Aller au contenu principal

Fraîchement arrivé en Irak, un variant de la fièvre aphteuse ravage le bétail

L’agence onusienne pour l’agriculture, la FAO, a confirmé que des analyses avaient permis d’identifier une souche jamais recensée à ce jour en Irak, contre laquelle les vaccins locaux restent impuissants
Le fermier irakien Saadoun Roumi a perdu cinq de ses quinze buffles à cause de la fièvre aphteuse malgré la vaccination de tout son troupeau (AFP/Zaid al-Obeidi)
Le fermier irakien Saadoun Roumi a perdu cinq de ses quinze buffles à cause de la fièvre aphteuse malgré la vaccination de tout son troupeau (AFP/Zaid al-Obeidi)
Par AFP à BADOUCH, Irak

Saadoun Roumi a fait vacciner son bétail pour le protéger de la fièvre aphteuse et garantir sa production laitière, mais en vain : un variant de la maladie virale, découvert pour la première fois en Irak, a déjà emporté cinq de ses quinze buffles.

Étroitement surveillée pour sa transmission fulgurante et son impact économique dévastateur, la fièvre aphteuse sévit en Irak depuis des décennies.

Mais cette année, l’intensité de la maladie est inédite, de l’aveu même des autorités vétérinaires. Notamment dans la province de Ninive, où se trouve le village de Saadoun Roumi, Badouch, près de Mossoul (nord).

« Les contaminations sont plus importantes », déplore l’éleveur âgé de 26 ans, selon qui « chaque jour, il y a entre 20 et 25 cas au village ».

Un fermier irakien caresse un buffle dans une ferme du village de Badouch, au nord-ouest de la ville de Mossoul, le 7 février 2023 (AFP/ Zaid al-Obeidi)
Un fermier irakien caresse un buffle dans une ferme du village de Badouch, au nord-ouest de la ville de Mossoul, le 7 février 2023 (AFP/ Zaid al-Obeidi)

Dans sa cour, il s’occupe d’un buffle agenouillé, arrivant à peine à mâcher du fourrage déposé dans une bassine. L’animal est malade, comme les cinq autres buffles emportés cette saison. Pourtant, ils avaient tous été vaccinés en 2021 lors d’une campagne menée par les autorités.

« Les vaccins administrés ne sont pas efficaces », accuse Saadoun Roumi. « La fièvre aphteuse a ravagé le bétail. »

Une mortalité élevée

La FAO, l’agence onusienne pour l’agriculture, a confirmé que des analyses avaient permis d’identifier une souche jamais recensée à ce jour en Irak. Une souche contre laquelle les vaccins locaux restent impuissants, et qui exige la diffusion d’un nouvel antidote.

Entre la maladie et le prix exorbitant du fourrage, qui pousse les éleveurs à se montrer parcimonieux, la production de lait de l’exploitation de Saadoun Roumi a chuté de moitié. « Avant, je produisais un baril de 50 kg de lait [par jour], maintenant à peine 25 kilos », soupire ce père de quatre enfants.

Sahl al-Ghab, la plaine des buffles disparus
Lire

Si elle ne menace pas l’homme, la fièvre aphteuse est extrêmement contagieuse pour les bovins, ovins, caprins, porcins et autres ongulés, selon la FAO.

Elle se caractérise par l’apparition d’aphtes et de lésions sur les muqueuses buccales, nasales et mammaires, et sur les onglons.

La maladie peut provoquer une mortalité élevée chez les animaux nouveau-nés ou jeunes, des pertes de poids et une réduction des rendements laitiers, d’après l’agence onusienne.

Selon la FAO, « les animaux infectés sont si affaiblis par la maladie qu’ils ne peuvent plus servir aux labours ou aux récoltes, et les agriculteurs ne peuvent vendre leur lait, ce qui peut entraîner de graves répercussions sur la sécurité alimentaire des ménages ».

Directeur de l’hôpital vétérinaire de Ninive, Odaï al-Abadi affirme que la maladie « ressurgit par vagues intermittentes » en Irak. Mais cette année, « les contaminations sont élevées et se comptent par centaines » dans la province, contre des dizaines habituellement.

« Plus d’une centaine de têtes de bétail sont décédées », ajoute le vétérinaire, rappelant que le dernier pic de contamination remonte à 1998.

Il assure avoir réclamé à Bagdad l’envoi « en urgence » de vaccins pour Ninive. La région n’en a pas reçu en 2022 de la part des autorités, dit-il, même si des vaccins peuvent être achetés localement dans le privé.

La souche coupable : le SAT2

À 90 ans, Balou Roumi, le père de Saadoun, affirme avoir perdu de son côté, un veau sur son cheptel de vingt buffles. « Quand la fièvre aphteuse touche la bête, son lait est inutilisable et ses pattes peuvent à peine le porter », explique-t-il.

Des analyses sur douze échantillons prélevés à Ninive, Bagdad et dans la province de Diyala (centre) ont permis d’identifier la souche coupable : le SAT2 pour « South African Territories », explique à l’AFP Khaled Shlash, adjoint du représentant de la FAO en Irak.

« [Cette année] les contaminations sont élevées et se comptent par centaines »

- Odaï al-Abadi, directeur de l’hôpital vétérinaire de Ninive

Pour juguler les contaminations, les autorités mènent des campagnes de désinfection et imposent des restrictions sur les mouvements des bêtes, indique le responsable, précisant que des spécialistes de la FAO fourniront leur expertise pour épauler les efforts gouvernementaux.

L’Irak attend maintenant qu’un laboratoire partenaire de la FAO en Grande-Bretagne identifie le vaccin le plus approprié, pour trouver ensuite un producteur capable de lui fournir plus de neuf millions de doses, explique Khaled Shlash.

« D’où et comment est arrivé ce virus en Irak ? C’est la question que tentent d’élucider les services vétérinaires », confie l’expert.

Par Mohammad Salim.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].