avant, je pensais que la sortie de l’UE n’était pas sérieuse, mais quand la BBC et d’autres médias ont commencé à en parler, j’ai eu peur pour ma famille », a déclaré Brit Sajda Khatun, une Bengalie qui a toujours vécu à Whitechapel.

La famille de Khatun, comme beaucoup de Bangladeshis vivant à Tower Hamlets, est arrivée au Royaume-Uni à la fin des années 1970 après le déclenchement de la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971. Tower Hamlets, en plus d’avoir la plus forte concentration d’habitants musulmans en Angleterre et au Pays de Galles, a la plus grande population de langue bengalie en Angleterre. Comme beaucoup d’endroits à Londres et au Royaume-Uni, Tower Hamlets a également sa part de migrants de l’UE.

Pénétrant dans l’une des nombreuses épiceries polonaises qui ont ouvert ces dernières années, Khatun prend les épices et les herbes dont elle a besoin pour préparer l’iftar de sa famille, lequel brise le jeûne quotidien du Ramadan.

« Les temps sont déjà difficiles, et beaucoup à Tower Hamlets ont l’impression que cela sera encore pire pour nous », a confié Khatun à Middle East Eye.

« Les musulmanes sont déjà victimes de discrimination dans les rues et maintenant nous pourrions être encore plus pauvres si le gouvernement décide de réduire davantage les services. »

D’autres musulmans auxquels a parlé MEE à Tower Hamlets ont également fait part de leurs sentiments d’inquiétude et de peur.

Devant la mosquée d’East London après la prière du vendredi, Abdul-Rahman Khalid, ancien habitant des Pays-Bas et propriétaire d’une entreprise à Tower Hamlets, a évoqué les potentielles ramifications économiques pour les petites entreprises musulmanes. Il a dit craindre qu’elles soient particulièrement affectées et qu’elles soient touchées par la discrimination ainsi que par la crise économique qui a été prédite.

« Je ne pense pas que les musulmans britanniques vont faire face de sitôt aux répercussions économiques de la sortie de l’UE ; mais, en tant que propriétaire d’une entreprise musulmane, constater la chute de la livre ne me donne pas beaucoup d’espoir », a déclaré Khalid à MEE.

« Nous gérons une entreprise familiale et exportons beaucoup de nos produits vers l’UE et [même avant cela, nous éprouvions] des difficultés. La dernière chose qu’il nous faut est l’annulation des commandes de nos clients européens dont nous avons désespérément besoin. »

La campagne qui a précédé le référendum s’est également enlisée dans la controverse. Ses détracteurs ont décrit la campagne pour le Brexit comme se livrant à des tactiques « de sifflet pour chien » (« dog whistle »).

La campagne s’est tellement enflammée que même des militants de premier plan en faveur de la sortie comme Douglas Carswell, député du parti UKIP, a fustigé l’affiche de son parti, montrant une marée de réfugiés en Europe, la qualifiant de « moralement répréhensible ».

Arif Haque, qui a eu 18 ans une semaine avant la date limite d’inscription pour le vote et qui a toujours vécu à Tower Hamlets, a déclaré à MEE : « le débat a été détourné pour servir un agenda raciste et d’exclusion, et maintenant nous sommes sur le point d’assister à la nomination de Theresa May [secrétaire d’État à l’Intérieur], de Boris Johnson [ancien maire de Londres] ou de Michael Gove [Lord chancelier et secrétaire d’État à la Justice] en tant que prochain Premier ministre. »

« Le Coran nous dit qu’en vérité, le soulagement vient après la difficulté, mais je pense que les musulmans du Royaume-Uni se préparent à de nombreuses difficultés dans les mois et les années à venir », a-t-il conclu.

 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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