Présidence palestinienne : les problèmes de santé d’Abbas déclenchent une course à la succession
RAMALLAH, Cisjordanie occupée – Officiellement, les responsables palestiniens tiennent à minimiser l’admission du président Mahmoud Abbas à l’hôpital pour une pneumonie en soulignant que les choses suivent leurs cours normal dans les cercles du pouvoir de Ramallah.
En coulisses, c’est une autre histoire. L’état de santé du dirigeant palestinien, âgé de 82 ans, semble désormais si préoccupant que ces mêmes responsables palestiniens se bousculent pour se préparer à sa succession.
Si Abbas est un habitué des hôpitaux – fumeur invétéré, l’octogénaire a été admis pour diverses affections au cours des dernières années –, le mal qui le ronge désormais serait potentiellement mortel.
Et il ne s’agit pas d’une simple pneumonie. Selon des sources à l’hôpital de Ramallah qui se sont entretenues avec Middle East Eye, Abbas a besoin d’un traitement pour diverses affections, ce qui compromet gravement sa capacité à gouverner.
Aujourd’hui, la question de son remplacement, qui est depuis longtemps un sujet brûlant pour les Palestiniens et la région, est devenue cruciale, alors qu’un certain nombre de candidats essaient désormais de se placer en vue d’une accession au pouvoir.
Des sources médicales ont confié à MEE qu’Abbas avait reçu plusieurs responsables et ministres palestiniens à l’hôpital et tenu une conversation téléphonique de dix-sept minutes avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan.
Cependant, dans le monde politique palestinien, en proie à des divisions, à une concurrence entre des organes dirigeants qui se chevauchent et à des influences étrangères, la recherche d’un remplaçant pour le président n’est pas chose aisée.
Depuis qu’il a accédé à la présidence en 2005 à la mort de Yasser Arafat, Abbas tient fermement les leviers du pouvoir au sein de plusieurs institutions palestiniennes clés.
Une démission d’Abbas, qui dirige l’Autorité palestinienne (AP), l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le Fatah, laisserait un vide énorme au sommet de trois organes dirigeants majeurs, alors qu’aucun candidat à son remplacement ne se dégage clairement.
Quand la loi n’est d’aucune aide
Selon la loi palestinienne, une fois qu’un président quitte ses fonctions pour une raison quelconque, le président du Conseil législatif palestinien (CLP) le remplace pendant 60 jours, période au cours de laquelle des élections présidentielles doivent avoir lieu.
Néanmoins, ce scénario semble à l’heure actuelle impossible dans la mesure où une scission massive entre le Fatah et le Hamas, les deux principaux partis palestiniens, paralyse le système politique.
« Aujourd’hui, nous n’avons pas du tout de système »
– Un responsable de l’OLP
Depuis les élections palestiniennes de 2006, ces deux grands rivaux ont divisé l’Autorité palestinienne, principal organe dirigeant du proto-État palestinien.
Le Fatah contrôle le gouvernement de l’AP et gouverne les zones de la Cisjordanie occupée sous contrôle palestinien, tandis que le mouvement du Hamas détient la bande de Gaza.
La scission de 2006 a également mis fin au rôle du CLP en tant que Parlement de l’AP, puisque le Hamas a remporté la majorité des sièges à l’issue des élections.
Non seulement le Fatah ne considère plus le CLP comme l’organe parlementaire qui représente les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, mais l’idée de voir son président, Aziz Doweik, membre du Hamas, détenir les pouvoirs relevant de la présidence – même temporairement – est anathème pour le parti.
Le schisme Fatah-Hamas faisant donc directement obstacle à une succession présidentielle conforme à la loi, les responsables palestiniens cherchent désormais de nouvelles voies pour remplir ce rôle.
Pas de hiérarchie, ni de majorité
En rejetant le CLP, l’OLP contrôlée par le Fatah a reconnu à la place le Conseil national palestinien (CNP) en tant que Parlement légitime.
Le CNP a servi d’organe législatif pour tous les Palestiniens au sein de la Palestine historique et de la diaspora jusqu’à l’établissement du CLP par les accords d’Oslo en 1993, dans le cadre des tentatives de création d’un État palestinien.
Afin de contourner la question liée à Doweik, l’OLP pourrait reconnaître à sa place le président du CNP, Salim Zanoun, jusqu’à ce que le Fatah parvienne à un accord sur son candidat au remplacement d’Abbas.
Mais le Fatah pourrait s’avérer incapable de trouver un candidat faisant consensus.
« Il est difficile pour le Fatah de se mettre d’accord sur un seul candidat », a indiqué à Middle East Eye un membre du Comité exécutif de l’OLP, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat en raison du caractère sensible de la question.
« Le problème est que le Fatah n’a pas de numéro deux : tout le monde au sein du Comité central se considère comme tel. »
Et lorsque des dirigeants du Fatah se réunissent, ce n’est que par groupes de deux ou trois, ce qui donne lieu à une constellation de coalitions qui prive la classe dirigeante d’une majorité et d’une hiérarchie visible.
« À la mort d’Arafat, nous avions un président pour le remplacer et nous avions un adjoint d’Arafat au sein de l’OLP, mais aujourd’hui, nous n’avons pas du tout de système », a déclaré à MEE un responsable de l’OLP, également sous couvert d’anonymat.
Hamdallah en pole position
Cette impasse pourrait ouvrir les portes de la présidence au Premier ministre Rami Hamdallah.
Ce dernier pourrait utiliser la période de vide politique pour diriger l’AP en tant que président de facto et obtenir progressivement l’approbation du Fatah pour remplacer Abbas.
« Le problème est que le Fatah n’a pas de numéro deux : tout le monde au sein du Comité central se considère comme tel »
– Un membre du Comité exécutif de l’OLP
Selon des sources au sein de l’OLP interrogées par MEE, c’est ce scénario que privilégient le chef du Service des renseignements généraux Majid Faraj ainsi que d’autres dirigeants des services de sécurité, qui soutiendront le Premier ministre afin d’assurer une stabilité immédiate.
L’une des principales forces de Hamdallah en tant que Premier ministre est qu’il contrôle de nombreuses ressources de l’AP.
Cela fait également de lui une perspective attrayante pour les dirigeants en charge de la sécurité, qui ont besoin de Hamdallah pour délier les cordons de la bourse et préserver ainsi le bon fonctionnement de leurs forces et de leurs services.
Cependant, selon les sources, Faraj et les dirigeants des services de sécurité voient également leur soutien à Hamdallah comme un moyen de barrer la route de Jibril Rajoub, une figure influente du Fatah qui préside la Fédération palestinienne de football et a dirigé la force de sécurité préventive de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Confident de longue date d’Abbas et unique responsable de la sécurité disposant d’un rôle politique, Faraj s’attend à être marginalisé par Rajoub s’il arrive au pouvoir, ont indiqué les sources.
L’influence d’Israël
Les manœuvres visant à placer Hamdallah dans une position de force ont déjà commencé, ont indiqué les sources de MEE ; certains responsables ont ainsi vanté les mérites du Premier ministre auprès d’Israël, le présentant comme le candidat le plus fort.
Israël devrait jouer un rôle clé dans la succession d’Abbas.
Le pays exerce une influence significative sur l’AP et remet à l’organe palestinien les deux tiers de son budget à travers les revenus fiscaux qu’Israël recueille chaque mois.
L’approbation d’Israël serait par conséquent une aubaine considérable pour Hamdallah.
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Selon Mohammed Younis, analyste et commentateur pour le journal panarabe Al-Hayat, Hamdallah a récemment rencontré le ministre israélien des Finances Moshe Kahlon ainsi que Yoav Mordechai, alors coordinateur militaire, pour s’assurer de leur soutien en faveur de sa candidature à la succession.
« Lors de ces rencontres, son message était : “Je peux coopérer et stabiliser la situation” », a indiqué Younis à MEE.
Pouvoir, protections et animosité
La succession de Hamdallah à la présidence n’est cependant pas courue d’avance.
Certains voient davantage Faraj, une figure importante des négociations avec les États-Unis, Israël et le Hamas, remplacer Abbas avec le soutien des puissances internationales et régionales.
Des sources au sein de l’OLP ont toutefois confié à MEE que cette issue était improbable, étant donné que Faraj n’est pas membre du Comité central du Fatah, le principal organe dirigeant du mouvement.
De même, bien qu’Israël soit appelé à jouer un rôle clé dans la succession, l’Égypte et la Jordanie ont également leur propre opinion quant à l’identité du potentiel président.
L’Égypte, par exemple, ne cache pas son soutien en faveur de l’ancien ministre des Affaires étrangères Nasser al-Qidweh, a précisé Younis.
« Rajoub et Tirawi ne laisseront en aucun cas Hamdallah prendre le pouvoir »
– Mohammed Younis, analyste politique
Neveu d’Arafat et ancien allié de l’ennemi juré d’Abbas, Mohammed Dahlan, Qidweh occupe une position intermédiaire sur l’échiquier politique palestinien, ce que certains commentateurs considèrent comme un avantage considérable.
Une flambée de violence n’est pas non plus à exclure.
Selon des sources, certains dirigeants du Fatah accumulent les armes et s’affairent à construire des alliances, par crainte de perdre en stature si un rival vient à monter en puissance.
L’animosité entre de nombreux hauts responsables du Fatah n’est pas un secret ; en ce sens, Younis prévient qu’en l’absence d’un leadership fort et d’une méthode claire pour assurer la transition du pouvoir, des batailles sanglantes pourraient éclater à la suite de la démission d’Abbas.
En outre, bien que Hamdallah puisse bénéficier d’un soutien important dans certains milieux, Rajoub et l’ancien chef du renseignement, Tawfiq Tirawi, seraient prêts à mettre de côté leur vieille rivalité afin de faire tout leur possible pour empêcher le Premier ministre d’accéder au poste.
« Rajoub et Tirawi ne laisseront en aucun cas Hamdallah prendre le pouvoir », a prévenu Younis.
Photo : le président palestinien Mahmoud Abbas a reçu de nombreux responsables palestiniens à l’hôpital (Reuters).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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