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La Tunisie doit réformer des lois « draconiennes » sur les stupéfiants, selon HRW

Les partisans de la réforme de la législation sur les stupéfiants ont averti que la « loi 52 » contribuait à « détruire des vies »
Des manifestants réclament la dépénalisation du cannabis lors d’une manifestation en Tunisie, en 2012 (YouTube/Nawaat)
Par MEE

Human Rights Watch a critiqué les lois tunisiennes « draconiennes » sur les stupéfiants, à cause desquelles les infractions liées aux drogues représentent 28 % de la population carcérale.

Le nouveau rapport de l’organisation condamne la très controversée « loi 52 », adoptée sous l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, qui prévoit des peines sévères pour l’usage de stupéfiants dans le pays.

« Si vous fumez un joint en Tunisie, vous risquez d’être arrêté, battu par la police, contraint à faire un test d’urine et finalement condamné à un an de prison dans une prison surpeuplée avec des criminels endurcis comme compagnons de cellule », a déclaré Amna Guellali, directrice du bureau tunisien de HRW.

Dans 70 % des condamnations pour des infractions liées aux stupéfiants, la drogue en question était la résine de cannabis, ou « zatla », drogue de prédilection des jeunes Tunisiens. Les stigmates d’une peine d’emprisonnement pour usage de stupéfiants peuvent avoir des effets à long terme.

Cité par HRW, un consommateur a déclaré que son séjour en prison avait effectivement détruit sa vie.

« Quand j’en suis sorti, les gens me regardaient comme si j’étais un criminel, a-t-il confié. Quelqu’un qui a purgé une peine de prison est toujours considéré comme un criminel. »

Un groupe connu sous le nom d’« Al Sajin 52 » (« Prisonnier 52 »), qui appelle à l’instauration d’une réforme, a également soutenu que la loi 52 contribue à « détruire des vies ».

Manifestant à l’extérieur de l’Assemblée nationale début janvier, une membre du groupe qui s’est simplement présentée sous le nom de « Yamina » a affirmé que son fils avait été emprisonné pendant un an sans procès pour une infraction présumée liée à la consommation de drogue avant d’être libéré le jour de son audition. Depuis lors, il est au chômage en raison de son séjour derrière les barreaux, a-t-elle raconté.

« Des familles entières vivent dans l’horreur à cause de cette loi », a-t-elle indiqué à TunisiaLive.

En décembre, un projet de loi a été présenté au parlement afin d’abolir les peines de prison pour une première et une deuxième condamnation, mais celui-ci doit encore être soumis au débat.

« Si la Tunisie réussit sa réforme de la loi sur les stupéfiants, ce pays pourrait devenir un modèle pour la région », a soutenu Amna Guellali.

« Le nouveau projet de loi reconnaît tacitement les lourdes conséquences [...] que la loi actuelle fait subir aux Tunisiens, en particulier aux jeunes, a-t-elle précisé. Le parlement devrait aller au bout de la logique en éliminant toutes les peines de prison pour usage personnel de drogue ou possession de drogues pour usage personnel. »

Cependant, HRW a averti qu’une disposition du projet de loi interdisant l’« incitation publique à commettre des infractions liées à la drogue » représentait une menace pour la liberté d’expression et pourrait limiter les activités des artistes de hip-hop.

Le trafic de drogue peut être une activité lucrative pour les Tunisiens, qui sont pour beaucoup lourdement touchés par le taux de chômage élevé dans le pays (15,3 % à l’heure actuelle).

D’après Radhwane, un trafiquant de drogue interviewé par l’Institute for War & Peace Reporting (IWPR), une grande variété de drogues est disponible sur le marché.

« Un morceau de zatla coûte cinq dinars et peut être utilisé pour deux spliffs, et ses effets durent sept heures », a-t-il expliqué.

« Mais une boîte de comprimés d’Artane [un médicament anti-anxiété], par exemple, vaut 3,8 dinars en pharmacie. Une boîte contient 50 comprimés dont les effets durent plus de huit heures, ce qui signifie qu’une boîte suffit à l’acheteur pour tenir un mois entier. Et si vous vouliez les revendre, un seul comprimé coûterait 1,5 dinar et la boîte entière vaudrait donc 75 dinars, ce qui représenterait un bénéfice massif en très peu de temps. »

Un autre narcotrafiquant a indiqué à l’IWPR que sa clientèle se constitue de tout un ensemble de personnes venant d’horizons différents.

« La plupart de mes clients sont des adolescents, a-t-il expliqué. Il y a aussi des personnes dont la famille a éclaté et des femmes qui achètent par le biais d’intermédiaires. J’utilise des écoliers comme distributeurs et je les paie dix dinars toutes les cinq livraisons. »

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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