La Belgique continue de livrer des armes à l’Arabie saoudite
Cent quatre-vingt-quatre millions d’euros : c’est le montant des armes vendues par la Belgique à l’Arabie saoudite en 2018, calculé selon plusieurs ONG belges.
S’il est difficile d’estimer si cette somme est importante ou pas, une chose est sûre : pour le royaume, considéré depuis plus de vingt ans comme le plus grand importateur d’armes au monde, les industriels de l’armement belges violent un principe du droit local.
« Ce qu’on a constaté, c’est que toutes les licences d’exportation wallonnes sont estampillées d’une clause suspensive qui dit que la licence n’est plus valide si le pays de destination est engagé dans un conflit international, ce qui est évidemment le cas de l’Arabie saoudite au Yémen », souligne Samuel Legros, chargé de plaidoyer pour la Coordination nationale d’Action pour la paix et la démocratie (CNAPD), une ONG belge.
Nouvelle livraison belge pour Riyad
La CNAPD et la Ligue des droits humains (LDH) ont « intenté une procédure au Conseil d’État en 2018 pour la suspension et l’annulation de licences d’exportation ».
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Quels sont les produits qu’exporte le royaume à l’Arabie saoudite ? Des dizaines de milliers de pistolets, fusils d’assaut et mitrailleuses de l’armurier FN-Herstal, plus de 600 tourelles pour blindés produits par CMI Cockerill et d’autres équipements.
Et depuis une semaine, un cargo appartenant à la compagnie maritime nationale d’Arabie saoudite, le Bahri Yanbu, mouillant actuellement au port d’Anvers, inquiète les ONG.
Ces dernières suspectent l’armateur qui l’a affrété d’être venu charger dans la métropole une cargaison de matériel d’armement à destination du royaume arabe impliqué dans la guerre au Yémen.
Les deux ONG belges ont, par l’entremise de leur avocat, demandé d’urgence au ministre des Finances belge Alexander De Croo, et à l’administrateur général des douanes, Kristian Vanderwaeren, d’empêcher l’exportation de matériel qui ferait l’objet de licences dont la validité serait suspendue compte tenu du conflit qui a cours au Yémen et qui a tué des dizaines de milliers de civils selon diverses organisations humanitaires.
« La bouche d’égout sur le plan de l’autorité morale »
La requête se fonde sur l’obligation contenue dans une clause portant sur les licences d’exportation, entraînant l’arrêt des livraisons lorsque le pays destinataire est impliqué dans un conflit international ou interne, au risque, selon le décret wallon, d’encourir des sanctions pénales.
En octobre 2018, ce même Alexander De Croo avait estimé, suite au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul que la Belgique devait suivre l’exemple de l’Allemagne et suspendre ses exportations d’armes vers l’Arabie saoudite.
« Nous ne pouvons pas être la bouche d’égout de l’Europe sur le plan de l’autorité morale », avait-il déclaré à l’époque.
Ce n’est pas la première fois qu’il y a des tentatives pour arrêter les exportations d’armes vers le royaume. Il y a un an, des ONG avaient tenté en vain de faire stopper les livraisons.
Ce sera difficile pour les associations de faire arrêter le chargement du Bahri Yanbu, mais elles estiment possible d’infléchir la position des autorités judiciaires quant aux mouvements de six bateaux de la flotte saoudienne concernés par le transport de matériel militaire qui ont l’habitude de visiter le port de marchandises belge.
La Belgique, un cas européen particulier
« La prochaine fois que l’un d’entre eux arrive à Anvers », explique Samuel Legros, « si nous n’avons pas de réponse positive de la part des douanes ou du ministre De Croo, nous intenterons un recours en référé pour arrêter le bateau », affirme à l’agence Belga, le porte-parole du CNAPD.
En février, trois entreprises flamandes et leurs deux dirigeants avaient été condamnés par le tribunal correctionnel d’Anvers à des amendes allant jusqu’à 500 000 euros, dont une partie avec sursis, pour avoir exporté des substances chimiques vers la Syrie dont 96 tonnes d’isopropanol pouvant servir à la production de gaz sarin, et ce sans solliciter de licences.
La Belgique est un cas particulier par rapport aux autres pays de l’UE en matière de contrôle des exportations d’armes puisque celles-ci sont gérées au niveau régional et non national. Cette particularité est considérée comme un facteur qui limite la transparence et complique le contrôle.
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