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Un village zoroastrien s’anime pour l’antique fête d’hiver

Chaque année à la fin du mois de janvier, les zoroastriens iraniens célèbrent le passage de l’hiver en allumant des feux de joie dans les temples dispersés à travers le pays
Un groupe de jeunes filles non-zoroastriennes dansent autour du feu (MEE/Changiz M Varsi)

Seules trois familles vivent dans les vieilles maisons au toit de chaume du petit village de Cham. Une route étroite et poussiéreuse traverse le centre du village et s’en va au-delà des grenadiers.

Le village est situé dans la province de Yazd, dans le centre de l’Iran, entre les deux grands déserts de Dasht-e Lut, un des déserts les plus grands et les plus arides de la terre, et l’immense et en grande partie inhabitable désert de sel de Dasht-e Kavir.

Une des nombreuses maisons abandonnées du village zoroastrien de Cham dans le centre de l’Iran (MEE/Changiz M Varzi)

Les six habitants de ce village zoroastrien ne sont que des personnes âgées. Leurs enfants ont migré vers la ville orientale de Yazd, ou la ville occidentale de Taft, dans l’espoir de trouver un emploi et de se construire une vie meilleure. Les plus chanceux sont allés jusqu’à la capitale, Téhéran, à environ 650 kilomètres au nord.

La route vers Cham, qui se sépare de l’autoroute Yazd-Taft, passe devant un petit bâtiment sur une colline. Pir-e Rahgozar est le seul endroit qui anime le village, même si cela ne se produit qu’une fois par an. Pir-e Rahgozar est le temple où les zoroastriens se rassemblent le 10e jour du mois de Bahman (le 30 ou 31 janvier) pour célébrer l’antique fête de Sadeh.

Une zoroastrienne de la ville de Yazd assiste à la cérémonie à Cham (MEE/Changiz M Varzi)

Les origines de cette fête ne sont pas claires et il n’y a aucune trace de cette cérémonie dans les textes sacrés zoroastriens. Certains historiens suggèrent que cette cérémonie existait avant même le zoroastrisme, la plus ancienne religion monothéiste au monde.

Malgré le débat académique, il est communément admis que Sadeh est un rituel zoroastrien du milieu de l’hiver ayant pour objet de célébrer la date à laquelle les températures commencent à augmenter, 100 jours et 100 nuits après le début de l’hiver. « Cette cérémonie célèbre le moment où la terre se réchauffe de l’intérieur et nous allumons un feu pour vaincre les forces du froid et de l’obscurité », a expliqué Farzin Pour-rostam, un prêtre zoroastrien participant à la cérémonie.

Des zoroastriens prient à l’intérieur du temple Pir-e Rahgozar (MEE/Changiz M Varsi)

Certains récits mythologiques relient cette fête aux origines de l’humanité. Selon la mythologie perse, Houchang, le second roi du monde, a découvert le feu en essayant de frapper un dragon avec une pierre. Il aurait jeté un silex qui a heurté un autre silex provoquant une étincelle et engendrant un incendie.

Certaines personnes croient que cette fête célèbre cette découverte mythique du feu et que c’est la raison pour laquelle les prêtres zoroastriens mettent le feu à un grand tas de bois à l’apogée de la cérémonie.

Shina Sardady, une artiste zoroastrienne, raconte le mythe de la découverte du feu de la tradition de Naghaly. Ce type d’art scénique est la représentation iranienne en solo traditionnelle des épopées et vieilles histoires (MEE/Changiz M. Varzi)

À Cham, les adeptes de Zarathushtra ne sont pas les seuls participants à la cérémonie, lesquels ne viennent pas seulement des villes environnantes de Yazd ou Taft. Au cours des dernières années, les touristes iraniens ou ceux qui sont intéressés par le zoroastrisme sont venus de tout le pays pour célébrer Sadeh à Cham. Cette année, environ 4 000 personnes ont assisté au festival.

Tandis que les derniers rayons du soleil couchant disparaissent, les flammes du feu des zoroastriens s’élèvent (MEE/Changiz M. Varzi)

Fatemeh Ali-Ahmady, architecte musulmane de 46 ans, est venue de Téhéran pour assister à la cérémonie et visiter les villes centrales de Yazd et Kerman. Selon elle, cette fête n’est pas seulement un rituel zoroastrien, c’est « une ancienne cérémonie perse qui appartient à tous les Iraniens ».

On estime qu’environ 4 000 personnes ont assisté à la fête de Sadeh cette année, le nombre de participants non-zoroastriens serait également en augmentation (MEE/Changiz M. Varzi)

Ce n’est pas la première fois qu’Ali-Ahmady célèbre Sadeh. Les années précédentes, elle a participé à la cérémonie à Téhéran et Kerman. « Même si je pratique l’islam, je veux en savoir davantage sur le zoroastrisme car c’était notre religion ancestrale avant l’islam », a-t-elle déclaré, se référant à la conquête de l’Iran par les Arabes au VIIe siècle.

De 600 avant J-C jusqu’à 650 après J-C, le zoroastrisme était la religion officielle de l’Empire perse. Lorsque les Arabes ont mis l’Empire perse à genoux à la fin de la dynastie sassanide, la plupart des zoroastriens se sont convertis à l’islam. Quelques-uns se sont enfuis en Inde et un groupe plus petit est resté en Iran et a préservé sa foi. On estime à environ 25 000 le nombre de zoroastriens actuellement en Iran, selon le Centre statistique de l’Iran.

Deux zoroastriennes lisent les hymnes sacrés de Gata à haute voix en vieux persan et le traduisent en farsi moderne pour les participants (MEE/Changiz M. Varzi)

Bien que les zoroastriens soient peu nombreux, leurs rituels sont très répandus en Iran. Norouz, qui célèbre le Nouvel An persan en mars, la fête de Yaldâ, qui se déroule lors de la plus longue nuit de l’année, et Tchahârchambé souri, à la gloire du printemps, sont des exemples de cérémonies zoroastriennes que tous les Iraniens célèbrent publiquement.

Toutefois, Sadeh diffère un peu de certaines de ces autres cérémonies. « Même si les non-zoroastriens se joignent à nous pour la cérémonie, Sadeh n’est pas très connue parmi les Iraniens », a indiqué Shapour Pishdad, un zoroastrien de Yazd, à Middle East Eye. « Sadeh n’est pas aussi répandue que Norouz ou Yaldâ et les zoroastriens sont les seules personnes à célébrer officiellement cette fête dans leurs temples, leurs maisons et leurs lieux de culte. »

Pour la cérémonie, avant le rituel sacré d’embrasement du feu, six prêtres zoroastriens lisent à haute voix l’Avesta, le livre sacré des zoroastriens. Les prêtres sont toujours vêtus de robes de coton blanc, d’un pantalon blanc et d’un chapeau blanc en signe de pureté et de netteté.

Des prêtres zoroastriens effectuent la dernière partie religieuse de la cérémonie en récitant l’Avesta, les saintes Écritures du zoroastrisme (MEE/Changiz M. Varzi)

À l’intérieur de la petite salle de prière de Pir-e Rahgozar, les célébrants récitent des hymnes religieux en vieux persan. L’odeur des bâtons d’encens fumant emplit la pièce et un petit feu scintille dans une urne. Le feu est un élément important dans cette religion et un symbole de pureté et de vérité.

À l’extérieur de la salle, des zoroastriennes en robe et foulard blancs jouent du daf, un instrument traditionnel iranien, et attendent le dernier rituel de la cérémonie.

Six prêtres ainsi que six jeunes zoroastriennes, tous vêtus de blanc et tenant des torches, quittent le temple. Ils tournent autour du bûcher de droite à gauche. La foule se rapproche pour voir l’embrasement et, alors que les flammes s’élèvent, les acclamations de la foule se font plus fortes. Il s’agit du point culminant de la fête.

Les joueuses de daf tournent autour de la pile d’arbustes (MEE/Changiz M. Varzi)

Malgré la large acceptation du zoroastrisme en Iran, tous les Iraniens ne sont pas aussi favorables aux adeptes de cette religion. Le conducteur de l’autobus de nuit de Yazd à Téhéran a été surpris lorsqu’il a appris que des gens voyagent depuis la capitale pour participer à la cérémonie de Sadeh à Cham.

« Vous devez tellement vous ennuyer à Téhéran ou alors il faut que vous n’ayez absolument rien d’autre à faire pour venir ici pour Sadeh », a déclaré ce chauffeur de bus. « Les zoroastriens ne sont pas comme nous, ils ne croient pas en Dieu, ils adorent le feu. »

La fête de Sadeh dure environ trois heures et se termine par l’embrasement du feu (MEE/Changiz M. Varzi)

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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