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La Russie et la Turquie s’entendent sur les politiques à mener en Syrie

Une source à Ankara révèle à Middle East Eye que Moscou a accepté d’engager des pourparlers au sommet sur la politique à adopter en Syrie, malgré la position toujours divergente sur l’avenir du président Bachar al-Assad
Rencontre entre Erdoğan et Poutine le 9 août à Saint-Pétersbourg (Reuters)

Bien que la Turquie et la Russie conservent des positions profondément divergentes sur l’avenir du président syrien Bachar al-Assad, les deux puissances de la région se sont engagées à ne pas reprendre les hostilités déclenchées après la destruction d’un avion russe par la Turquie à la fin de l’année dernière et à relancer de nouvelles négociations bilatérales au sommet.

« La question de Bachar al-Assad n’est pas réglée », a indiqué une source haut placée du gouvernement turc à Middle East Eye. Elle a révélé qu’un désaccord persistait entre les deux nations quant au rôle que pouvait jouer le président syrien dans un gouvernement de transition.

Cette même source a minimisé les informations parues dans la presse turque révélant que le Premier ministre Binali Yıldırım et son vice-Premier ministre Numan Kurtulmus avaient donné leur feu vert pour le maintien de Bachar al-Assad au gouvernement.

Les deux parties, qui s’accordent à dire que la politique menée par les États-Unis en Syrie est inefficace, ont mis en place un groupe de travail commun, malgré leurs positions divergentes, pour tenter de parvenir à un consensus.

Ce groupe sera dirigé, du côté de la Turquie, par le chef de l’Organisation nationale turque du renseignement (MIT), Hakan Fidan.

À l’issue de la rencontre entre les présidents Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg le 9 août dernier, les « lignes rouges » fixées par la Russie dans le nord de la Syrie avaient disparu.

De son côté, l’agence de presse officielle, Anadolu, a rapporté qu’Erdoğan et Poutine « se sont engagés à redoubler d’efforts pour s’assurer que l’aide réservée à la population d’Alep parvienne à destination », lors d’un entretien téléphonique vendredi dernier.

Cette source réfute les révélations d’un article publié par MEE depuis Téhéran selon lesquelles l’Iran jouerait le rôle d’intermédiaire entre Ankara et Damas. Cet informateur turc a toutefois reconnu le flegme dont a fait preuve l’Iran face à l’incursion de tanks turcs dans le nord de la Syrie, une position qu’il attribue à la recrudescence des attaques armées menées par les séparatistes kurdes d’Iran contre les infrastructures.

« Il y a une entente entre l’Iran et la Turquie au sujet de l’unité de la Syrie. Aucun d’eux n’a intérêt à ce que la Syrie soit divisée », précise la source. « L’Iran préfère conserver une Syrie unifiée, car cette dernière constitue une plateforme importante pour accroître son influence dans la région. Cette notion de ‘’Syrie unifiée’’ est, en ce qui nous concerne, un bon point de départ. »

En Iran, deux groupes de combattants kurdes cohabitent – les peshmergas du Parti démocratique du Kurdistan iranien (KDPI), un groupe d’opposition en exil qui fomente un retour dans la République islamique – et le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), la branche iranienne du PKK en Turquie.

Réseau clandestin

En mai dernier, MEE s’est entretenu avec des combattants peshmergas du KDPI dans une ancienne forteresse de l’armée irakienne, située dans la ville de Koya, qui tient lieu de quartier général pour le groupe.

MEE a rapporté que le KDPI dirigeait la campagne de recrutement en Iran. 

« L’objectif de ces combattants équipés d’armes légères (kalachnikovs, mitraillettes et fusils d’assaut) est d’éviter toute confrontation avec l’armée [iranienne] pendant la traversée des montagnes, pour ensuite se fondre dans les villes et les villages de Rojhelat - nom kurde de leurs régions traditionnelles situées dans le nord-ouest de l’Iran. »

Dans un article, MEE reprenait les propos de Qadir Wrya, membre du politburo du KDPI : « Ces deux dernières années, le KDPI a joué un rôle de plus en plus actif en Iran. »

Qadir Wyra a révélé que le parti était en train de constituer un réseau clandestin de cadres à Rojhelat.

Selon la source turque, les Iraniens essuient actuellement en Syrie l’effet boomerang de leur politique, avec le retour des combattants kurdes du front nord, accueillis en véritables héros par la population sunnite kurde dans le nord-ouest de l’Iran.

Selon ce témoin, les efforts déployés par les Kurdes en vue d’établir un État le long de la frontière turque au nord de la Syrie a ravivé un combat encore plus ancien en faveur d’une enclave kurde en Iran.

Dans l’article de MEE datant de mai dernier, il est également précisé qu' « entre quatre et sept millions de Kurdes vivent en Iran, la plupart dans les provinces du Kurdistan, de l’Azerbaïdjan, de l’Ilam et du Kermanshah.

« La théocratie chiite en place à Téhéran n’a jamais abandonné sa méfiance envers les minorités – la langue kurde n’est pas enseignée à l’école – et les Kurdes majoritairement sunnites dénoncent une politique discriminatoire du gouvernement à l’encontre de leur religion. Les partis politiques kurdes sont toujours illégaux et leurs militants sont régulièrement jetés en prison et torturés.

« Tant que Téhéran poursuivra cette politique de déni absolu et multiforme, notre sentiment d’aliénation et de mécontentement ne fera qu’augmenter », a prévenu Himan Hosseini, analyste collaborateur à l’Institut kurde de Washington.

Traduit de l’anglais (original) par Julie Ghibaudo. 

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