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Les États-Unis admettent que de nombreux civils ont été tués par des frappes contre l’EI

« Parfois, les civils paient le prix de l'action militaire », a déclaré un porte-parole de l'armée américaine tandis que le Pentagone publie le nombre de victimes civiles de sa campagne en Syrie et en Irak
Six enfants de la famille al-Amouri ont été tués par une frappe aérienne américaine à Atmeh en août 2015, selon leur père (MEE/Bilal Abdul Kareem)

Le Pentagone a déclaré mercredi que les frappes aériennes américaines contre l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie ont tué 119 civils depuis 2014, un nombre bien moins élevé que le nombre de victimes estimé par les groupes d’observation.

Selon Centcom, le commandement de l'armée américaine au Moyen-Orient, les chiffres publiés proviennent de l’examen de rapports et de bases de données couvrant plusieurs mois. Selon une liste publiée dans le rapport, 64 personnes auraient été tuées et 8 blessées lors de 24 frappes aériennes l’année dernière.

Le pire incident se serait déroulé le 5 mars 2016, lorsque 10 civils auraient été tués par une frappe sur une usine de production d’armes de l’EI près de Mossoul, en Irak.

L’ONG Airways, basée à Londres, estime pour sa part que les bombardements de la coalition ont tué 1 787 civils depuis le début de la campagne aérienne contre l’EI en août 2014.

« Nous avons des équipes qui travaillent à temps plein pour éviter les victimes civiles involontaires », a affirmé le colonel John Thomas dans la déclaration du Centcom.

« Nous faisons tout ce que nous pouvons pour limiter ces accidents, y compris parfois en renonçant à frapper des cibles. »

L’enquête du Pentagone a trouvé que « dans chacune de ces frappes, les bons procédés ont été suivis ; chaque frappe respectait le droit des conflits armés, et des précautions importantes ont été prises malgré les regrettables résultats », a déclaré le colonel.

Les États-Unis, qui effectuent 80 % des bombardements au sein de la coalition, déclarent utiliser des munitions à guidage de précision qui limitent le nombre de victimes civiles.

Toutefois, ces affirmations ont été remises en question quant à leur exactitude et les méthodes d’évaluation employées par l’armée américaine pour évaluer le nombre de victimes civiles.

L’an dernier, Middle East Eye a rapporté la mort de six enfants de la même famille tués par une apparente frappe aérienne américaine près de la ville d’Atmeh, en août 2015.

Muawiyya al-Amouri avait déclaré à MEE que 6 de ses enfants, âgés de 10 mois à 10 ans, et 3 membres d’une famille de réfugiés vivant chez eux avaient perdu la vie dans l’attaque.

Centcom avait ouvert une enquête sur l’incident mais avait déclaré par la suite à MEE que celle-ci avait conclu que les informations étaient « sans fondement » et que la cible de la frappe était une « zone de rassemblement » de l’EI.

Al-Amouri avait alors déclaré à MEE : « L’EI ne s’est pas rendu dans cette zone depuis 2 ans. Ceci est ma maison. La mienne. J’y habitais avec mes enfants et des réfugiés. Tous des civils. »

Ses enfants survivants, Ali (5 ans) et Nariman (2 ans), ont subi de graves blessures qui ont changé leurs vies.

https://www.youtube.com/watch?v=eUYv7DZ-9FY

Selon Al-Amouri, Ali a dû être opéré pour des traumatismes crâniens et a passé 1 mois à l’hôpital, tandis que sa fille Nariman a perdu l’usage de ses jambes, de ses yeux et de la parole.

« Avant, elle parlait et marchait, elle n’avait aucun problème. Maintenant, voyez l’état de ses jambes. Je ne sais pas ce qu’elles ont. Elle ne parle pas, elle ne voit rien, et je ne sais pas quoi faire pour elle », avait-il déclaré.

Jennifer Gibson, avocate auprès de Reprieve, une organisation de défense des droits de l’homme qui a entrepris une action judiciaire au nom des victimes civiles de frappes de drones, a appelé les États-Unis à ouvrir « des enquêtes publiques et dignes de ce nom au sujet des dizaines de déclarations crédibles de pertes civiles ».

« La réalité, c’est que les États-Unis n’ont tout bonnement aucune idée de qui ils tuent. Ce manque de transparence est la marque de fabrique d’une approche contreterroriste américaine qui consiste à tirer des missiles en se basant sur un renseignement défectueux et sans rendre de comptes. »

La Russie est accusée de son côté d’utiliser des bombes conventionnelles qui sont bien plus meurtrières pour les populations civiles.

Amnesty International estime que plus de 300 civils ont été victimes de frappes aériennes de la coalition en Syrie.

Le nombre de victimes a augmenté de façon importante depuis le début, fin 2015, de la campagne de la coalition visant à poser les bases pour reprendre Mossoul et Raqqa, les bastions de l’EI en Irak et en Syrie respectivement.

Mercredi, une frappe aérienne de la coalition internationale en plein milieu de la nuit a tué 20 civils, dont 2 enfants, dans un village situé à proximité de Raqqa, selon un groupe d’observation.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé au Royaume-Uni, a déclaré que des dizaines de personnes avaient également été blessées par des frappes aériennes dans la nuit de mardi sur le village d’al-Heisha, à environ 40 km au nord de Raqqa.

« Le bilan a atteint 25 morts, dont 9 femmes et 2 enfants », a déclaré le directeur de l’OSDH, Rami Abdul Rahman.

Ce dernier a également indiqué que 32 personnes avaient été blessées par les frappes et que toutes les victimes étaient civiles.

Al-Heisha, contrôlée par l’EI, a été la cible d’un nouvel assaut des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui essaient d’atteindre Raqqa avec l’aide des États-Unis.

Un porte-parole de l’alliance kurdo-arabe a rejeté les rapports faisant état de victimes civiles.

« Rien de tel ne s'est passé, et ces accusations sont le fait de l'EI », a déclaré à l'AFP Jihan Cheikh Ahmad.

Selon le média des FDS, 6 combattants de l’EI ont été tués par les frappes menées par la coalition internationale sur le village. Les FDS ont également accusé l’EI d’empêcher les civils de quitter al-Heisha pour les utiliser comme « boucliers humains ».

La coalition menée par les États-Unis n’a pour l’instant pas commenté le rapport.

Traduit de l’anglais (original).

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