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Mohammed ben Salmane aurait menacé de placer les Émirats arabes unis sous blocus

Le dirigeant saoudien trace lentement une voie différente de celle des EAU dans sa quête d’un plus grand leadership au Moyen-Orient
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane assiste à un événement lors du sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique à Bangkok, le 18 novembre 2022 (AFP)
Par MEE

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a menacé d’imposer des sanctions aux Émirats arabes unis (EAU) lors d’une conversation privée avec des journalistes l’année dernière, a rapporté le Wall Street Journal.

La menace est survenue alors qu’un fossé se creusait entre ben Salmane et le président des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyan, marqué par des divergences concernant les affaires régionales et les limites de l’OPEP.

Lors du briefing officieux de décembre, le prince héritier a déclaré aux journalistes qu’il avait envoyé à Abou Dabi une liste de demandes et averti que l’Arabie saoudite prendrait des mesures punitives contre son allié régional si celui-ci continuait à couper l’herbe sous le pied du royaume dans la région.

« Ce sera pire que ce que j’ai fait avec le Qatar », a-t-il déclaré, selon les personnes qui ont assisté à la réunion.

En 2017, Riyad a mené un embargo diplomatique contre Doha, couplé à un blocus économique, pendant plus de trois ans, avec le soutien d’Abou Dabi et de Bahreïn. Les relations entre l’Arabie saoudite et le Qatar n’ont été rétablies qu’en 2021.

Le prince héritier saoudien et son homologue émirati luttent pour le pouvoir dans la région du Golfe, et ne se sont pas parlé depuis plus de six mois, selon des sources du WSJ.

Mohammed ben Salmane a confié aux journalistes saoudiens que les Émirats arabes unis « [les] avaient poignardés dans le dos » et a prévenu : « Ils verront ce que je peux faire. »

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Cette fissure reflète la concurrence en matière d’influence géopolitique et économique au Moyen-Orient et sur les marchés pétroliers mondiaux, intensifiée par l’implication moindre des États-Unis dans la région. Les deux pays du Golfe sont également engagés dans une campagne de rapprochement avec la Russie et la Chine.

La hausse des tensions a suscité l’inquiétudes des responsables américains, qui craignent que cette rivalité dans le Golfe n’entrave les efforts visant à établir une alliance sécuritaire unifiée contre l’Iran, résoudre la guerre au Yémen et étendre les relations diplomatiques d’Israël avec les pays musulmans.

Riyad et Abou Dabi ont des intérêts divergents au Yémen et au Soudan, tandis que la pression exercée par l’Arabie saoudite en faveur de l’augmentation des prix mondiaux du pétrole a créé des frictions avec les Émirats arabes unis.

Concernant la Syrie, l’Arabie saoudite a volé la vedette en orchestrant le retour de Damas dans la Ligue arabe, un effort diplomatique fourni depuis longtemps par les Émirats arabes unis.

Par ailleurs, le rapprochement diplomatique de l’Arabie saoudite avec l’Iran au début de cette année a également pris de court les Émirats.

Tensions économiques

Les efforts consentis par l’Arabie saoudite pour diversifier son économie et réduire sa dépendance au pétrole l’ont également placée en concurrence directe avec les Émirats arabes unis.

Le prince héritier vise à inciter les entreprises à déplacer leur siège régional à Riyad, à lancer des centres technologiques et à établir des centres touristiques et logistiques, ce qui pourrait remettre en question la position de Dubaï en tant que centre commercial du Moyen-Orient et modèle commercial soigneusement entretenu.

Le différend entre les deux dirigeants s’est étendu à la réunion de l’OPEP en octobre, lors de laquelle les Émirats ont accusé l’Arabie saoudite de les avoir forcés à accepter une réduction de la production de pétrole. Les Émiratis ont exprimé leur volonté de se retirer de l’OPEP, reflet de leur frustration face à la domination saoudienne de l’organisation.

L’administration Biden a cherché à réconcilier les deux parties, organisant une rencontre en mai entre Mohammed ben Salmane et le cheikh Tahnoun ben Zayed, frère cadet du président émirati et conseiller à la sécurité nationale des Émirats arabes unis.

Le dirigeant saoudien a déclaré à Tahnoun que les Émirats arabes unis ne devaient pas interférer avec le cessez-le-feu dirigé par les Saoudiens au Yémen et a promis des concessions à Abou Dabi.

Toutefois, selon des sources du WSJ, Mohammed ben Salmane aurait dit plus tard à ses conseillers de ne changer aucune politique envers les Émirats arabes unis.

« Je ne leur fais plus confiance », leur aurait-il dit.

Traduit de l’anglais (original).

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