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En Algérie, la pluie et la neige accueillies par des youyous

Alors que le président Tebboune a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre la crise hydrique, les précipitations qui touchent l’Algérie depuis une semaine sont vécues avec soulagement
Des Algériens jouent dans la neige à Constantine, dans l’est de l’Algérie, le 23 janvier 2023 (AFP)
Des Algériens jouent dans la neige à Constantine, dans l’est de l’Algérie, le 23 janvier 2023 (AFP)

« La quantité de neige dans nos stories est supérieure à celle tombée sur les reliefs. » Ce poste sarcastique d’un internaute résume l’excitation des Algériens après le retour de la pluie en cette fin de mois de janvier et, surtout, de la neige sur toutes les hauteurs dépassant les 1 000 mètres d’altitude dans les régions du nord et 600 mètres au centre.

L’Office national de météorologie (ONM) avait annoncé pour toute la semaine « des chutes de pluie et de neige considérables » dans le nord du pays, « résultat d’une série de perturbations atmosphériques marquée par une baisse des pressions entraînant une vague de froid ».

Une fois les premiers flocons tombés, des agences de tourisme ont commencé à proposer des sorties vers les montagnes de Chréa (au sud-ouest d’Alger) et Tikdjda (à l’est de la capitale).

« Le parc de Chréa était bondé ! Nous avons mis des heures pour sortir à cause des embouteillages mais ça valait la peine de partir », témoigne à Middle East Eye Yamina, une Algéroise mère de deux enfants. « Nous avons enfin ressenti l’ambiance de l’hiver après un été prolongé. »

À Constantine, qui a elle aussi bénéficié de son quota de neige, d’autres familles ont défié le froid pour profiter de la neige.

« Le bonheur était palpable, notamment chez les enfants », affirme Insaf, une jeune Constantinoise, à MEE. « Voir les ponts de Constantine recouverts de blanc est un plaisir pour les yeux mais aussi un soulagement. »

En effet, l’Algérie connaît depuis trois ans un déficit de précipitations qui a considérablement fait baisser les niveaux d’eau dans les barrages et les nappes phréatiques.

Une nouvelle politique d’économie de l’eau

Début janvier, le président Abdelmadjid Tebboune a appelé à relancer les projets à l’arrêt de stations d’épuration pour la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, à généraliser les stations de dessalement d’eau de mer sur tout le littoral, et mobilisé les ministères concernés (Ressources en eau, Industrie, Environnement, Agriculture, Intérieur) pour mettre en œuvre une nouvelle politique d’économie de l’eau.

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« Ma mère de 85 ans a accueilli la neige par des youyous », a écrit sur Facebook Djamel Alilat, journaliste, après la tombée des premiers flocons sur les montagnes de Kabylie.

« C’est un réflexe spontané pour manifester sa joie. On souffre de la sécheresse depuis si longtemps. C’est comme lorsqu’on accueille quelqu’un qui revient d’un long exil ! », explique Djamel, contacté par MEE.

« Ces dernières années, cette sécheresse et ces changements climatiques ont créé chez les gens une angoisse. Comme si une nouvelle maladie était apparue », poursuit-il. « Je peux vous assurer que le sentiment de bonheur est quasi général, en particulier chez les agriculteurs. Aujourd’hui, tout le monde est attentif aux bulletins météo. »

C’est ce que confirme Yahia, un étudiant habitant la banlieue algéroise.

« Désormais, je suis chaque jour les bulletins météorologiques, ce que je ne faisais pas avant. À Alger, nous sommes directement impactés par ce stress hydrique puisque l’eau courante est coupée plusieurs heures par jour. J’espère que cette pluie fera remonter le niveau d’eau dans les barrages et mettra fin à ce calvaire. »

En décembre, l’ONM avait indiqué que, selon les prévisions, il pleuvrait autant voire plus que d’habitude pendant l’hiver dans le nord du pays.

« Les phénomènes extrêmes, accentués par le changement climatique, marqueront sans doute, à l’avenir, le quotidien des Algériens », avait toutefois nuancé Salah Sahabi-Abed, directeur de l’exploitation météorologique et de la climatologie à l’ONM. « Les études menées dans ce sens montrent que les scénarios futurs du climat mettent en évidence parfois des pluies intenses de courte durée, parfois des périodes de sécheresse prolongée. »

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