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Algérie : les partis politiques tentent d’exister à nouveau face à l’unique acteur du moment, le pouvoir

Un léger frémissement traverse la vie politique algérienne en vue de la présidentielle de décembre 2024
Les partis politiques tentent de rebondir après la reprise en main du système post-hirak (AFP/Ryad Kramdi)
Les partis politiques algériens tentent de rebondir après la reprise en main du système post-hirak (AFP/Ryad Kramdi)

Après des mois de léthargie de la vie partisane en Algérie, trois initiatives de partis politiques tentent de la redynamiser, alors que des idées fusent autour de projets de l’opposition en vue de la prochaine présidentielle de décembre 2024.

Le parti islamiste El Bina el watani (la construction nationale) a annoncé, dimanche 4 juin, la formation d’une « initiative nationale pour renfoncer l’unité et sécuriser l’avenir », regroupant plusieurs partis (dont le FLN et le RND, TAJ, partis pro-pouvoir), organisations (scouts musulmans, anciens combattants, étudiants, etc.) ainsi que des syndicats, des corporations et quelques personnalités.

Cette initiative, assez vague dans ses propositions et ses objectifs sur le terrain, serait motivée, selon le communiqué d’El Bina el watani, par « l’ampleur croissante des risques qui entourent l’Algérie dans son espace régional et international, les défis qui affectent sa sécurité, sa stabilité, sa souveraineté et la cohésion de son tissu sociétal, et les campagnes visant à déformer ses institutions ».

Relancer le fait politique

D’après ce même communiqué, l’idée serait d’organiser « les prochaines semaines », probablement à l’occasion de la fête de l’indépendance le 5 juillet, une « rencontre nationale » autour de cette initiative.

Dans le listing des participants à cette initiative, on note un absent de poids, le Mouvement pour la société de la paix (MSP, tendance Frères musulmans), qui « se serait rétracté à quelques jours de la signature de la plateforme », révèle le quotidien El Watan.

« Nous tentons de ramener le maximum de partis et de mouvements autour de l’idée qu’il faut agir politiquement au lieu de rester dans le statu quo post-hirak »

-  Un cadre du Front des forces socialistes

Un retrait qui « pourrait s’expliquer par une lutte, supposée ou réelle, de leadership au sein de la mouvance islamiste », poursuit le journal.

La déclaration de cette initiative sera remise au président de la République Abdelmadjid Tebboune jeudi 8 juin, lors de son audience avec les représentants de cette démarche.

L’autre initiative a été rendue publique le 2 juin par le Front des forces socialistes (FFS, opposition), qui n’en est pas à sa première tentative d’appel au dialogue et au retour à l’action politique.

Le plus vieux parti de l’opposition relance donc son initiative en appelant « l’ensemble des partis à des consultations en vue d’un pacte historique pour le parachèvement du projet national », tout en précisant que « cette initiative politique se veut sans exclusive et au-delà des clivages idéologiques », selon les termes de son secrétaire national Youcef Aouchiche.

Contrairement à El Bina el watani, qui veut associer le pouvoir politique à son initiative, le FFS tient à se démarquer des autorités, en les critiquant au sujet de « la mise sous scellés de la vie politique qui nourrit précisément l’action des groupuscules séditieux et violents ».

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« À défaut d’ouverture politique, et d’une claire détermination au plus haut sommet de l’État, ‘’l’Algérie nouvelle’’ [slogan des autorités post-hirak, le mouvement qui avait conduit à la chute de Bouteflika] risque d’être spectaculairement rattrapée par l’‘’ancienne’’. »  

« Nous essayons de revenir à l’action et à la proposition politiques », explique à Middle East Eye un cadre du FFS. « Nous tentons de ramener le maximum de partis et de mouvements autour de l’idée qu’il faut agir politiquement au lieu de rester dans le statu quo post-hirak. »

Pas de changements sur le terrain

De leurs côtés, les partis dits du pôle démocrate, le Parti des travailleurs (PT), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et l’Union pour la citoyenneté et le progrès (UCP) ont créé, en avril, un « comité de réflexion et d’échanges » entre les trois formations et de « proposer les formes d’action communes et les objectifs d’étapes ».

La dynamique de l’opposition semble, selon certains observateurs, aller dans le sens d’une préparation de la prochaine présidentielle prévue fin 2024.

Pour Athmane Mazouz, président du RCD, qui a appelé, mi-mai, à « l’union des forces patriotiques », la prochaine présidentielle « pourrait être une porte pour le changement » et « un rapport de force peut être créé ».

« L’idée d’un candidat unique de l’opposition est discutée depuis des mois, car plusieurs partis constatent que la politique de la chaise vide, du boycott des élections, n’a fait que raffermir le pouvoir actuel et sa clientèle »

- Un cadre de l’opposition

Mais il a nuancé son propos en relevant que « le pouvoir a[vait] fermé tous les espaces d’expression ». Pour le président du RCD, « le pays n’a pas besoin d’une élection burlesque […] Si des élections transparentes sont organisées, le peuple ne demande que ça ».

« L’idée d’un candidat unique de l’opposition est discutée depuis des mois, car plusieurs partis constatent que la politique de la chaise vide, du boycott des élections, n’a fait que raffermir le pouvoir actuel et sa clientèle », confie à MEE un cadre de l’opposition.

Pour un vétéran d’un parti d’opposition, « il ne s’agit pas de chercher un candidat unique, mais un projet politique unifié. Malheureusement, les ruptures post-hirak entre partis et courants sont trop profondes ».

« Mais c’est déjà énorme que des pistes soient lancées autour de cette idée de candidature unique, nous avons trop perdu de temps depuis le hirak », poursuit-il.

« La multiplication d’initiatives montre que chaque bloc politique a sa propre option, et qu’il n’y a pas encore d’intersections communes », considère Abderrahmane Saïdi, un haut cadre du MSP, dans les colonnes du journal Al Araby. « Ces initiatives ne changent en rien sur le terrain à cause des ruptures des partis avec leurs masses populaires », poursuit-il, « alors que l’unique acteur face à la population reste le pouvoir et non plus les partis. »

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