L’Arabie saoudite va construire une ville octogonale flottante
L’Arabie saoudite a lancé le dernier d’une longue liste de projets grandioses : une ville industrielle octogonale flottant sur la mer Rouge.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (désigné par ses initiales MBS) a annoncé mardi dernier le lancement d’« Oxagon » qui se vante d’être « la plus grande structure flottante au monde ».
Elle sera construite au sud-ouest de Neom, la nouvelle mégapole futuriste qui fera 33 fois la superficie de New York selon les autorités saoudiennes. La moitié d’Oxagon flottera sur la mer Rouge, d’une profondeur moyenne de 500 mètres.
« Oxagon sera le catalyseur du développement économique et de la diversité de Neom et du royaume, accomplissant davantage nos ambitions dans le cadre du plan Vision 2030 », a déclaré le prince héritier dans un communiqué, faisant référence à la stratégie de diversification du pays pour réduire sa dépendance au pétrole.
« [Cela] contribuera à redéfinir l’approche mondiale du développement industriel à l’avenir, qui protège l’environnement tout en créant des emplois et de la croissance. »
Selon un communiqué de presse, la ville sera alimentée uniquement par des énergies renouvelables et utilisera l’Internet des objets, l’intelligence artificielle et prédictive et les robots pour créer « une chaîne logistique efficace, intelligente et parfaitement intégrée ».
Vidéo promotionnelle vide de sens
Le projet a été lancé par un clip promotionnel de 2 minutes regorgeant de platitudes et d’idées vagues.
La vidéo commence par ces mots : « Imaginez un endroit qui fournit tout ce dont a besoin votre entreprise pour franchir les frontières. » « Un paysage d’industrie de pointe qui ferme la boucle et alimente la circularité. »
Traduction : « OXAGON est la ville industrielle réinventée – un lieu qui fournit tout ce dont votre entreprise a besoin pour repousser les frontières traditionnelles. »
Ce clip avance qu’Oxagon « va rassembler les esprits les plus brillants pour résoudre les plus grands défis du monde » et pourra se vanter d’une « habitabilité inégalée ».
Pourquoi les plus grands esprits auraient besoin de vivre dans une ville octogonale, dont la moitié flottera sur l’eau, afin de résoudre les plus grands défis de la planète, cela reste flou.
Comme si être la plus grande structure flottante au monde ne suffisait pas, le clip souligne aussi que cette ville utopique « abritera le premier port et pôle logistique intégré totalement automatisés au monde ».
Aucune information n’a été fournie quant au coût du projet ou à la façon dont sera assurée la flottaison. Selon le site de Neom, la ville attend ses premiers habitants en 2024 et vise l’achèvement de toutes les constructions terrestres d’ici 2030.
Projet « chimérique »
Ce projet a suscité la perplexité et les moqueries des commentateurs et internautes.
« Félicitations à la société de conseil quelle qu’elle soit qui a reçu une belle somme d’argent pour trouver cette idée chimérique », écrit le journaliste Gregg Carlstrom.
Traduction : « Félicitations à la société de conseil quelle qu’elle soit qui a reçu une belle somme d’argent pour trouver cette idée chimérique : “Neom n’a pas précisé le coût de la ville ni la façon dont le complexe serait conçu pour flotter”. »
« Pourquoi est-ce que je travaille dans une université quand je pourrais passer mes journées à dessiner des villes fantaisistes pour le prince héritier saoudien », se demande l’universitaire spécialiste du Moyen-Orient Christian Henderson.
C’est loin d’être la première fois que l’Arabie saoudite lance un projet ambitieux à coups de superlatifs et de premières mondiales.
La semaine dernière, MBS a lancé « la première ville à but non lucratif au monde » et lui a donné son nom. En début d’année, il a également annoncé un projet de construction d’une ville zéro carbone en ligne droite sur 170 kilomètres, premier projet de construction majeur de Neom.
Précédemment, des documents révélaient que cette mégapole disposerait de taxis volants, de robots de combat et de dinosaures animatroniques.
Les activistes doutent
Si le prince héritier ne cesse de dévoiler des projets de plus en plus élaborés et futuristes, reste à voir si l’une de ses grandes ambitions se concrétisera un jour.
En mai, un article du Wall Street Journal faisait état d’un exode du personnel de Neom, qui peinait sous le poids de l’envergure des idées.
Des urbanistes ont proposé au prince un plan plus simple de ville zéro carbone, mais le dirigeant de facto aurait rétorqué : « Je veux construire mes pyramides. »
« Oxagon, comme tous les autres projets avant lui, tel The Line, ne se concrétisera jamais. Ben Salmane échoue sur un projet, puis en commence un autre pour couvrir ses crimes et ses échecs », affirme à Middle East Eye l’activiste saoudienne Alya al-Huwaiti, qui vit à Londres.
Elle est une membre dissidente de la tribu des Howeitat qui vit dans la province de Tabuk en Arabie saoudite depuis des siècles, mais dont beaucoup sont expulsés pour faire place à la mégapole.
L’année dernière, l’activiste tribal Abdulrahim a été abattu peu après avoir réalisé des vidéos pour protester contre son expulsion.
« Comment Mohammed ben Salmane peut-il prétendre qu’il se soucie de la neutralité carbone alors qu’il ne se soucie pas de son propre peuple ? Comment peuvent-ils tuer Abdulrahim et dire qu’ils se soucient de l’environnement ? », s’est interroge Alya al-Huwaiti.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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