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De nouveaux doutes émergent concernant l’accord sur le nucléaire iranien

Tandis que la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire prend de la vitesse, le dernier rapport de l’AIEA fait naître de nouveaux doutes quant à sa viabilité à long terme

L’évaluation finale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur les questions en suspens relatives au programme nucléaire de l’Iran a été largement considérée comme le facilitateur clé de l’accord conclu en juillet.

Le « plan d’action global conjoint » (JCPOA) demandait à ce que l’AIEA éclaircisse toutes les questions en suspens liées à la possible dimension militaire (PMD) du programme nucléaire de l’Iran.

Le gouvernement iranien a exploité le rapport PMD de l’AIEA comme une autre victoire diplomatique car il a ouvert la voie à la levée des sanctions et autres restrictions d’ici le début de l’année prochaine.

Abbas Araghchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères chargé de superviser la mise en œuvre du JCPOA pour l’Iran, a déclaré que, à la lumière du rapport PMD, les pays du groupe 5+1 ont rédigé un projet de résolution en vue de mettre fin aux sanctions à l’encontre du régime.

Cependant, malgré la confiance apparente du gouvernement iranien, des sceptiques à Téhéran ont souligné ces derniers jours les aspects négatifs du rapport PMD et ont exprimé leur profonde préoccupation quant aux conséquences à long terme de l’évaluation apparemment finale de l’AIEA.

La véritable crainte n’est pas que l’évaluation de la PMD mette en péril la mise en œuvre du JCPOA, mais plutôt qu’elle présente des risques après celle-ci et jette ainsi une ombre sur les perspectives à long terme du nucléaire iranien.

Les radicaux réagissent

Ce n’est un secret pour personne, les radicaux iraniens sont fortement opposés à l’accord de Vienne sur le nucléaire. Les factions radicales se sont mobilisés dès mai 2014 en s’organisant en collectif appelé Delvapasan (les inquiets) pour s’opposer à la volonté du président Hassan Rohani de résoudre le différend sur le nucléaire.

Bien sûr, les radicaux n’ont pas réussi à générer une opposition suffisante aux plans du gouvernement et l’administration Rohani, aidée par une équipe de politique étrangère la plus compétente depuis la révolution de 1979, n’a rencontré que peu d’obstacles nationaux au moment de sceller l’accord sur le nucléaire.

Toutefois, la question est loin d’être réglée puisque les radicaux ont continué à protester contre les dispositions du JCPOA en plus des implications plus larges de l’accord sur le nucléaire, en particulier en matière de défense et de politique étrangère.

En marquant leur opposition à l’égard du JCPOA, les radicaux ne recherchent pas vraiment une confrontation avec l’administration Rohani mais veulent inciter les principaux centres de pouvoir du pays à mettre un frein à l’enthousiasme du gouvernement pour cet accord et à l’empêcher de céder aux exigences continuelles des puissances occidentales.

De manière similaire, avant l’accord de Vienne, les radicaux avaient formé des groupes de pression pour influencer le résultat des négociations, non pas par leur propre poids politique, mais en instrumentalisant les principaux centres de pouvoir en tant que multiplicateurs de force.

Le centre de pouvoir le plus important dans cette équation est le corps des Gardiens de la révolution islamique (GRI), lequel – en partie en raison des pressions exercées par les conservateurs – a fait pression sur l’équipe de négociation nucléaire afin qu’elle n’accepte pas les éventuelles limitations sur le programme de missiles balistiques de l’Iran.

En ce qui concerne l’évaluation finale tant attendue de l’AIEA, les radicaux se sont mobilisés longtemps à l’avance pour définir les dangers à long terme du rapport. Des jours avant la publication de l’évaluation finale, un chroniqueur radical de premier plan, Seyed Yasser Jebraeli, avait correctement prédit l’objet essentiel du rapport et avait averti que l’AIEA et ses principaux soutiens occidentaux avaient pris une décision politique (par opposition à technique) pour résoudre des questions liées à la PMD en vue de faciliter la mise en œuvre complète du JCPOA.

La distinction entre politique et technique est importante car elle implique que la non-résolution de cette dernière peut à tout moment être exploitée par les puissances occidentales pour exprimer de nouvelles craintes sur la nature du programme nucléaire iranien et par conséquent émettre de nouvelles exigences réglementaires.

Le spectre de l’incertitude a été pleinement exploité par l’éditeur du quotidien Kayhan et leader radical, Hossein Shariatmadari, qui a souligné certains des aspects négatifs inattendus de l’évaluation de l’AIEA, à savoir l’assertion que l’Iran avait continué ses activités liées aux armes nucléaires (mais seulement à un stade de recherche) jusqu’en 2009.

Dans le principal éditorial de Kayhan samedi 5 décembre, Shariatmadari a prévenu du danger de ne pas saisir la pleine signification de cette évaluation finale, dont il affirme qu’il s’agit maintenant d’un document international important qui peut être utilisé à mauvais escient afin d’imposer des restrictions « éternelles » sur le programme nucléaire iranien.

Le chemin à parcourir

Sans surprise, les radicaux iraniens exagèrent les aspects négatifs du JCPOA, mais à l’égard de l’évaluation finale de l’AIEA, il faut noter que leur analyse coïncide avec celle de certains analystes occidentaux qui pensent que l’évaluation peut être utilisée comme un prétexte pour de futures investigations.

La question centrale à ce stade est dans quelle mesure (le cas échéant) le rapport PMD modifie le point de vue des principaux centres de pouvoir iraniens, à savoir le leader ayatollah Khamenei et le haut commandement des GRI, concernant le JCPOA et les questions qui en découlent.

L’intervention de Shariatmadari mérite d’être remarquée car celui-ci est largement considéré comme reflétant les opinions et les préoccupations de l’ayatollah Khamenei, en particulier sur les questions qui affectent la crédibilité révolutionnaire et l’intégrité de la République islamique. Ainsi, son intervention peut être interprétée au minimum comme indiquant les préoccupations du leader sur le rapport PMD et ses implications possibles.

Toutefois, cela ne signifie pas un changement de position, un fait souligné par Ali Akbar Velayati, ancien ministre des Affaires étrangères et directeur du Centre de recherche stratégique au Conseil de discernement de l'intérêt supérieur du régime. Conseiller de l’ayatollah Khamenei sur les questions de politique étrangère, Velayati a souligné aujourd’hui l’engagement de la République islamique par rapport à la mise en œuvre du JCPOA malgré l’accent mis sur les questions liées à la PMD par l’Occident.

Néanmoins, le contenu de l’évaluation finale de l’AIEA et la réaction des radicaux face à elle indiquent un certain degré de malaise et d’incertitude au sein de la classe supérieure de l’establishment iranien. Il se peut que le JCPOA ait pris un bon départ mais il faut s’attendre à un chemin semé d’obstacles à l’avenir.

- Mahan Abedin est un analyste spécialiste de la politique iranienne. Il dirige le groupe de recherche Dysart Consulting.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : une photo publiée par le site officiel du Centre pour la préservation et la publication des travaux du guide suprême iranien montre l’ayatollah Ali Khamenei (à droite), en train de discuter avec le président Hassan Rohani (à gauche) et l’ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani (au centre) lors d’une rencontre avec les membres de l’Assemblée des experts à Téhéran, le 3 septembre 2015 (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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