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La Tunisie, poste avancé des forces américaines en Afrique du Nord

Une surveillance des zones sensibles par des drones, des hommes engagés sur le terrain, une aide à la planification militaire : plusieurs éléments indiquent que les Américains ont établi une présence militaire durable en Tunisie
Un membre des unités spéciales de l’armée tunisienne se tient devant l’équipement militaire offert à la Tunisie par les États-Unis, le 12 mai 2016, sur une base militaire à Tunis (AFP)

ALGER – Que ce soit sur terre ou dans les airs, les forces du commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM) ou celui des forces spéciales (USSOCOM) ne cessent de faire parler d’elles, malgré beaucoup d’efforts pour dissimuler leurs activités et le continuel déni des autorités tunisiennes sur une quelconque présence étrangère sur son sol.

Alors qu'il n'existe aucune base formelle de l’OTAN ou des États-Unis sur le sol, de nombreux indices confirment une présence durable en Tunisie.

Une base de drones à Bizerte

En août 2017, une enquête pour abus sexuel avait impliqué un officier supérieur de l’US Air Force sur une base de drones située près de Bizerte, dans l’extrême nord-est du pays. 

Le lieutenant-colonel Denis Paquette avait été condamné à la radiation des effectifs de l’armée, sans pension ni retraite, après avoir été condamné par un juge militaire pour sa consommation excessive d’alcool et une relation inappropriée avec une femme soldat, de vingt ans sa cadette. 

Paquette était commandant du 722escadron de drones et de la base de Sidi Ahmed dans le gouvernorat de Bizerte en Tunisie. Cette base avait été décrite par le magazine officiel de l’armée américaine Stars and Stripes comme étant une base gérée avec la Tunisie. 

En Tunisie, l’approche américaine « Intelligence Surveillance Reconnaissance » (ISR) a été large, avec un entrelacement des acteurs ayant pour finalité obtenir le maximum d’informations en temps réel

En réalité, il s’agit d’un escadron de drones MQ9, non armés, utilisés par les Américains pour surveiller la Libye et les régions de Tunisie où les islamistes armés se regroupent, comme celle du mont Chaâmbi dans le centre-ouest du pays.

En Tunisie, l’approche américaine « Intelligence Surveillance Reconnaissance » (ISR) a été large, avec un entrelacement des acteurs ayant pour finalité d'obtenir le maximum d’informations en temps réel à Stuttgart (siège de l’AFRICOM) ou à Washington. La base de Sidi Ahmed n’est qu’une petite composante du dispositif. 

À LIRE ► Affaire des drones : où se cachent les bases américaines en Afrique du Nord ?

L’autre composante, c’est le recours aux entreprises militaires privées pour des missions de reconnaissance au-dessus de la Libye, et surtout au-dessus de la Tunisie, à partir de l’île italienne de Pantelleria, à une cinquantaine de kilomètres au large de Tunis. 

C’est de là que plusieurs entreprises travaillant pour le Pentagone font décoller leurs avions civils transformés pour scruter le sol de manière quotidienne. 

Les aides à l’armée tunisienne

Troisième angle dans cette stratégie ISR : doter les forces armées tunisiennes de capacités de reconnaissance par des dons ou des ventes d’équipements avec des financements avantageux dans le cadre du programme EDA (Excess Defence Articles pour les dons) et FMS (Foreign Military Sales pour les ventes). 

Ce fut le cas en 2016 : les États-Unis avaient ficelé un package de vingt millions de dollars de dons militaires contenant deux Jeeps, des équipements de communication et surtout douze petits avions monomoteurs Maule MX-12 équipés de caméras de surveillance. Ce deal sera suivi une année plus tard par la vente de 24 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque Kiowa retirés du service aux États-Unis. 

Les États-Unis ont aussi envoyé des « conseillers » et ont même participé et dirigé des combats sur le territoire tunisien

Ces dons devaient en principe favoriser les échanges d’informations entre l’armée tunisienne et son homologue américaine, mais il semblerait que les Américains n’ayant pas été satisfaits par le niveau de coopération, ont finalement décidé de garder le contrôle total des douze avions de reconnaissance offerts aux Tunisiens. 

La présence américaine ne s’est pas limitée au domaine de la reconnaissance aérienne : les États-Unis ont aussi envoyé des « conseillers » et ont même participé et dirigé des combats sur le territoire tunisien. 

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En août dernier, plusieurs médias avaient révélé que deux Marines américains avaient reçu des médailles suite à leurs « actes héroïques accomplis à l’occasion d’une bataille contre des combattants d’al-Qaïda en Afrique du Nord ». 

Les faits remontent au 28 février 2017, lorsqu’une équipe de Marines effectuant une mission d’entraînement et d’assistance auprès des forces tunisiennes ont engagé un groupe terroriste appartenant à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dans le mont Semmama, près de Kasserine dans l’ouest près de la frontière avec l’Algérie. 

Cette bataille décrite comme « féroce », avait aussi impliqué des hélicoptères d’attaque pilotés par des Américains, qui avaient engagé des combattants d’AQMI au sol. C’est la déduction du média Menastream qui avait suivi les événements de près lors de leur occurrence. 

Plusieurs pays engagés

Cette bataille aurait fait deux morts parmi les membres de la katiba Oqba Ibn Nafi et un blessé dans l’armée tunisienne. Il s’agirait d’un tireur au fusil mitrailleur qui opérait à partir de l’hélicoptère engagé dans l’opération, remplacé au canon par un sergent américain.

Les États-Unis ne sont pas le seul pays à avoir des troupes ou des instructeurs en Tunisie. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique et la France ont beaucoup contribué à l’effort de guerre contre les islamistes armés en Tunisie en formant les militaires sur place et en les assistant dans la planification des opérations et dans leur exécution.

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