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La Turquie et la Russie utilisent le putsch pour détendre leurs relations

La visite du président Erdoğan en Russie prévue ce mois-ci est le résultat de la volonté des deux pays d’utiliser le coup d’État pour rebâtir leurs relations, selon les analystes

ISTANBUL, Turquie – Une visite en Russie du président turc aurait été inimaginable il y a encore un mois seulement. Puis, la tentative de coup d’État est arrivée.

La condamnation rapide et sans équivoque du putsch par Moscou, en contraste avec les hésitations des alliés occidentaux plus traditionnels de la Turquie, a déclenché un dégel rapide de leurs relations, la Turquie annonçant que le président Recep Tayyip Erdoğan rencontrera son homologue russe à Saint-Pétersbourg en août.

C’est un revirement surprenant dans une relation qui semblait presque avoir reçu un coup fatal par l’attaque en novembre l’année dernière d’un avion de chasse russe par deux F-16 turcs près de la frontière turque avec la Syrie, un incident qui a conduit à une féroce guerre des mots et à de farouches rétorsions économiques de la part de la Russie.

Bien qu’il y ait eu des tentatives de réconciliation, avec des excuses d’Erdoğan le mois dernier, des analystes ont déclaré à Middle East Eye que les deux parties avaient reconnu l’opportunité offerte par le coup d’État du 15 juillet de trouver un moyen de revenir en arrière.

« La réaction russe a créé un lien affectif avec les responsables turcs », a déclaré Mensur Akgün, le président de la faculté de relations internationales de l’Université Kültür d’Istanbul. « Des tentatives visant à normaliser les relations étaient déjà en cours, mais cela fournit sans aucun doute un élan supplémentaire. »

La réaction de la Russie a été d’autant plus appréciée que les alliés occidentaux traditionnels de la Turquie ont gardé le silence dans les premières heures suivant la tentative de coup d’État et ont plus tard nuancé leur soutien au gouvernement turc en exhortant ce dernier à respecter l’État de droit dans sa répression du coup d’État.

L’attitude de la Turquie envers la Russie a également changé après le 15 juillet. Les pilotes turcs qui ont abattu l’avion russe, salués par Erdoğan au lendemain de l’incident au nom de la défense de leur pays, ont depuis été accusés de soutenir Fethullah Gülen, le leader présumé du complot, qui vit aux États-Unis.

Un autre analyste, qui a souhaité conserver l’anonymat, a également déclaré que la ligne officielle turque sur les pilotes avait changé : la position d’Ankara consiste désormais à dire que la décision d’abattre l’avion russe avait été orchestrée par le mouvement Gülen et que l’un des pilotes s’était plus tard montré sous son vrai jour en bombardant Ankara dans la nuit de la tentative de putsch.

« Il est facile de comprendre les motivations de ceci », selon l’analyste, qui explique que ce récit a été réécrit pour affirmer que le jet russe abattu était une tentative des gülenistes visant à « affaiblir les liens avec la Russie et nuire au gouvernement ».

L’aspect économique des relations entre ces deux poids lourds régionaux ont été en jeu tout du long.

Non seulement les secteurs cruciaux du tourisme et de l’agriculture de la Turquie ont beaucoup souffert en raison des sanctions russes, mais la Turquie s’est également retrouvée elle-même sérieusement entravée sur le théâtre du conflit syrien après que l’espace aérien de ce pays est devenu littéralement une zone interdite pour les avions de chasse d’Ankara.

En outre, l’importance de la Turquie pour la Russie en tant que voie de transit vitale pour l’exportation de gaz naturel vers l’Europe en raison des problèmes de cette dernière en Ukraine signifie que Moscou avait aussi une bonne raison de se rabibocher avec Ankara.

Ahmet Kasim Han, professeur de relations internationales à l’Université Kadir Has d’Istanbul, a fait allusion à une autre dimension de cette réconciliation : le fait que la Russie, contrairement aux États-Unis, n’a pas de relation avec le mouvement Gülen.

« L’autre chose à retenir, c’est que la Russie est irréprochable en ce qui concerne Gülen », a-t-il déclaré. « Elle a toujours regardé le mouvement Gülen avec suspicion. La partie turque aura l’impression de traiter avec des amis et sera ouverte à davantage de compromis », a déclaré Han.

En ce qui concerne Washington, en revanche, « étant donné que le cerveau présumé de cette tentative de coup d’État vit en Pennsylvanie depuis des années, il serait insensé de penser que les activités du mouvement Gülen n’apparaissent pas sur le radar des renseignements américains. Cette situation met à rude épreuve leurs liens », a-t-il estimé.

Toutefois, Han a mis en garde contre les tentatives de la Russie visant à capitaliser sur cette faille : « Poutine est un grand stratège et fera tout son possible pour tirer profit de cette situation, il va certainement prendre des mesures pour approfondir tout désaccord entre la Turquie et ses alliés occidentaux. »

Il a ajouté que les décideurs turcs devaient apprendre à se méfier d’un trop grand rapprochement avec un quelconque camp.

« Les décideurs turcs devraient savoir qu’il y a un prix lourd à payer lorsqu’on se rapproche trop des États-Unis ou de la Russie tandis que ce jeu de pouvoir entre eux continue en Syrie.

« Ils doivent envisager toutes les relations dans cette optique. »
 

Photo : Erdoğan et Poutine doivent se rencontrer à Saint-Pétersbourg le mois prochain (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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