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Des documents déclassifiés d’une rencontre organisée en 1986 révèlent les premières opinions de Biden sur Israël

Lors d’une rencontre avec des représentants de l’ambassade d’Israël, Biden aurait déclaré que les critiques publiques des États-Unis à l’égard d’Israël étaient « paradoxales » et « une erreur »
Joe Biden, alors sénateur, annonce son retrait de la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 1988, le 23 septembre 1987 (AFP/photo d’archives)
Joe Biden, alors sénateur, annonce son retrait de la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 1988, le 23 septembre 1987 (AFP/photo d’archives)
Par MEE

D’après des documents rares datant de plusieurs décennies, le jeune Joe Biden était un allié d’Israël mais se montrait réticent à s’engager dans un plaidoyer pro-israélien, a révélé un journal israélien.  

Les documents déclassifiés, récupérés par Haaretz dans les archives de l’État d’Israël, donnent un aperçu d’une rencontre organisée en février 1986 entre le sénateur Biden, l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis Meir Rosenne et Yosef Lamdan, un employé de l’ambassade. 

Biden allait annoncer un peu plus d’un an plus tard sa candidature à la présidence des États-Unis pour 1988.

Meir Rosenne et Yosef Lamdan savaient que Biden était un candidat potentiel à la présidence mais considéraient que ses chances de victoire étaient minces, rapporte ainsi Haaretz après avoir consulté les documents de l’ambassade, autrefois classés confidentiels et envoyés à Jérusalem. 

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Yosef Lamdan, responsable des relations de l’ambassade avec le Congrès, a toutefois rapporté que Biden entretenait des liens insuffisants avec Israël car il n’était pas impliqué dans la politique judéodémocrate de Washington et n’avait pas grand-chose à voir avec les organisations pro-israéliennes. 

À l’époque, Ronald Reagan était président et les républicains étaient considérés comme un parti moins favorable à Israël que les démocrates.  

Aujourd’hui, cette dynamique a changé, tout comme la réputation de Biden, le président élu étant bien connu pour avoir fréquenté des rencontres du lobby pro-israélien avec des groupes tels que le Comité des affaires publiques américano-israélien (AIPAC) et J Street. 

Alors que Biden avait soutenu d’importantes campagnes pro-israéliennes au Congrès dans les années 1980, les listes créées par l’ambassade à l’époque ne classaient pas Biden comme étant pour ou contre Israël, ce qui indiquait qu’il était considéré comme neutre.

« Un partisan enthousiaste »

Sa rencontre avec Yosef Lamdan et Meir Rosenne semble toutefois avoir marqué un changement décisif dans la perception qu’Israël avait de Biden, puisque les deux responsables de l’ambassade ont dépeint celui qui était alors sénateur comme un partisan enthousiaste ayant soutenu, lors de la rencontre, que les États-Unis se montraient parfois trop critiques à l’égard de leur allié. 

D’après les trois pages de notes de l’ambassade écrites par Yosef Lamdan sur la rencontre d’une heure, Biden a déclaré qu’il pensait que les critiques ouvertement formulées par les responsables américains envers Israël – même s’ils soutenaient ce pays et le considéraient comme un allié important – était « paradoxales » et « une erreur », selon Haaretz.

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« [Biden] a voulu dire que même si les positions des États-Unis étaient correctes à quelques exceptions près, les États-Unis continuent de prétendre extérieurement qu’ils souhaitent être également en bons termes avec tous les camps », écrivait Yosef Lamdan, en référence aux efforts déployés par les États-Unis pour agir comme médiateur entre Israël, la Palestine et les pays arabes voisins.  

« Biden pense que les États-Unis devraient dire aux Arabes qu’Israël est le premier de leurs amis et que si les Arabes ont un problème avec cela, ils doivent savoir qu’ils auront aussi un problème avec les États-Unis. »

Joe Biden aurait déclaré aux responsables de l’ambassade que « les États-Unis [devaient] changer leur débat public avec Israël » et que s’il était président, les États-Unis traiteraient le pays « comme ils traitent leurs autres amis ».

« Il serait inconcevable de débattre ouvertement avec Madame Thatcher sur des sujets litigieux, mais dans le cas d’Israël, les États-Unis n’hésitent pas à afficher leur désaccord. Cette approche est inacceptable pour lui », soulignait Yosef Lamdan. 

« S’il était élu, il aurait un échange franc avec nous, sans publicité et par la voie diplomatique. »

Le Premier ministre Ariel Sharon, en visite aux États-Unis pour remercier les deux chambres du Congrès pour leur soutien à Israël, plaisante avec Joe Biden, alors sénateur, le 11 juin 2002 (AFP)
Le Premier ministre Ariel Sharon, en visite aux États-Unis pour remercier les deux chambres du Congrès pour leur soutien à Israël, plaisante avec Joe Biden, alors sénateur, le 11 juin 2002 (AFP)

Quatre mois plus tard, Biden a formulé des propos similaires en s’adressant au Congrès américain. 

« Il est temps que nous cessions de nous excuser pour notre soutien à Israël », a-t-il déclaré aux législateurs en juin de cette même année. 

« C’est le meilleur investissement de trois milliards de dollars que nous faisons. S’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis d’Amérique devraient inventer un Israël pour protéger ses intérêts dans la région. »

OLP et IRA

Biden devrait renverser ou tempérer certaines des mesures les plus nuisibles au statu quo prises durant le mandat du président américain Donald Trump concernant Israël et la Palestine. 

Alors que le président élu s’était initialement opposé au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem par l’administration Trump, Biden a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de la ramener à Tel Aviv.

À la place, son administration prévoit de rouvrir le consulat américain à Jérusalem-Est occupée pour servir les Palestiniens. Il rouvrira également la mission de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, qui a été fermée par l’administration Trump.

Par le passé, Biden a été un partisan de la ligne dure contre l’OLP, considérée comme une organisation terroriste jusqu’au début des années 1990 et désormais reconnue en tant que membre observateur de l’ONU. 

Lors de sa rencontre avec Meir Rosenne et Yosef Lamdan en 1986, il a comparé l’OLP à l’Armée républicaine irlandaise (IRA), un groupe paramilitaire qui a combattu le régime colonial britannique pendant la guerre d’indépendance du pays (1919-1921). 

« Étant d’origine irlandaise, [Biden] considérait l’IRA comme n’importe quelle autre organisation terroriste qui ne ferait jamais de compromis avec les modérés, le plus petit dénominateur commun l’emportant toujours », a écrit Yosef Lamdan. 

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À la fin de la rencontre, « Biden a réitéré son engagement envers Israël », a indiqué Yosef Lamdan, ajoutant qu’il estimait « que les États-Unis n’en avaient pas fait assez pour les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a terminé en disant que nous ne le regretterions pas s’il était élu à la Maison-Blanche. »

Interrogé plus récemment par Haaretz, Yosef Lamdan a confié qu’il ne se souvenait pas de sa rencontre avec Biden en 1986. Meir Rosenne est pour sa part décédé en 2015, de sorte qu’aucun des deux hommes n’a pu apporter de précisions. 

Biden a déclaré qu’il rétablirait plusieurs programmes d’aide aux Palestiniens que l’administration Trump a supprimés, tels que les fonds pour la coopération en matière de sécurité, le développement économique et l’aide humanitaire

Mais il s’est également fait l’écho du point de vue de l’administration Trump en conditionnant cette aide accordée à l’Autorité palestinienne (AP) à des réductions des prestations sociales publiques au profit des familles des prisonniers palestiniens et des Palestiniens tués par Israël, une politique au sujet de laquelle l’AP a refusé de négocier.

Dans le même temps, Biden s’est engagé à conclure un nouvel accord sur le nucléaire avec l’Iran, une position contre laquelle Israël, qui considère Téhéran comme un grand rival, a exprimé sa vive opposition.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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