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Maroc : la cherté du mouton provoque un débat sur l’annulation de l’Aïd al-Adha

Les autorités marocaines ont déjà, par trois fois, suspendu le rite du sacrifice pour cause économique et à la suite de sécheresse
Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a assuré qu’il n’était pas question d’annuler les célébrations de l’Aïd (AFP/Abdelhak Senna)
Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a assuré qu’il n’était pas question d’annuler les célébrations de l’Aïd (AFP/Abdelhak Senna)
Par MEE

Faudra-t-il annuler la célébration de l’Aïd al-Adha (fin juin) au Maroc ? Le ministère de l’Agriculture a annoncé une hausse de 15 à 25 % des prix des moutons par rapport à l’année dernière, « en raison du contexte de polycrises frappant la planète ces derniers temps [pandémie, guerre en Ukraine, inflation, sécheresse, etc.] », précise un média marocain.

D’après la même source, l’offre nationale en moutons devrait atteindre cette année 6,5 millions de têtes, contre une demande estimée à 5,5 millions de têtes, mais la cherté des moutons destinés au sacrifice a poussé des internautes à mener une campagne avec le hashtag « annulation de l’Aïd al-Adha ».

Avec une inflation de 10 %, l’économie marocaine connaît depuis plusieurs mois une crise qui frappe durement les couches les plus fragiles de la population.

Traduction : « Diffusez ce hashtag pour appeler à l’annulation de cette fête, afin que ce ne soit pas une occasion religieuse pour consolider les différences sociales entre Marocains. Certains de nos frères issus de la classe pauvre ne pourront pas passer la fête avec leur famille en raison d’une décision prise par la classe riche. »

Réagissant à cette campagne, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a assuré le 9 mai devant le Parlement qu’il n’était pas question d’annuler les célébrations de l’Aïd, et que le gouvernement œuvrait à réguler les prix pour ne pas léser les Marocains.

Akhannouch a assuré que l’importation d’ovins permettra de stabiliser les prix. Des médias marocains évoquent le chiffre d’un million de moutons qui seront importés de Roumanie, Espagne, Italie et Pologne.

Traduction : « Le problème n’est pas que le Maroc importe des moutons de Roumanie pour subvenir à ses besoins domestiques à l’approche de l’Aïd al-Adha. Les moutons roumains ne sont pas de moins bonne qualité que les moutons locaux, leur graisse est faible et leur viande est bonne, et les pâturages des montagnes de Roumanie et de ses eaux sont les plus élevés d’Europe. Le problème est que ces moutons roumains seront reçus au Maroc par des loups humains prêts à s’attaquer aux poches des gens. »

Pour rappel, le Maroc a déjà décidé à trois reprises dans son histoire récente de suspendre la célébration de l’Aïd pour des raisons économiques, en 1963, 1981 et 1996.

En Tunisie aussi

En 1963, le roi Hassan II a ordonné l’interdiction des sacrifices durant la guerre des Sables qui opposait le Maroc à l’Algérie. L’épuisement économique et la crise financière de l’époque avaient fortement impacté le pouvoir d’achat des Marocains.

La seconde fois, en 1981, la crise économique et la sécheresse qui a décimé les troupeaux de bétail ont également motivé Hassan II à répéter l’interdiction.

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La sécheresse qui s’est aggravée dans les années 1990 et la hausse du prix du mouton ont aussi poussé le roi à demander aux Marocains, en 1996, de ne pas faire de sacrifice de l’Aïd.

D’ailleurs, la vidéo montrant le ministre des Affaires religieuses de l’époque, Abdelkrim al-Alaoui al-Medeghri, lisant la lettre du roi en 1996 pour demander à la population d’abandonner le rite a été repartagée récemment sur les réseaux sociaux pour soutenir l’actuel appel à annuler la célébration de l’Aïd.

Mais de nombreux Marocains n’ont pas respecté ces interdits.

En Tunisie, le représentant des bouchers, Ahmed Amiri, a demandé, en février 2023 au grand mufti de la république d’annuler le sacrifice de l’Aïd pour préserver ce qui restait comme cheptel. La Tunisie, selon Ahmed Amiri, est d’ailleurs dans l’obligation d’importer des moutons pour l’Aïd.  

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