Le Sud tunisien s'embrase après la mort d'un manifestant
Le tension montait depuis plusieurs semaines, comme un avertissement. Et les menaces du président Béji Caïd Essebsi d'opposer l'armée aux manifestants n'ont sans doute fait qu'attiser un peu plus la colère latente.
Ce lundi, des manifestants qui tentaient de pénétrer dans un complexe pétrolier et gazier à El Kamour, dans la région de Tataouine (sud), ont été repoussés par les forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Et un jeune manifestant, Mohamed Sekrafi, est décédé après avoir été écrasé « accidentellement », selon la version officielle, par un véhicule de la gendarmerie.
Une cinquantaine de personnes ont également été hospitalisées pour asphyxie au gaz lacrymogène ou fractures, lors de heurts entre manifestants et forces de l'ordre à El Kamour et Tataouine, a indiqué à l'AFP le ministère de la Santé.
Dans l'après-midi, les manifestations se sont propagées à Medinine, au nord de Tataouine.
À Tunis, des dizaines de personnes se sont rassemblées, au milieu d'une forte présence policière, près du ministère de l'Intérieur pour dénoncer les violences à El Kamour en scandant le slogan phare de Tataouine, « On ne lâche rien ». « Par notre âme, par notre sang, nous nous sacrifierons pour toi Ô martyr ! Ministère de l'Intérieur, ministère terroriste », ont-ils crié.
Traduction : « En soutien à Tataouine et Kamour, des centaines de personnes manifestent devant l’ambassade française avenue Bourguiba »
La commission parlementaire sécurité et défense devrait se réunir aujourd’hui à 16h, en présence des ministres tunisiens de la Défense et de l’Intérieur pour « suivre l’évolution de la situation à Tataouine. ».
Depuis près d'un mois, des habitants campent dans la zone d'El Kamour et entravent la circulation des camions vers les champs pétroliers de Tataouine pour réclamer une meilleure répartition des richesses et des recrutements prioritaires dans les sociétés du secteur.
La tension est montée ces derniers jours. Samedi, l'armée a procédé à des tirs de sommation pour disperser la foule, pour la première fois depuis que le président Béji Caïd Essebsi a demandé aux militaires de protéger les sites de production d'éventuels blocages dus à des mouvements sociaux.
Traduction : « La zone de la Sûreté générale a été incendiée. Même chose pour la zone de la Garde nationale et toutes les voitures »
Dimanche soir, le ministère de la Défense a par ailleurs prévenu que l'armée aurait recours à la force contre quiconque tenterait de pénétrer dans ces installations.
Le communiqué met ainsi en garde « tous les citoyens contre des poursuites judiciaires en cas de heurts avec les unités militaires et sécuritaires, et contre les dommages physiques pouvant les atteindre dans le cas d'une gradation dans l'usage de la force ».
« Il faut comprendre que la tentative d'entrer par la force dans l'installation protégée par l'armée n'est pas un acte pacifique. C'est une tentative d'entrer par la force et cela requiert une réaction », a insisté lundi le porte-parole du ministère, Belhassen Oueslati, sur la radio Express FM.
Traduction : « Les manifestations se sont transformées en affrontements devant les quartiers généraux de la Garde nationale »
Dans son communiqué, le ministère a également affirmé que le pompage du pétrole avait repris « normalement » à El-Kamour. Samedi, Radio Tataouine, une station publique, avait indiqué que des manifestants avaient provoqué la fermeture de l'installation.
« Suite aux tensions et pour éviter toute perte de vie humaine, les unités militaires ont eu recours à un ingénieur spécialisé pour baisser temporairement la pression dans la station de pompage, puis elles l'ont ramenée aujourd'hui [dimanche] à son niveau normal », a précisé le ministère.
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Le gouvernement d'union de Youssef Chahed est confronté à une grogne sociale croissante, en particulier dans les régions de l'intérieur. Les mouvements prennent régulièrement l'allure de sit-in bloquant routes et accès à certains sites.
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