Pour l’ambassadeur d’Égypte en Algérie, les Libyens « ne veulent pas des islamistes »
ALGER – « Les Libyens, connus pour leur esprit modéré, ne veulent pas des islamistes qui n’ont pas de base militante. » Dans un entretien accordé au quotidien algérien Liberté, l’ambassadeur d’Égypte en Algérie, Omar A. Abou Aich apporte quelques éclaircissements sur la position du Caire dans le dossier libyen.
En février dernier, Middle East Eye révélait qu’une nouvelle initiative se mettait en place entre Alger, Tunis et Le Caire pour préparer une plateforme de propositions pour un nouveau gouvernement en Libye, qui signerait de fait, la fin de l’accord de Skhirat – accord signé au Maroc prévoyant notamment la création du Gouvernement d’union nationale (GNA).
En raison de l’interférence américaine sur le dossier et du refus de l’Égypte d’intégrer les islamistes libyens au jeu politique, les négociations n’ont pas pu aboutir, comme prévu, à l’organisation d’un sommet entre les chefs d’État des trois pays impliqués dans cette médiation, Abdelaziz Bouteflika, Béji Caïd Essebsi et Abdel Fatah al-Sissi.
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Ce qui est apparu au cours des derniers mois comme un désaccord politique entre Alger – un diplomate algérien avait prévenu : « les conflits politiques entre le système et les islamistes en Égypte doivent rester en Égypte » – et Le Caire n’en serait, selon l’ambassadeur, pas un. Au contraire, il y a même eu « convergence ».
« Notre vision en Égypte était d’emprunter deux voies parallèles en même temps : la confrontation du terrorisme et la voie politique », explique-t-il. « L’Algérie, bien sûr, privilégie toujours, comme d’habitude, la voie politique et prenait en considération la question de la lutte contre le terrorisme. »
Preuve que les deux capitales sont sur la même longueur d’ondes, selon lui : le fait que cette semaine, elles aient réuni les libyens de Misrata, à l’Ouest, et des membres des autorités libyennes parallèles de l’Est.
Pour l’ambassadeur, si les islamistes en Libye veulent être partie prenante sur la scène politique, c’est parce qu’ils ont « des soutiens étrangers » qu’il cite : le Qatar et la Turquie.
« Chaque fois qu’on arrive à débloquer le processus de dialogue politique inter-libyen, ces deux pays s’y immiscent pour créer des problèmes », constate-t-il. « Il a fallu mettre la pression au niveau régional et international, notamment au niveau de l’ONU, pour qu’ils arrêtent leurs interférences dans la crise libyenne, et cela s’est traduit par une baisse des violences en Libye. »
Dans l’entretien, l’ambassadeur explique par ailleurs que le chef du Gouvernement d’union nationale, Fayez el-Sarraj, a reçu des menaces de mort après sa rencontre avec le maréchal Haftar à Abou Dabi « pour ne pas répéter ce genre de rencontres », mais que les menaces ont aujourd’hui diminué car « le Qatar est dans une position qui le pousse à ne pas continuer à soutenir les parties islamistes en Libye ».
Omar A. Abou Aich ne fait d’ailleurs pas de mystère des relations tendues entre l’Égypte et le Qatar, l’Égypte faisant partie du groupe d’État mené par l’Arabie saoudite qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar début juin.
« Cela fait une vingtaine d’années que l’Égypte a des problèmes avec le Qatar. Mais la situation s’est aggravée en 2011 et après l’élimination des Frères musulmans en 2013 », rappelle-t-il en accusant directement les Qataris d’être « responsables de plusieurs attaques terroristes en Égypte ».
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