Une auteure marocaine condamne les lois « moyenâgeuses » du pays sur la sexualité
Les Marocains doivent se rebeller contre la « législation moyenâgeuse » qui les maintient « sous une chape de plomb », a déclaré vendredi la lauréate du prix littéraire prestigieux tandis qu’elle défendait deux adolescentes qui ont été arrêtées pour s’être embrassées.
Leila Slimani, la première femme marocaine à avoir gagné le prix Goncourt jeudi dernier pour son roman Chanson Douce a fustigé le bilan en matière de droits de l’homme de son pays, notamment la façon dont les femmes sont traitées.
Une déclaration conjointe d’une vingtaine d’associations de défense des droits de l’homme a établi que les filles, âgées de 16 et 17 ans, ont été gravement battues par leurs familles après avoir été filmées en train de s’embrasser sur le toit d’une maison à Marrakech par un voisin avec un téléphone portable.
Selon la déclaration, les deux adolescentes, seulement identifiées par leurs prénoms, Sanaa et Hajar, se sont vues privées de nourriture pendant trois jours par la police, qui les ont ensuite forcées à signer une déclaration avant de les libérer jeudi.
« L'humiliation du citoyen, et le fait de le maintenir sous une chape de plomb, favorise un système politique qui est celui de l'"hogra", l'humiliation, et l'abus de pouvoir », a déclaré Leila Slimani à la radio France Inter.
« Je pense qu'il est temps que les citoyens prennent ça en main, se rebellent contre ça », a déclaré l’auteure de 35 ans, dont le livre lauréat s’inspire de l’histoire d’une nourrice aux États-Unis qui a été accusée de tuer les deux enfants qu’elle gardait.
« La législation au Maroc est complètement moyenâgeuse, complètement déconnectée de la réalité. Il y a des normes qui interdisent les relations sexuelles hors mariage, qui interdisent l'homosexualité, qui pénalisent l'adultère », a-t-elle ajouté.
L’association marocaine pour les droits de l’homme a nommé un avocat pour défendre les filles, qui risquent entre six mois et trois ans de prison.
« Il ne faut pas être hypocrite, on sait très bien que les Marocains ont une vie sexuelle hors du mariage, et c'est très bien, qu'il existe des homosexuels », a déclaré l’écrivaine.
Leila Slimani, qui a provoqué l’an dernier quelques haussements de sourcils au Maroc avec son premier roman à propos d’une femme nymphomane, a déclaré que l’oppression dont les femmes souffrent n’a rien à avoir avec la religion.
« Beaucoup d'imams, beaucoup de théologiens extrêmement éclairés vous expliqueront que ça n'a aucun rapport. La question, c'est la question des droits de l'homme, des droits sexuels, de la dignité et, en particulier, la dignité du corps de la femme. »
Pour Leïla Slimani, il faut « imaginer une femme qui ne soit à personne, qui ne soit ni une mère, ni une sœur, ni une épouse, mais une femme et un individu à part entière ».
Il y a eu de nombreuses controverses à propos de questions morales ces dernières années au Maroc.
Traduit de l’anglais (original).
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