L’interdiction du niqab en France viole les droits de l’homme, selon l’ONU
L’interdiction du niqab en France viole les droits de l’homme, a déclaré mardi le Comité des droits de l’homme des Nations unies, après avoir examiné le cas de deux Françaises condamnées pour le port du voile islamique intégral.
« Le Comité a estimé que l’interdiction généralisée à caractère pénal [...] a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion », a déclaré le Comité dans un communiqué de presse, notant que ces deux affaires étaient les premières où il examinait des lois interdisant le niqab ou tout autre voile islamique intégral.
Le Comité reconnaît que les États peuvent exiger des individus qu’ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d’identité, mais est d’avis que « l’interdiction généralisée du niqab est une mesure trop radicale ».
Le groupe d’experts de l’ONU a également reproché à cette loi de « marginaliser » ces femmes « en les confinant chez elles et en leur fermant l’accès aux services publics ».
Le ministère français des Affaires étrangères a réagi tardivement mardi en rejetant la décision du Comité, maintenant sa position selon laquelle se couvrir le visage est « incompatible avec le principe de fraternité et le socle minimal des valeurs d’une société démocratique et ouverte ».
« Un message important »
La décision de l’agence onusienne porte spécifiquement sur une loi française adoptée en 2010 qui stipule que « nul ne peut, dans un espace public, porter un vêtement destiné à dissimuler le visage ».
« Au lieu de protéger les femmes intégralement voilées, cette interdiction pourrait avoir l’effet contraire en les confinant chez elles, en leur fermant l’accès aux services publics et en les marginalisant »
- Comité des droits de l’homme des Nations unies
Le gouvernement français dispose de 180 jours – soit d’ici fin avril 2019 – pour informer le Comité des mesures prises pour appliquer sa décision, y compris l’indemnisation des deux requérantes et toute autre action visant à prévenir des violations similaires à l’avenir, telle que la révision de la loi de 2010.
Bien que la décision du Comité des droits de l’homme des Nations unies ne soit pas exécutoire, le droit international oblige la France, en tant que signataire d’un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), à s’y conformer « de bonne foi ».
Amina Easat-Daas, chargée de projet pour le « Counter Islamophobia Kit » (kit pour lutter contre l’islamophobie), rendu public en septembre, a salué la décision.
« Bien que celle-ci ne soit pas contraignante, elle envoie un message important à la France : la liberté de manifester sa religion est toujours importante », a-t-elle déclaré à Middle East Eye, ajoutant toutefois que « l’influence de la décision du Comité des droits de l’homme des Nations unies sera comprise en fonction du rapport de suivi que la France enverra au Comité ».
« Bien que la décision ne soit pas contraignante, elle envoie un message important à la France : la liberté de manifester sa religion est toujours importante »
- Amina Easat-Daas, chargée de projet pour le « Counter Islamophobia Kit »
Amina Easat-Daas a également déclaré qu’elle considérait cette décision comme un moyen alternatif de combattre le sentiment antimusulman, déclarant à MEE que celle-ci « soulignait le potentiel des approches descendantes, qui doivent naturellement être combinées avec des mouvements citoyens, dans la lutte collective contre l’islamophobie ».
Le Conseil français du culte musulman (CFCM), un organisme créé en 2003 par l’ancien président Nicolas Sarkozy afin de représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques, a en revanche exprimé son opposition à la décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU.
« Nous ne sommes pas d’accord avec cette condamnation. La France est un pays souverain, libre de prendre des décisions, notamment sur la sécurité », a réagi auprès de l’AFP Abdallah Zekri, son délégué général. « Le voile intégral n’est pas une prescription de l’islam », a-t-il ajouté.
En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme de l’Union européenne a statué que la loi française de 2010 ne violait pas les libertés religieuses – une décision judiciaire concurrente qui pourrait renforcer les arguments de la France en faveur du maintien en l’état de la loi.
Au cours des quinze dernières années, la France a adopté un certain nombre de lois contre le port de symboles religieux « ostentatoires » dans les institutions publiques et de vêtements dissimulant le visage – des politiques dénoncées par les défenseurs des droits de l’homme comme visant indirectement mais délibérément la communauté musulmane du pays.
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