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Tunisie : les députés démissionnaires veulent empêcher une « succession dynastique »

La Tunisie est face à une possible crise parlementaire après que 32 députés ont fait part de leur intention de démissionner du principal parti dans la coalition au pouvoir
Hsouna Nasfi prend la parole lors de l’annonce de la démission de 32 députés de Nidaa Tounes le 9 novembre (AFP)

TUNIS – Un député tunisien de premier plan qui a démissionné du principal parti de la coalition au pouvoir a confié à Middle East Eye lundi qu’ils avaient pris cette décision parce que le président du pays tente de fonder une nouvelle dynastie.

Lazhar Akremi, ancien ministre tunisien des relations entre le gouvernement et le parlement, a déclaré être persuadé que le président Béji Caïd Essebsi « tente de préparer une succession dynastique en donnant davantage de pouvoir à son fils Hafedh Caïd Essebsi ».

Essebsi vient du parti Nidaa Tounes, qui a remporté une majorité relative de sièges lors des élections d’octobre 2014.

Dimanche, 32 députés appartenant à ce parti ont déclaré leur intention de démissionner, ce qui, si elle se confirme, réduirait de 86 à 54 le nombre de sièges du parti.

Nidaa Tounes aurait alors moins de sièges que son partenaire de coalition, le parti à tendance islamiste Ennahdha, ce qui pourrait conduire à une crise parlementaire.

Nidaa Tounes, qui a été cofondé par le président Essebsi, est déchiré par des luttes intestines depuis des mois.

Le groupe d’une trentaine de députés qui a démissionné dimanche est considéré comme un soutien du secrétaire général de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, lequel a également accusé le président Essebsi d’essayer de prendre le contrôle du parti.

Akremi et Marzouk se sont tous deux ralliés autour de cette revendication afin d’attiser les dissidences au sein de Nidaa.

L’un des députés démissionnaires, Mohamed Troudi, a déclaré à MEE que leur décision de quitter le parti tient en partie au fait que la direction a décidé de partager le pouvoir avec Ennahdha.

Nidaa Tounes a fait campagne l’année dernière en se positionnant contre les islamistes d’Ennahdha. Le nouveau parti a rassemblé des dignitaires du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, qui a été renversé en 2011 par des manifestations populaires, ainsi que des factions libérales – ensemble ils se sont battus avec succès pour l’emporter sur Ennahdha aux élections.

Mohamed Troudi a ajouté que la politique interne du parti a également joué un rôle clé dans la décision des députés de quitter Nidaa Tounes.

Selon lui, ces démissions tiennent à un « manque de communication ».

« Le parti au pouvoir a centralisé le pouvoir et a empêché de nombreux députés de contribuer aux décisions », a-t-il expliqué.

Sabrine Goubantini, une autre démissionnaire de Nidaa, a récemment déclaré à Mosaique FM qu’elle ne blâmait pas le président Essebsi pour les luttes intestines du parti, mais a pointé du doigt « ceux qui parlent en son nom », responsables selon elle d’avoir polarisé les désaccords.

Karim Baklouti Barketallah, qui siège au Conseil national de Nidaa Tounes, a témoigné à MEE de sa solidarité avec les députés démissionnaires.

Il a déclaré qu’« ils défendent l’objectif initial de Nidaa qui était de créer un équilibre politique et considérer Ennahdha comme un rival ».

Rached Ghannouchi, figure de proue d’Ennahdha, a exprimé sa sympathie pour les difficultés traversées par Nidaa en tant que parti et a annoncé aux médias locaux que son parti était déterminé à collaborer avec Nidaa Tounes et le Premier ministre Habib Essid.

Yusra Ghannouchi, sa fille et porte-parole d’Ennahdha, a déclaré à MEE que son parti a toujours « souligné que la stabilité des partis politiques est importante pour la stabilité de la Tunisie ».

« Puisque ce parti a obtenu la plus grande part des voix lors des élections, nous croyons que la stabilité de Nidaa Tounes est cruciale pour la stabilité de la Tunisie », a-t-elle affirmé. « Le gouvernement de coalition a entrepris des réformes économiques dont la Tunisie a besoin de toute urgence. »

« La stabilité du gouvernement de coalition est essentielle à un moment où les Tunisiens veulent voir ces réformes se concrétiser. »

Seifeddine Ferjani, chercheur pour le groupe Round Table Studies qui est également proche d’Ennahdha, a signalé à MEE que si ces démissions sont confirmées, Ennahdha et l’Union générale tunisienne du travail pourraient tous deux mettre en œuvre leurs programmes politiques plus librement.

Il a néanmoins ajouté qu’il craint une « potentielle instabilité gouvernementale ».

Ferjani a annoncé que les démissions seront confirmées d’ici la fin de la semaine, mais au moins 10 des 32 députés envisagent d’aller au bout.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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