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L'hiver dans les ruines de Gaza

Depuis la guerre de 2014, à l’issue de laquelle de nombreux habitants de Gaza se sont retrouvés sans abri, les tempêtes hivernales donnent lieu à des situations d’urgence pour ceux qui ne sont pas préparés à les surmonter
Des enfants tentent de traverser la rue Salah al-Din, dans la ville de Gaza (MEE/Mohammed Asad)

KHUZA’A, bande de Gaza – Rien n’a changé. Fin 2014, Middle East Eye s’était tout d’abord entretenu avec Fareed al-Najjar, après la guerre de 51 jours, lorsque les pluies torrentielles ont commencé. Aujourd’hui, celles-ci sont revenues et sa situation est désastreuse.

« On nous a dit que nous ne vivrions que quelques mois dans ces conteneurs de transport, le temps de recevoir des logements de remplacement », a expliqué Fareed. Son voisin l’a interrompu : « Ils nous ont menti et ils nous laisseront ici pour toujours. »

Ailleurs dans la bande de Gaza, les toits de plusieurs maisons ont récemment été arrachés par les tempêtes hivernales. Les écoles ont été fermées pendant deux jours et les prévisionnistes annoncent qu’une nouvelle tempête va balayer la région avec des rafales allant jusqu’à 80 km/h.

Raed al-Dahshan, représentant du corps de pompiers, a indiqué à MEE que 17 personnes ont dû être évacuées de chez elles. Tandis que les municipalités de Gaza ont annoncé un état d’urgence, les pompiers devraient être mobilisés 24 heures sur 24.

La maison de Fareed fait partie de la centaine de milliers de maisons qui ont été détruites ou fortement endommagées lors de la guerre, qui a tué plus de 2 200 personnes et laissé derrière elle des dizaines de milliers de blessés et de sans-abris. Depuis, il survit dans un conteneur rouillé et rongé par les fuites, qui a été endommagé par les tempêtes de 2014 et qui est devenu inhabitable.

Les enfants et les personnes âgées sont les plus affectés par le froid. Faisant face à un manque de chaussures adéquates et de vêtements résistants à l’eau et adaptés à la saison, la région n’est pas préparée à affronter une catastrophe naturelle ou des conditions météorologiques extrêmes. Amjad, un garçon de 10 ans, se tient devant une grande flaque d’eau de pluie à l’intérieur de son conteneur. Il raconte à MEE qu’il n’a pas dormi la nuit précédente parce que son père a estimé que cela était dangereux.

Des enfants sortent de leur habitation temporaire après une averse (MEE/Mohammed Asad)

« La pluie s’infiltrait dans la maison [le conteneur] pendant la nuit, mon petit frère pleurait et nous ne savons pas comment rester au chaud ou au sec », a-t-il déploré.

Fareed a expliqué que tout ce qui se trouve dans son conteneur est humide ou détrempé et qu’il lui est impossible de réparer les nombreuses fuites du toit.

L’eau de pluie a coulé à travers ces fuites, trempant ainsi les matelas de la famille, de sorte qu’il est devenu impossible de dormir. Les fuites empirent et l’inondation dans les toilettes présente désormais un risque sanitaire.

« Personne ne semble savoir quand ils reconstruiront les maisons qui nous ont été prises », a affirmé un aîné de la famille. « Quand pourrons-nous retrouver un foyer et vivre au chaud ? »

« Je ne me sens bien que lorsque je vois le soleil arriver », a confié Remas Kafarneh, une fillette de six ans. « Mais quand le ciel devient sombre et nuageux, je ne me sens pas en sécurité. »

Son grand-père, Ahmed Kafarneh, a expliqué que le plancher en métal du conteneur où ils dorment était rouillé et endommagé. « Plus nous marchons dessus, plus cela devient risqué et plus nous avons peur que le plancher cède pendant que nous dormons. »

Ahmed Kafarneh vit dans une habitation temporaire avec sa famille dans le village de Beit Hanoun (MEE/Mohammed Asad)

Ahmed louait auparavant un appartement, mais faute d’argent, il n’a pas eu d’autre choix que les conteneurs de transport.

« Nous avons plus rien, il ne nous reste qu’à implorer toute personne avec un cœur et une conscience d’écouter notre douleur et d’aider nos enfants », a-t-il déploré.

Avant la guerre, Ahmed, son épouse, son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants vivaient tranquillement à Khuza’a, dans une maison qu’il a construite après avoir travaillé de longues années en Israël.

« Puis en un instant, elle a disparu, elle est complètement tombée en ruines », a-t-il raconté. « Aujourd’hui, le monde nous oublie, y compris nos propres frères et sœurs arabes. »

« Ce qui me fait vraiment mal, c’est quand mon petit-fils me dit "Grand-père, j’ai froid" », a confié Ahmed.

Aggravant davantage leur calvaire, l’électricité à Gaza est souvent coupée 12 à 16 heures par jour.

« Ces conteneurs ne sont pas faits pour être des habitations à long terme », a-t-il indiqué. « Ils ne sont pas convenables pour des êtres humains. »

Pourtant, il sait que ses mots ne sont qu’éphémères et échapperont bientôt à l’attention internationale. Sa famille et lui doivent faire face seuls aux intempéries.

De fortes vagues s’abattent sur un port gazaoui (MEE/Mohammed Asad)

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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