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Olives, mangues, blé et café : les cultures du Moyen-Orient menacées par les changements climatiques

Middle East Eye examine certaines des cultures qui ont déjà été affectées par les changements climatiques dans la région
Le déclin des récoltes dû aux changements climatiques a accru les difficultés financières des agriculteurs et mis davantage en danger la sécurité alimentaire (MEE)

De nombreux pays producteurs de denrées alimentaires parmi les plus importants au monde sont confrontés aux conséquences des changements climatiques, et les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ne font pas exception.

La hausse des températures et l’irrégularité des précipitations dans la région mettent en péril les moyens de subsistance et la production alimentaire.

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En 2021, quatre pays du Moyen-Orient ont enregistré des températures supérieures à 50 °C, dépassant leurs propres records. En Iran, des manifestations antigouvernementales ont éclaté à cause des pénuries d’eau.

Les scientifiques soutiennent que les changements climatiques continueront d’accroître l’insécurité alimentaire dans certaines régions et exerceront une pression supplémentaire sur les zones de stress hydrique.

Mais que cela signifie-t-il concrètement ? Middle East Eye examine certaines des cultures menacées par les changements climatiques à travers la région.

Les olives palestiniennes

Les oliviers ont toujours été associés à la Palestine et sont considérés comme un symbole de l’héritage et de l’identité palestiniens.

Les olives sont vendues pour être consommées et pour fabriquer de l’huile d’olive, du savon et des cosmétiques, entre autres.

La saison de la récolte des olives, d’octobre à novembre, est l’une des périodes les plus importantes de l’année pour les villageois et les agriculteurs dans certaines parties de la Cisjordanie occupée et de Gaza. Pour beaucoup, la récolte des olives est la principale source de revenus.

Cependant, ces récoltes se sont amoindries ces dernières années, non seulement en raison de la destruction des arbres par des colons israéliens, mais à cause du climat et des températures extrêmes, qui nuisent à la croissance et fructification des arbres.

Un palestinien vend des olives sur un marché pendant la saison des récoltes à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza (AFP)
Un palestinien vend des olives sur un marché pendant la saison des récoltes à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza (AFP)

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 2020 a été une saison exceptionnellement mauvaise pour la récolte des olives, enregistrant une baisse de 55 %. Ce faible rendement a été attribué à la variabilité des conditions météorologiques et l’irrégularité des précipitations. Certains agriculteurs ont indiqué avoir récolté la totalité de leurs olives en seulement une semaine.

Selon les experts, les olives sont sensibles aux fluctuations de la température lorsqu’elles se forment, courant avril et mai. La sécheresse causée par la chaleur peut aussi faire tomber les fruits prématurément.

VIDÉO : L’histoire des olives palestiniennes
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Selon un rapport d’Oxfam en 2021, les niveaux d’humidité élevés et les vents forts dus aux changements climatiques ont également contribué à accentuer le stress sur les oliviers cultivés à Gaza.

Le ministère de l’Agriculture de la bande côtière a déclaré que le changement climatique avait entraîné une baisse spectaculaire du nombre d’olives récoltées sur le territoire sous blocus et que la production d’olives avait baissé de 60 % en 2021 à cause des conditions environnementales difficiles.

Cette forte baisse crée une pénurie qui incite les agriculteurs à augmenter leurs prix, ce qui se répercute sur les consommateurs.

Les producteurs palestiniens sont confrontés à des défis supplémentaires à cause des accords d’Oslo, qui ne leur permettent d’accéder qu’à 20 % de l’eau en Cisjordanie, tandis qu’Israël contrôle 80 % des ressources hydriques de la région. Ces restrictions empêchent les agriculteurs d’arroser leurs cultures pendant les périodes particulièrement sèches, ce qui affecte davantage leurs cultures.

Une Palestinienne récolte des olives à Bethléem (AFP)
Une Palestinienne récolte des olives à Bethléem (AFP)

En raison de la baisse de la production d’olives, en quantité insuffisante pour couvrir les besoins de la population, le ministère de l’Agriculture autorise désormais l’importation de produits oléicoles de l’étranger.

Les mangues égyptiennes

Au cours des dernières décennies, l’Égypte a acquis la réputation d’être l’un des principaux pays en matière de culture et de production de mangues. Les variétés égyptiennes sont connues pour leur goût sucré distinctif et leur grande qualité. Mais l’industrie souffre des changements climatiques.

Les mangues sont cultivées principalement à Ismaïlia, dans le nord-est de l’Égypte. La saison des récoltes commence en juin et s’achève en octobre, et la quantité de mangues cueillies est normalement suffisante pour répondre à la demande locale et exporter à l’étranger.

Une jeune Égyptienne participe à la récolte de mangues à Gizeh (AFP)
Une jeune Égyptienne participe à la récolte de mangues à Gizeh (AFP)

Cependant, selon un rapport publié cette année, certains producteurs de mangues d’Ismaïlia ont constaté une perte de plus de 80 % de la production de mangues prévue cette année en raison de la hausse des températures.

Ces pertes importantes sont notamment dues à la vague de chaleur qui a frappé la région pendant la saison de croissance des fruits, détruisant une grande partie des récoltes. Se retrouvant en difficultés financières, les habitants de la région ont demandé une intervention du gouvernement.

Un agriculteur égyptien cueille des mangues à Gizeh (AFP)
Un agriculteur égyptien cueille des mangues à Gizeh (AFP)

Un agriculteur a déclaré que sa ferme avait produit seulement 4 tonnes de mangues en 2021 contre 35 tonnes en 2020.

À mesure que s’aggrave la crise climatique, d’autres cultures, comme le blé, pourraient être affectées. Cette possibilité est susceptible d’avoir des répercussions majeures sur l’économie égyptienne dans la mesure où le pays est l’un des plus gros exportateurs de blé au monde.

Le café yéménite

Le Yémen a une riche tradition en matière de café. C’est le premier endroit en dehors de la Corne de l’Afrique à cultiver le grain, et les variantes du mot arabe signifiant café, qahwa, sont utilisées universellement pour décrire cette boisson stimulante.

La culture du café est une tradition yéménite pluriséculaire dont les techniques sont transmises de génération en génération. La première utilisation connue des grains de café au Yémen remonte aux alentours de l’an 1450, par des mystiques soufis.

Plusieurs variétés de grain de café sont cultivées au Yémen, et elles nécessitent toutes des températures fraîches, que l’on retrouve en haute altitude. Cependant, ces dernières années, le secteur a connu un déclin à mesure de l’augmentation des températures, lesquelles entraînent sécheresse et baisse des rendements.

Un fermier yéménite montre des grains de café dans une ferme du district de Haraz près de Sanaa (Reuters)
Un fermier yéménite montre des grains de café dans une ferme du district de Haraz près de Sanaa (Reuters)

L’arabica, cultivé en montagne et réputé de meilleure qualité et supérieur en goût, est particulièrement sensible aux changements climatiques. Cette espèce représente environ 60 % de la production mondiale de café, et en raison de la rareté provoquée par les mauvaises récoltes, ses prix ont augmenté.

La hausse des températures et l’imprévisibilité des précipitations rendent également plus difficile la croissance de la plante.

Des Yéménites achètent du café frais et torréfié sur un marché de Sanaa (AFP)
Des Yéménites achètent du café frais et torréfié sur un marché de Sanaa (AFP)

Des études suggèrent que d’ici 2050, environ la moitié des terres utilisées pour le café de haute qualité seront improductives.

Le blé turc

Les faibles précipitations et la sécheresse qui en résulte dans les régions productrices de blé de Turquie mettent en péril la réputation du pays en tant que « silo à grains », ce qui est une cause majeure de préoccupation en matière de sécurité alimentaire mondiale.

En 2021, des températures extrêmes ont provoqué des sécheresses et des feux de forêt qui ont perturbé la récolte des cultures essentielles, et ceci pourrait se reproduire régulièrement si les changements climatiques se poursuivaient à leur rythme actuel.

Un champ de blé à Ankara, en Turquie (AFP)
Un champ de blé à Ankara, en Turquie (AFP)

Le secteur agricole représente 6 % du PIB de la Turquie et a rendu possible la traditionnelle autosuffisance alimentaire du pays. Mais alors que les rendements commencent à baisser, la Turquie devient de plus en plus dépendante des importations étrangères : en vingt ans, les achats de blé sont passés de 150 millions de dollars à 2,3 milliards de dollars.

Selon ces tendances, il semble probable que la Turquie devienne plus dépendante des producteurs étrangers pour répondre à ses besoins alimentaires.

D’après le Groupe d’experts intergouvernemental des Nations Unies sur l’évolution du climat (GIEC), 60% de la superficie de la Turquie est sujette à la désertification. Les critiques craignent que l’accent mis par le gouvernement sur la croissance économique ne se fasse au détriment de l’environnement.

Le changement climatique et une mauvaise irrigation, associés à une piètre gestion de l’eau, ont davantage aggravé le problème, forçant de nombreux agriculteurs à quitter le métier.

Le poisson irakien

Le Tigre et l’Euphrate fournissaient autrefois aux agriculteurs et pêcheurs irakiens de quoi gagner leur vie correctement, mais cela n’est plus le cas à mesure que les niveaux d’eau baissent en raison du réchauffement climatique et de la construction de barrages en amont dans la Turquie voisine.

L’ONU a classé l’Irak, où désormais le thermomètre dépasse régulièrement les 50 °C en été, au cinquième rang des pays les plus vulnérables aux changements climatiques.

Les cours d’eau irakiens sont également depuis longtemps utilisés comme dépotoir, notamment de sous-produits chimiques, et ces polluants ont eu un impact sur la densité de poissons dans les cours d’eau du pays. Environ 70 % des déchets industriels irakiens finissent dans les rivières ou dans la mer.

Des dizaines de poissons en décomposition flottent à la surface des marais irakiens pollués du district méridional d’al-Chibayish (AFP)
Des dizaines de poissons en décomposition flottent à la surface des marais irakiens pollués du district méridional d’al-Chibayish (AFP)

Dans la région de Bassorah, l’intrusion d’eau salée, phénomène susceptible de s’aggraver en raison des changements climatiques, a contraint des familles dépendantes de l’industrie de la pêche à abandonner leur mode de vie traditionnel et s’installer plus à l’intérieur des terres. Il est de plus en plus fréquent de voir des poissons échoués sur les berges de roseaux du Chatt al-Arab.

Traduit de l’anglais (original).

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