La Libye au cœur des discussions bilatérales algéro-russes
ALGER - Il y a un peu plus d’un an, à la faveur de sa visite à Alger, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait paraphrasé la chancelière allemande Angela Merkel comme pour donner le ton : « L’Algérie est l’ancre de la stabilité de toute la région ».
Il s’ensuivra un dialogue approfondi sur les questions de sécurité dans la région et le volet des échanges économiques. Moscou soutiendra et regardera avec grand intérêt la création, sous l’égide de l’Algérie, de l’« Union africaine des polices », AFRIPOL, dont le siège se trouve à Alger et saluera les positions apaisées de la diplomatie algérienne concernant les crises de la région.
Cette rencontre importante donnera lieu à la création d’un mécanisme biannuel de consultations bilatérales sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme.
« Ce qui se dit entre Alger et Venediktov n’emprunte pas la voie diplomatique classique, ça part directement chez Poutine »
-Un diplomate algérien
Une première rencontre a eu lieu à Moscou en juillet 2016. Lundi et mardi, c'est Alger qui a abrité les travaux de ce second round, une rencontre peu médiatisée mais pourtant de très haut niveau.
La délégation russe est menée par Aleksandr Nikolaievitch Venediktov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de Russie. Ce conseil est un organisme consultatif dépendant directement de la présidence russe. « Ce qui se dit entre Alger et Venediktov n’emprunte pas la voie diplomatique classique, ça part directement chez Poutine », se félicite un diplomate algérien.
Cet organisme, qui se charge de l’élaboration des stratégies sécuritaires internes et externes et des doctrines russes, est perçu par les États-Unis et les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) comme une mainmise de la présidence russe sur l’Armée rouge et les Affaires étrangères, surtout en matière de stratégie.
À Alger, Venediktov a été reçu par Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines pour de longues discussions sur la situation sécuritaire en Libye au Mali et dans la région du Sahel. Ils ont aussi évoqué les aspects connexes comme l’immigration illégale, la criminalité transnationale et la cybercriminalité.
Selon les informations recueillies par Middle East Eye auprès de sources diplomatiques, l’Algérie souhaite s’inspirer des modèles russe et américain pour élaborer sa stratégie de cyberdéfense et compte investir de gros moyens dans ce domaine.
Rétablir l’État libyen dans le cadre d’un dialogue inclusif
Le sujet central des discussions restera toutefois la Libye et l’évolution de la position russe, Moscou affichant de plus en plus ouvertement sa volonté d’intervenir dans le théâtre des opérations et son soutien au maréchal autoproclamé Khalifa Haftar.
Ce sujet avait déjà été évoqué le 29 mars dernier lors d’un entretien entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Leonidovitch Bogdanov et Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la nation, en marge du sommet de la Ligue arabe en Jordanie.
Lors de ce mini-sommet, le chef de la diplomatie russe avait transmis un seul message : la volonté de voir l’Algérie jouer un rôle dans la résolution de la crise et le rétablissement de l’État libyen dans le cadre d’un dialogue inclusif.
Traduction d’un ancien diplomate algérien connaissant parfaitement la situation en Libye : « Sans langue de bois, la Russie relance l’offre faite en décembre à l’Algérie d’aider Khalifa Haftar à se rapprocher de Fayez al-Sarraj et de soutenir ses efforts dans la lutte anti-terroriste sur le terrain ».
Le maréchal Haftar avait été reçu à Alger le 16 décembre pour négocier un accord de coopération militaire. Depuis, ce dernier s’est rendu sur le porte-avions russe Amiral Kouznetsov en janvier, puis quelques semaines plus tard, a pu envoyer ses blessés se soigner dans les hôpitaux de campagne russes en Syrie, avant que les troupes d’une société militaire privée russe, Wagner Group, s'invitent dans l’ouest libyen.
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