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Algérie : le mouvement séparatiste kabyle a engagé une lobbyiste pour promouvoir sa cause à Washington


Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a recruté une lobbyiste américaine basée au Maroc pour qu’elle obtienne le soutien des responsables américains, au nom de l’inquiétude suscitée par l’approfondissement des liens entre Alger et Moscou
Des militaires algériens participent à un défilé à Alger le 5 juillet 2022 alors que le pays célèbre le 60e anniversaire de son indépendance (AFP)
Des militaires algériens participent à un défilé à Alger le 5 juillet 2022 alors que le pays célèbre le 60e anniversaire de son indépendance (AFP)

Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), qui appelle depuis Paris à l’autodétermination de la région montagneuse du nord de l’Algérie, a engagé une lobbyiste américaine basée au Maroc pour qu’elle plaide auprès des responsables et des législateurs américains afin d’obtenir leur soutien.

Selon le MAK, cette démarche est motivée par « les inquiétudes suscitées par l’approfondissement des liens entre l’Algérie et la Russie » et « la répression sévère des manifestations pro-démocratie ».

Selon des enregistrement déposés cette semaine au ministère américain de la Justice, le MAK a recruté Elisabeth Myers, une avocate américaine, pour le représenter à Washington. Le contrat a été signé le 25 juin.

« Le MAK soulignera la proximité du gouvernement algérien avec la Russie [du président Vladimir] Poutine »

- Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK)

Elisabeth Myers s’est enregistrée en tant que lobbyiste en utilisant une adresse à Marrakech le même jour.

« [Ses] activités consisteront en la promotion de l’amitié américaine avec la Kabylie, la compréhension de la région, de son peuple, et de l’impact des tactiques musclées du gouvernement algérien sur la région », indiquent les documents.

Le MAK a déjà tenu des réunions avec les bureaux de deux législateurs américains.

Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle autoproclamé depuis 2010, sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis 2021, condamné par contumace à la prison à perpétuité par un tribunal d’Alger en 2022, devait rencontrer virtuellement, jeudi 19 juin, de hauts responsables du bureau du sénateur démocrate Tim Kaine et le membre démocrate du Congrès Don Beyer, selon une source proche du dossier contactée par Middle East Eye.

Orbite de Moscou

« Le MAK soulignera la proximité du gouvernement algérien avec la Russie [du président Vladimir] Poutine et veillera à ce que le personnel du Congrès ait une meilleure compréhension des violations massives des droits humains par le gouvernement contre les manifestants pacifiques et les opposants politiques », a déclaré cette source à MEE.

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les États-Unis ont tenté d’éloigner l’Algérie de l’orbite de Moscou. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est rendu dans le pays en mars 2022 dans le cadre d’un voyage plus vaste dans la région qui comprenait une escale au Maroc.

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Mais les relations d’amitié entre Alger et Moscou, qui remontent à la guerre contre la France coloniale pour l’indépendance de l’Algérie, résistent à la pression américaine, alors même que les relations entre Alger et Washington sont très bonnes : en juin, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a rencontré Poutine lors d’une visite en Russie et ils ont convenu de renforcer leur partenariat stratégique.

En parallèle, la précipitation des pays européens à trouver des alternatives au gaz russe a contribué à renforcer l’autonomie de l’Algérie, qui a remplacé la Russie en tant que premier fournisseur de gaz de l’Italie, et achète désormais du matériel militaire de fabrication italienne.

Alger s’est par ailleurs enfermé dans un différend avec l’Espagne sur le statut du Sahara occidental, qui a mis un terme au commerce non énergétique entre les deux pays.

Le MAK désigné comme organisation terroriste

Le système algérien – structure décisionnaire combinant un ensemble de réseaux civils, militaires, économiques et une puissante administration – est régulièrement interpellé sur les atteintes aux droits contre les journalistes, les militants et les partis d’opposition.

Les manifestations populaires de 2019, connue sous le nom de hirak, ayant conduit à la chute d’Abdelaziz Bouteflika, n’ont pas permis au système d’entamer une mutation vers plus de démocratie.

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Les arrestations au plus haut niveau de la hiérarchie militaire, politique mais aussi parmi les capitaines d’industrie au nom de la lutte contre les réseaux mafieux de l’ère Bouteflika ont au contraire contracté davantage le système et freinent les initiatives en faveur de plus d’ouverture.

L’Algérie a désigné le MAK comme organisation terroriste en 2021. Les autorités ont accusé le groupe de travailler avec le Maroc et Israël pour déclencher des incendies de forêt meurtriers dans la région de Kabylie. Le MAK et le Maroc ont nié ces allégations.

Un rapport sur le terrorisme du département d’État américain de 2021 a qualifié l’étiquette de terrorisme de « plus politique que motivée par la sécurité », ajoutant que les autorités algériennes s’abstenaient de discuter du mouvement ou de ses menaces avec leurs homologues américains.

Le Maroc et l’Algérie s’accusent souvent mutuellement de semer le trouble à travers leur frontière commune.

L’Algérie accueille et soutient le Front Polisario, un mouvement politique armé à l’origine de la création de la République arabe sahraouie démocratique autoproclamée en 1973 dans le Sahara occidental contesté, que le Maroc a annexé en 1975 après la fin de la domination coloniale espagnole.

Les États-Unis ont unilatéralement reconnu la souveraineté marocaine sur le territoire en échange de la normalisation par Rabat des relations avec Israël.

Les Amazighs, parfois aussi appelés Berbères, sont un groupe ethnique dispersé à travers l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Libye dont les racines dans la région sont antérieures à la conquête arabe de l’Afrique du Nord.

On pense que les Amazighs représentent environ 20 % des 44 millions d’habitants de l’Algérie. Leur culture et leur langue ont été historiquement réprimées par le gouvernement algérien. Les militants amazighs ont joué un rôle de premier plan pendant le hirak.

Traduit de l’anglais (original).

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