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Le Premier ministre turc presse Trump d’extrader Gülen

Après les désaccords sur la Syrie et la frustration dans les efforts pour obtenir l’extradition du prédicateur, plusieurs responsables à Ankara voient Trump comme un moyen de faire table rase
Binali Yıldırım a appelé le prochain président des États-Unis à prendre en considération « les sensibilités turques dans la lutte contre le terrorisme » (Reuters)

ISTANBUL, Turquie – Le Premier ministre turc Binali Yıldırım a félicité Donad Trump pour sa victoire inattendue à l’élection présidentielle américaine mercredi et l’a immédiatement appelé à extrader Fethullah Gülen.

Fethullah Gülen est le prédicateur exilé aux États-Unis que le gouvernement d’Ankara accuse d’avoir orchestré le coup d’État raté du 15 juillet dernier.

« Donald Trump a été élu 45e président. Je le félicite et je l’appelle à extrader Gülen », a déclaré Binali Yıldırım.

« Voilà une occasion pour le nouveau président d’approfondir nos relations traditionnellement amicales en prenant en compte les sensibilités de la Turquie dans sa lutte contre le terrorisme et en faisant de la paix et de la stabilité régionale une priorité. »

Le monde sous le choc après la victoire inattendue de Donald Trump

De nombreux médias pro-gouvernement se sont rangés derrière Donald Trump, qu’ils voient comme une meilleure option aussi longtemps que les politiques américaines et turques doivent être alignées au Moyen-Orient.

Les politiques américaines et turques au Moyen-Orient, et envers la Syrie en particulier, sont devenues extrêmement divergentes pendant les huit ans de mandat de Barack Obama.

Selon un média local, le ministre turc des Affaires étrangères a publié un communiqué disant : « Les résultats de l’élection américaine reflètent la préférence du peuple américain et la Turquie respecte son choix. »

Le ministre de la Justice Bekir Bozdag a rappelé que la relation d’amitié turco-américaine était celle d’alliés stratégiques et que des individus n’avaient pas à décider de cette relation.

« Aucun individu ne décide de la relation entre nos pays, qui sont profondément enracinées et institutionnalisées. Le peuple américain a fait son choix et il doit être respect », a-t-il affirmé.

« Personne ne peut gagner des élections avec des titres de journaux, des études et des émissions télé. C’est le peuple qui décide du vote à la fin. De ce que j’ai vu, le peuple américain a refusé de voir sa volonté manipulée à travers une stratégie électorale », a ajouté Bekir Bozdag.

Le sentiment dominant dans les cercles du gouvernement turc et les médias pro-gouvernement est que les États-Unis, pendant les années Obama, ont souvent abandonné Ankara et parfois même agi contre ses intérêts.

Ils craignaient qu’une victoire de Hillary Clinton poursuive la politique américaine en cours et qu’il n’y ait aucune solution en vue pour apaiser les tensions dans la relation entre Ankara et Washington.

Les « erreurs » d’Obama

Un édito publié le 9 novembre dans le quotidien pro-gouvernement Daily Sabah se concentre presque exclusivement sur ce que qui est perçu comme les « erreurs » d’Obama pendant son mandat.

Un autre article écrit par Sadik Unay, du think-tank de la fondation SETA, pro-gouvernementale, rappelle combien la Turquie avait entretenu des relations exemplaires avec la dernière administration républicaine sous George W. Bush, voyant en cela un signe positif dans la victoire de Trump à la présidence.

Ces derniers mois, les médias pro-gouvernement se sont aussi focalisés sur les liens supposés et la sympathie entre le camp Clinton et le mouvement de Gülen.

Ankara a lancé des procédures pour que soit extradé Fethullah Gülen et a l’impression que les États-Unis n’ont pas agi assez promptement pour faciliter leur requête.

Une délégation de responsables, dont la dernière conduite par Bekir Bozadag le mois dernier, sont venues en visite aux États-Unis pour convaincre les responsables américains.

Des doutes sur Clinton

Les médias pro-gouvernementaux ont aussi l’impression que c’est l’administration Obama, lorsque Hillary Clinton était secrétaire d’État, qui a poussé la Turquie à afficher une posture agressive envers la Syrie et contre le président Bachar al-Assad et a ensuite refusé de soutenir militairement et diplomatiquement Ankara.

La coopération militaire et le soutien de l’administration Obama au Parti de l’union démocratique (PYD) syro-kurde dans la lutte contre le groupe États islamique (EI) et la crainte que cela continue sous la présidence de Hillary Clinton ont aussi contribué à faire en sorte que l’élite au pouvoir en Turquie voient en Trump une meilleure option.

La conviction est, à tous le moins, qu’avec Trump s’offre l’occasion de faire table rase et d’avoir une oreille plus attentive aux préoccupations d’Ankara.

Les médias pro-gouvernementaux en Turquie n’ont pas fait une affaire de la rhétorique islamophobe de Trump pendant sa campagne électorale.

A partir du moment où la priorité est mise sur la reconstruction d’une relation amicale et de travail avec les États-Unis pour sauvegarder ce qu’ils considèrent comme des questions existentielles de la Turquie sur la Syrie et l’Irak, cela est considéré comme une question secondaire.

Les responsables turcs, conduits par le président Recep Tayyip Erdoğan, attaquent régulièrement les gouvernements européens pour leurs déclarations islamophobes et ce qu’ils perçoivent comme de l’inaction contre l’islamophobie pour la combattre. Mais ces critiques s’étendent rarement aux États-Unis et à Trump.

Traduit de l'anglais (original).

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