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Grand Prix d’Arabie saoudite : Lewis Hamilton invité à s’exprimer au sujet des droits de l’homme

Dans une lettre, plusieurs dizaines d’organisations de défense des droits de l’homme exhortent le champion du monde à boycotter le Grand Prix d’Arabie saoudite ou se servir de sa tribune pour promouvoir les droits de l’homme dans le royaume
Le pilote Mercedes Lewis Hamilton s’est déjà distingué par ses prises de position politiques (AFP/photo d’archives)
Par Ali Harb

Plusieurs dizaines d’organisations de défense des droits de l’homme ont appelé le champion de Formule 1 Lewis Hamilton à boycotter un Grand Prix qui doit se tenir cette année en Arabie saoudite et à dénoncer les violations des droits de l’homme commises dans le royaume.

Dans une lettre adressée lundi, dont une copie a été communiquée à MEE, 45 groupes ont exhorté le pilote britannique à « revoir sa position » quant à sa participation à la course prévue en Arabie saoudite, en référence à la guerre menée par le royaume au Yémen, à la détention d’activistes féministes ainsi qu’à l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.

« En 2021, pour la première fois dans l’histoire de la Formule 1, l’Arabie Saoudite accueillera une course. Nous pensons qu’il s’agit d’une occasion clé de faire une déclaration concernant les droits de l’homme », indique la lettre.

Parmi les signataires de la lettre figurent Code Pink, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, Yemen Relief and Reconstruction Foundation, Freedom Forward et International Service for Human Rights.

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Codétenteur du record de titres de champion du monde des pilotes, Lewis Hamilton s’est déjà distingué par ses prises de position politiques. 

L’an dernier, il a porté un casque avec un poing levé et un hommage au mouvement Black Lives Matter suite à l’assassinat de George Floyd à Minneapolis. Le champion du monde est le seul pilote noir de l’histoire de sa discipline.

Plus tard en 2020, après avoir reçu des lettres de victimes de l’oppression à Bahreïn, notamment du fils d’un homme condamné à mort, Lewis Hamilton a dénoncé les violations des droits de l’homme commises dans le royaume avant un Grand Prix organisé dans le pays.

Il a déclaré qu’en tant que sport qui sillonne le monde, la Formule 1 devait « faire plus » pour servir la cause des droits de l’homme à l’échelle mondiale.

« La question des droits de l’homme dans tant d’endroits où nous allons est un problème persistant et énorme », a-t-il déclaré.

« C’est très, très important. Cette année a montré à quel point il est important, non seulement pour nous en tant que sport mais aussi pour tous les sports du monde entier, d’exploiter la tribune dont ils disposent et de faire pression pour que les choses changent. »

« Votre voix pourrait être déterminante »

Lundi, les groupes de défense des droits de l’homme ont déclaré que Lewis Hamilton devait étendre son activisme à l’Arabie saoudite.

« Nous espérons que vous choisirez de poursuivre vos prises de position courageuses en Formule 1 et de vous exprimer sur les questions relatives aux droits de l’homme qui se posent dans les pays où vous courez », indique la lettre.

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« Votre voix pourrait être déterminante dans ce mouvement visant à faire libérer les activistes féministes en Arabie saoudite et à mettre fin à la souffrance de millions de personnes au Yémen. »

Les défenseurs des droits de l’homme sont depuis longtemps préoccupés par le choix des instances dirigeantes de la Formule 1 d’organiser des courses dans des pays dont le bilan en matière de droits de l’homme est troublant. 

Le Grand Prix de Bahreïn a fait l’objet d’une surveillance accrue depuis 2011, lorsque celui-ci a été annulé dans le cadre d’une violente répression des manifestants pro-démocratiques opérée par les forces de sécurité et une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite.

L’édition 2021 du Grand Prix d’Arabie saoudite, qui aura lieu dans la ville de Djeddah bordant la mer Rouge, a été annoncée fin 2020, mais la date exacte de la course n’a pas été fixée.

« Alors que 70 % de la population est âgée de moins de 30 ans, les Saoudiens veulent être comme le reste du monde – ils veulent assister aux plus grands événements en direct, ils veulent s’amuser et ils sont heureux de voir arriver de nouvelles opportunités », ont déclaré en novembre dernier les instances dirigeantes de la Formule 1 dans un communiqué annonçant le Grand Prix.

« La Formule 1 s’efforce d’être une force positive partout où elle passe en apportant des avantages économiques, sociaux et culturels. »

Un outil de « sportswashing »

L’organisation d’événements mondiaux dans le royaume s’inscrit dans le cadre du projet déclaré du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane visant à transformer la société saoudienne et à l’éloigner des normes ultraconservatrices.

Ses détracteurs soutiennent toutefois que le fait de permettre à l’Arabie saoudite d’accueillir des événements sportifs internationaux aide ses dirigeants à normaliser leur comportement en détournant l’attention des violations avérées des droits de l’homme commises par Riyad, notamment la répression de la dissidence et son rôle de premier plan dans la guerre au Yémen – la pire crise humanitaire au monde. Ce concept porte le nom de « sportswashing ».

Dans leur lettre, les groupes de défense des droits de l’homme ont exhorté Lewis Hamilton à se servir de sa tribune pour éveiller les consciences face aux abus commis dans le royaume s’il décidait de participer à la course cette année.

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« M. Hamilton, nous pensons qu’il y aura de nombreuses façons pour vous de faire une déclaration à l’occasion de cette course. Vous pourriez tout simplement vous servir de votre tribune en partageant sur Twitter l’histoire de Loujain al-Hathloul et en appelant le gouvernement saoudien à libérer Loujain sans condition en levant son interdiction de voyager, en autorisant sa famille à voyager et en abandonnant les charges qui pèsent contre elle », indique la lettre.

Loujain al-Hathloul a été libérée plus tôt ce mois-ci après avoir passé 1 001 jours en prison pour des accusations liées à son activisme féministe, notamment contre l’interdiction de conduire imposée aux femmes dans le royaume, qui a été levée peu avant son arrestation en 2018. 

Bien qu’elle ne soit plus en prison, l’activiste, qui a été victime de torture et de harcèlement sexuel au cours de sa détention selon sa famille, fait toujours l’objet d’une interdiction de voyager. 

Les responsables saoudiens démentent tout acte de torture à l’encontre de Loujain al-Hathloul et décrivent une affaire criminelle traitée par le pouvoir judiciaire du royaume qu’ils jugent indépendant.

Dans leur lettre, les groupes de défense des droits de l’homme ont proposé de fournir davantage de ressources et d’informations à Lewis Hamilton sur les abus commis par le royaume.

« Étant donné que Loujain a été condamnée pour avoir conduit, vous pourriez mettre un autocollant en hommage à Loujain sur votre monoplace pendant la course. Le jour de la course, vous pourriez aussi porter un maillot sur lequel vous demanderiez au gouvernement saoudien de libérer Loujain et de mettre fin à sa guerre au Yémen », ont-ils déclaré.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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