« Ce qui importe, c’est de mettre fin à son idéologie » : la jeunesse irakienne partagée sur la mort de Baghdadi
Pour certains Irakiens à l’instar d’Atheer Nazar Saadallah, la mort du dirigeant de l’État islamique (EI) Abou Bakr al-Baghdadi au cours d’une opération des forces spéciales américaines en Syrie ce weekend a été accueillie avec soulagement et joie.
« J’espérais que Baghdadi se ferait tuer tôt ou tard et, désormais, je me réjouis de sa mort, lui qui a tué nos familles, notre avenir et nos rêves »
- Mustafa Alkattan, activiste de Mossoul
Depuis une mosquée de Mossoul, la ville natale de Saadallah, en juin 2014, Baghdadi avait décrété la création de son « califat », déclenchant des années de violence et de destruction à travers l’Irak et la Syrie et même au-delà.
Plus tôt cette année, le territoire du groupe s’était réduit à la ville de Baghouz dans l’est de la Syrie, où des milliers de combattants de l’EI s’étaient livrés aux autorités en mars et le groupe avait été déclaré vaincu.
Cependant, son chef restait insaisissable – jusqu’à samedi soir lorsque, selon le président américain Donald Trump, il a été pourchassé dans un tunnel sans issue « criant, pleurant et gémissant » avant de déclencher une ceinture d’explosifs, emportant trois enfants avec lui dans la mort.
Atheer Nazar Saadallah, étudiant de 24 ans, a déclaré à Middle East Eye que sa mort était « une grande réalisation pour [lui] et pour tous les Irakiens. »
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« Sa mort va permettre à toutes les familles qui ont souffert des brutalités de Daech de tourner la page et d’en finir avec une période extrêmement sombre d’obscurantisme et de peur », estime-t-il.
« J’ai l’impression que cette période sombre de règne de ces extrémistes religieux prend fin. Je me réjouis pour toutes les victimes de l’EI car leurs souffrances sont enfin terminées. »
Saadallah, dont la ville est défigurée par les ruines, considère qu’il est toujours possible que l’EI revienne et admet que les États-Unis et leur invasion de l’Irak en 2003 ont certainement joué un rôle dans l’émergence du groupe.
« Il faut néanmoins avouer que les États-Unis ont joué le rôle principal pour stopper l’expansion de Daech et l’exterminer, surtout en assassinant ses dirigeants », déclare-t-il.
Créateur et assassin
Mustafa Alkattan, un activiste de 23 ans également originaire de Mossoul, estime quant à lui que la mort de Baghdadi n’est qu’une manœuvre électoraliste de Trump en vue des élections de 2020.
« L’Amérique et ses alliés ont créé al-Baghdadi et aujourd’hui, ils l’ont tué », affirme-t-il à MEE.
« Trump a annoncé cette fake news pour obtenir plus de voix en sa faveur afin de se faire réélire »
- Hassan Hameed Albadawi, habitant de Kerbala
Alkattan a su que les jours de l’EI étaient comptés lorsque le groupe a été chassé de Mossoul en 2017, mais il est soulagé de constater que Baghdadi appartient définitivement au passé, en dépit des motivations de Trump.
« J’espérais que Baghdadi se ferait tuer tôt ou tard et, désormais, je me réjouis de sa mort, lui qui a tué nos familles, notre avenir et nos rêves. »
Hassan Hameed Albadawi, un trentenaire de Kerbala, déclare à MEE qu’il n’est pas totalement convaincu de la mort de Baghdadi.
« Les États-Unis disposent-ils de l’ADN d’al-Baghdadi ? », demande-t-il. « De temps à autre, les Américains créent quelque chose pour la gloire et la bonne réputation de leur pays.
« Les élections américaines se rapprochent et Trump a annoncé cette fake news pour obtenir plus de voix en sa faveur afin de se faire réélire. »
Même si Baghdadi est mort, son idéologie lui survivra, craint Albadawi.
« L’EI et al-Qaïda sont des organisations caractérisées par la décentralisation de leur direction. Si un dirigeant meurt, un autre le remplace », indique-t-il.
« Tuer Baghdadi n’est pas le plus important pour moi. Ce qui importe, c’est de mettre fin à son idéologie. Tant que l’idéologie de Daech perdure, d’autres Baghdadi et Oussama ben Laden naîtront. »
« L’empreinte de l’EI est toujours là »
Dhyiaa Monem, un jeune Bagdadien de 22 ans, rapporte que, comme d’autres Irakiens, il s’est réjoui d’apprendre la mort de Baghdadi.
« Il est à l’origine de la mort de milliers d’Irakiens, de la destruction d’un tiers des infrastructures de l’Irak et du pillage de ses richesses », rappelle-t-il.
« Il est impossible d’éradiquer Daech tant qu’il existe des conflits et des guerres dans la région »
- Awab Ayoob, journaliste de Diyala
« Le gouvernement irakien doit faire de son mieux pour renforcer les forces de sécurité pour combattre l’extrémisme, reconstruire ce que l’EI a détruit et se débarrasser des cellules dormantes dans les régions libérées », ajoute-t-il.
Awab Ayoob, un journaliste de Diyala âgé de 24 ans, n’est pas certain qu’il sera possible d’empêcher la résurgence de l’EI.
« Il est impossible d’éradiquer Daech tant qu’il existe des conflits et des guerres dans la région », souligne-t-il.
Le plus grand danger, selon Ayoob, n’était pas Baghdadi, mais ceux qu’il a laissés derrière lui.
« Nous redoutons toujours les familles de l’EI qui vivent à la frontière irakienne », explique-t-il.
« L’empreinte de l’EI est toujours là, tout comme les milliers de familles irakiennes toujours dans des camps, les multiples villes en ruines et l’insécurité, tout ce dont Baghdadi était à l’origine. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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