Tony Blair joue toujours un rôle de premier plan dans les pourparlers entre le Hamas et Israël
Tony Blair a travaillé en coulisses pour arbitrer un accord de paix entre le Hamas et Israël, ont révélé des sources du Hamas à Middle East Eye.
Blair, l’ancien Premier ministre britannique qui s’est forgé une carrière de diplomate au Moyen-Orient depuis qu’il a quitté son poste, a récemment réussi à négocier un accord dans le cadre duquel le Qatar versera 30 millions de dollars pour les salaires des travailleurs du secteur public gazaoui.
Des sources de haut rang au sein du Hamas, qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat, ont indiqué cette semaine à Middle East Eye que Blair était récemment retourné dans la capitale qatarie, Doha, pour jouer un rôle de premier plan dans les négociations entre le mouvement palestinien et Israël.
Blair a également rencontré le Hamas à Doha à une autre occasion pour discuter de la réconciliation entre le Hamas et le Fatah, des groupes qui entretiennent des relations tendues depuis le conflit entre les deux parties à Gaza et la scission de l’Autorité palestinienne en 2007 ; toutefois, les discussions ne sont pas allées très loin, a déclaré une source palestinienne à MEE.
La même source a indiqué que le Fatah était actuellement frustré par le Hamas, qui fait pression en faveur d’élections municipales pour lesquelles le Fatah n’est pas préparé.
Blair était auparavant chef du Quartet pour le Moyen-Orient, un groupe de médiation composé de l’ONU, des États-Unis, de l’UE et de la Russie, poste duquel il a démissionné en mai dernier.
La source a déclaré à MEE que grâce aux efforts de Blair, Israël a donné son accord pour que le Qatar verse l’équivalent d’un mois de salaire (environ 30 millions de dollars) aux travailleurs de la fonction publique employés à Gaza par le Hamas, qui gouverne l’enclave littorale.
L’accord a été annoncé la semaine dernière par le Qatar, mais aucune mention n’a été faite du rôle de Blair dans les négociations.
Selon la source, le transfert de fonds sera organisé par l’ONU.
L’accord sur les salaires, qui profitera aux travailleurs qui n’ont pas reçu une pleine rémunération depuis 2013, s’inscrit dans des efforts plus larges visant à apaiser les tensions dans la bande de Gaza et à ouvrir la voie à un accord plus complet et à plus long terme.
La source a indiqué que Blair avait organisé des réunions avec le Hamas, Israël et des « parties internationales » dans le but de convenir d’un cessez-le-feu de quinze ans en échange d’une levée du siège imposé à Gaza par Israël depuis plusieurs années.
Le Fatah, rival du Hamas basé en Cisjordanie, a confirmé à Middle East Eye la participation de Blair, mais a mis en garde contre le fait que son intercession risquait de séparer Gaza de la Cisjordanie.
« Tony Blair tente de servir de médiateur entre le Hamas et Israël, mais seulement pour aider Israël et non le Hamas », a déclaré à Middle East Eye Nabil Shaath, membre du Comité central du Fatah, ce mercredi.
« Blair n’est rien de plus qu’un négociateur financier. Il œuvre dans le but de négocier des accords qui entraîneront la séparation de Gaza de la Cisjordanie. Cela ne fera qu’aider la politique stratégique d’Israël. »
Le porte-parole officiel du Hamas, Hossam Badran, a refusé de commenter les déclarations faites par d’autres hauts responsables de son organisation.
Les représentants de Blair et du Quartet ne se sont pas rendus disponibles pour formuler des commentaires.
Israël « prêt à travailler avec tout le monde » pour un échange de prisonniers
Yossi Melman, expert israélien en sécurité et analyste spécialiste de la sécurité pour le Jerusalem Post, a affirmé qu’il n’était pas surpris de voir Blair jouer de nouveau un rôle actif dans la diplomatie du Moyen-Orient, malgré la récente controverse sur son rôle dans la participation du Royaume-Uni à l’invasion de l’Irak en 2003.
« Il dispose de liens commerciaux au Qatar et dans la région. Et le Qatar est aujourd’hui le principal mécène du Hamas », a expliqué Melman à Middle East Eye.
« Il est dans les parages depuis plusieurs années et a accès au Premier ministre [israélien]. »
« Blair se concentre sur deux fronts : un échange de prisonniers et la réhabilitation économique, principalement à travers la création d’un port », a-t-il précisé.
Toutefois, a indiqué Melman, les efforts diplomatiques de Blair pourraient encore être sabordés, non pas par l’inimitié entre Israël et le Hamas, mais par la politique interne israélienne ou par des changements aux échelons supérieurs du Hamas.
Le Hamas plaide depuis longtemps en faveur du droit de construire et de superviser un port sur la côte de la bande de Gaza, où l’entrée des matériaux est à l’heure actuelle étroitement contrôlée par Israël.
En dépit du soutien au sein du gouvernement israélien pour le principe d’un port à Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahou craint que l’acceptation d’un accord ne signifie un partage de la scène avec ses rivaux politiques, a expliqué Melman.
« La grande question est de savoir si Netanyahou est prêt ; le ministre des Transports exerce de fortes pressions en faveur de la construction du port et Netanyahou perçoit cela comme une menace pour son trône au sein du parti », a déclaré Melman.
« Il s’agit plutôt d’une question de politique intérieure que de soutien public. »
En ce qui concerne un accord pour un échange de prisonniers, Melman a déclaré qu’un accord potentiel pourrait échouer en dépit du soutien important du public israélien, en raison des exigences importantes du Hamas.
Le groupe tenterait de conclure un accord pour un échange de prisonniers avec Israël dans le cadre duquel le Hamas restituerait les corps de deux soldats de l’armée israélienne en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens.
« La figure dominante du Hamas est désormais Yahya Sanwar, que je décrirais comme le ministre de la Défense. Il est chargé de la coordination entre la branche politique et la branche militaire. Il a lui-même été libéré de prison il y a trois ans dans le cadre d’un échange de prisonniers. Il a durci les exigences du Hamas. »
« Mais la posture générale d’Israël est que quiconque peut concrétiser [l’échange de prisonniers] devrait essayer. Israël essaie de travailler par tous les canaux possibles : les services de renseignement allemands, le Qatar et peut-être aujourd’hui la Turquie suite à sa réconciliation avec Israël. »
« Ils sont prêts à travailler avec tout le monde. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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