« Il n’y a plus d'enfance » : les jeunes survivants de Raqqa traumatisés par la brutalité de l’EI
Des nuits entières, Rachida, 13 ans, n'arrivait pas à dormir, hantée par les horreurs dont elle a été témoin à Raqqa, bastion du groupe État islamique (EI) dans le nord de la Syrie, que sa famille a finalement réussi à fuir.
Comme Rachida, les enfants qui ont pu sortir de Raqqa ont un besoin urgent de soutien psychologique pour soigner les blessures mentales qu'ont causées les exactions des membres du groupe et les combats en cours entre l'EI et les Forces démocratiques syriennes (FDS) – une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par les États-Unis, a averti lundi l'ONG Save the Children.
« Un jour, ils ont rempli le rond-point avec des têtes coupées. Nous les avons vus faire, et couper des mains aussi »
- Yacoub, 12 ans
« Nous risquons de condamner une génération entière d'enfants à une vie de souffrances si leurs besoins en matière de soutien psychologique ne sont pas satisfaits », a souligné la directrice pour la Syrie de cette ONG, Sonia Kush.
« Il est crucial que les enfants qui s'en sont sortis vivants reçoivent ce soutien pour dépasser les traumatismes causés par une violence et une brutalité insensées », a-t-elle ajouté.
L'ONG base son diagnostic sur des entretiens qu'elle a menés avec des enfants et des familles ayant réussi à fuir la ville de Raqqa après y avoir vécu sous la coupe de l’EI.
Rachida, dont le prénom a été changé pour la protéger, a ainsi raconté « ne pas avoir tenu le coup » après avoir vu des gens se faire décapiter par les membres de l'EI.
« Je voulais dormir mais je n'y arrivais pas car je me souvenais de ce que j'avais vu. Je restais éveillée parce que j'avais tellement peur », a-t-elle témoigné.
« Il n’y a plus d'enfance », a ajouté son père, qui dit avoir tout fait pour éviter à ses enfants de voir ces scènes d'horreur, mais souvent en vain vu leur fréquence.
Traduction : « Plus de 100 civils, dont la plupart des enfants et des femmes, ont été secourus par les YPG à Raqqa aujourd'hui. »
Farida, ses neuf frères et sœurs et leurs parents ont subi des tirs des snipers de l’EI en tentant de fuir il y a trois mois.
L'enfant de 13 ans et ses frères et sœurs ont décrit les châtiments infligés par l’EI : « Si une femme fait quelque chose de mal, l’EI lui jette des pierres dessus. Et si quelqu'un fume, ils lui coupent les doigts. Il y a quelqu'un, je ne sais pas ce qu'il a dit, mais ils lui ont cousu la bouche. Il a dit quelque chose sur l’EI et ils lui ont cousu la bouche ! Et pendant qu'ils le fouettaient, le sang sortait de sa bouche. Le pauvre », a déclaré Farida.
« Un jour, ils ont rempli le rond-point avec des têtes coupées. Nous les avons vus faire, et couper des mains aussi », a déclaré son frère cadet, Yacoub.
Environ 25 000 civils, dont une moitié d'enfants, seraient encore piégés au milieu des combats à Raqqa, selon l'ONU.
Save the Children détaille les risques auxquels sont confrontés ceux qui restent dans la ville, de la violence du conflit au déplacement forcé d'un district dirigé par l’EI à un autre, en passant par la pénurie de nourriture et d'eau.
Les Forces démocratiques syriennes ont pénétré dans Raqqa en juin et ont chassé les combattants de l’EI de 60 % de la ville, qui était sous leur contrôle depuis 2014.
Mais les combats se poursuivent avec d'intenses bombardements aériens menés par la coalition internationale dirigée par les États-Unis, avec un important risque de pertes civiles, souligne Save the Children.
Farida a ainsi raconté à l'ONG comment son petit frère Fouad, âgé de 2 ans, avait été blessé par une frappe aérienne en pleine nuit. « Il avait des éclats dans la tête, quand un avion frappe, il fait du mal partout. »
Les ONG de défense des droits de l'homme ont demandé aux FDS et à la coalition de redoubler d'efforts pour protéger les civils en évitant notamment « des frappes aveugles » et en créant « des routes de sortie sécurisées ».
« Les enfants de Raqqa n'ont pas demandé ces cauchemars et ces souvenirs terribles dans lesquels ils voient leurs proches mourir devant eux », a rappelé Save the children.
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