Élections au Brésil : quels sont les enjeux pour Israël et la Palestine ?
Les Brésiliens ont voté dimanche à l’occasion du premier tour d’une élection présidentielle marquée par une bataille entre deux candidats que tout oppose sur le plan idéologique, dont l’issue aura des conséquences énormes pour l’avenir du pays le plus peuplé d’Amérique latine.
Le président sortant Jair Bolsanaro, nationaliste de droite et ancien parachutiste (43,2 %), est sérieusement contesté par l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, l’une des figures de gauche les plus respectées du pays, qui le devance de cinq points à l’issue du premier tour (48,4 %).
Une victoire finale de Lula viendrait confirmer un comeback politique remarquable pour l’homme de 76 ans. À la tête du pays de 2003 à 2010, il a contribué à sortir des millions de personnes de la pauvreté en étendant les programmes d’aide sociale, tout en faisant entrer le Brésil dans une ère de croissance économique.
En 2017, il a toutefois été visé par une enquête pour corruption dans le cadre du scandale Petrobras et emprisonné. Clamant son innocence, il a été libéré en 2019 et sa condamnation a été annulée.
Les convictions politiques des deux dirigeants potentiels divergent également quant à l’approche du Brésil vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.
Et dans la mesure où le Brésil abrite environ la moitié de la population de l’Amérique latine, la politique de Brasília sur la question pourrait influencer le reste du continent.
Bolsonaro et Bibi
Comme de nombreux autres pays d’Amérique latine, le Brésil s’est historiquement rangé du côté des Palestiniens au sein de l’ONU. Cependant, depuis son arrivée au pouvoir, Bolsonaro a inversé la courbe après avoir trouvé un terrain d’entente avec le gouvernement de droite de l’ancien Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
Bolsonaro, dont la carrière politique est marquée par un certain nombre de prises de position pro-israéliennes, entretient des liens étroits avec des responsables israéliens.
Son lien avec Israël découle en partie du soutien important dont il bénéficie de la part du mouvement évangéliste brésilien. Sa cérémonie de baptême organisée dans le Jourdain en Israël a par ailleurs contribué à consolider sa position auprès de cette base.
Après son arrivée au pouvoir en 2019, Bolsonaro a fait part de son intention de transférer l’ambassade du pays à Jérusalem et de reconnaître la souveraineté d’Israël sur la ville. S’il a ensuite fait marche arrière en ce qui concerne le transfert de l’ambassade, il a effectivement ouvert une mission commerciale à Jérusalem, suscitant la colère de nombreux Palestiniens.
Au cours d’une visite en Israël, Netanyahou a décrit Bolsonaro comme un « bon ami ».
Son gouvernement a également exprimé son opposition à une enquête de la Cour pénale internationale sur d’éventuels crimes de guerre commis par Israël contre les Palestiniens et s’est opposé à plusieurs résolutions du Conseil des droits de l’homme de l’ONU critiquant Israël.
Les prises de position pro-palestiniennes de Lula
Luiz Inácio Lula da Silva, communément appelé Lula au Brésil, a pris par le passé des initiatives en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. En 2010, il a reconnu l’État de Palestine selon les frontières de 1967.
L’année suivante, il a effectué le tout premier voyage d’un chef d’État ou ex-chef d’État brésilien dans les territoires palestiniens occupés. Il a également réservé un terrain près du palais présidentiel brésilien pour la future ambassade de Palestine.
Lors de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza en 2014, au cours de laquelle plus de 2 200 Palestiniens ont été tués, le gouvernement de sa successeure de gauche Dilma Rousseff a rappelé son ambassadeur en Israël et condamné « l’usage disproportionné de la force par Israël ayant fait un grand nombre de victimes civiles, y compris des femmes et des enfants ».
Cette année, Lula a rencontré des membres de la communauté palestinienne au Brésil vêtu d’un keffieh, un foulard noir et blanc à carreaux devenu un symbole du nationalisme palestinien, rendu célèbre dans les années 1960 par le défunt dirigeant palestinien Yasser Arafat.
Au cours de cette rencontre, il a souligné que le peuple palestinien avait le droit de vivre dans un « État libre et souverain » et qu’il s’efforcerait de rétablir le rôle de premier plan de la politique étrangère brésilienne en faveur de la médiation des conflits et du droit des peuples à se défendre.
Un sondage de Datafolha, un institut de recherche établi à São Paulo, donnait à Lula une avance d’environ 15 points face à Bolsonaro en amont du premier tour.
S’il a conservé son avance dans les sondages, qui s’est même accrue au cours de la semaine dernière, il ne devance finalement son adversaire que de 5 points. Il a ainsi manqué la barre des 50 %, qui lui aurait permis de l’emporter dès le premier tour, et devra à nouveau affronter Bolsonaro lors d’un second tour le 30 octobre.
Une victoire de l’homme politique de gauche constituerait un tournant pour le Brésil après quatre années de leadership autoritaire de Bolsonaro.
Elle pourrait également signifier un retour à une position antérieure à Bolsonaro autour de la question israélo-palestinienne. Le président d’extrême droite a toutefois déjà menacé de ne pas reconnaître les résultats des élections, affirmant que la fraude électorale serait responsable de sa défaite.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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