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Égypte : une série veut disculper le régime pour le massacre de la place Rabia

Une série égyptienne tente de présenter le point de vue exclusif des services de sécurité sur le massacre de la place Rabia de 2013
Affiche de la série égyptienne al-Ikhtiyar 2 (Réseaux sociaux)
Affiche de la série égyptienne al-Ikhtiyar 2 (réseaux sociaux)
Par MEE

Une série diffusée sur des chaînes égyptienne et émiratie, al-Ikhtiyar 2 (Le choix, deuxième saison), tenterait, selon plusieurs médias, de défendre la version des autorités concernant le massacre de la place Rabia où, d’après une enquête menée pendant un an par Human Rights Watch (HRW), les forces de sécurité égyptiennes ont tué en plein jour au moins 817 membres, partisans et sympathisants des Frères musulmans entre le 14 et le 16 août 2013.

HRW parle de « l’un des plus importants massacres de manifestants de l’histoire récente ».  

D’après le site d’information Arabi 21, la série, produite par la société Synergy, « propriété des services de renseignement égyptiens », revient sur les événements qui ont suivi le coup d’État contre l’ancien président Mohamed Morsi en juillet 2013 et la répression contre les manifestants de la place Rabia « du point de vue des services de sécurité ».

« Témoins et téléspectateurs affirment qu’inventer des faits et des récits [dans cette série] est un acte de tricherie et de mensonge, alors que des millions d’Égyptiens ont vécu ces événements et y ont même participé », écrit le site Arabi 21, qui a lancé une initiative visant à agréger des contre-témoignages à apporter pour démentir cette série. 

Scène de la série al-Ikhtiyar 2 sur l’intervention contre les manifestants de la place Rabia

Un des activistes de la révolution du 25 janvier 2011, président du parti al-Fadhila, Mahmoud Fathy, a déclaré à Arabi 21 que la version donnée par la série sur les intentions des manifestants de faire exploser des bombes place Rabia étaient « contraires aux faits », ayant été lui-même un des acteurs de l’événement.

« Cette série fait partie des mensonges et de la déformation de l’histoire qu’opèrent les militaires », a-t-il appuyé.

« De quel héroïsme peut-on se prévaloir [dans cette série] quand l’armée et la police ‘‘triomphent’’ face à un groupe de civils ? », s’insurge de son côté l’ancien député Amir Bassam. « La honte des mains qui ont assassiné les gens lors du massacre de Rabia ne peut être lavée par une série mensongère commandée par les services secrets », twitte l’activiste Ahmed al-Arabi.     

Pour le journaliste et ex-numéro deux du Haut Conseil de la presse, Qotq al-Arabi, « ce feuilleton ne rend pas justice aux victimes et inverse les réalités ».

Le parlementaire Mohamed Imad Saber estime, lui, que cette série est « une caporalisation de la production audiovisuelle égyptienne au service de Sissi, qui crée davantage de divisions au sein de la société égyptienne ».

Traduction : « Dans le futur, les enfants des acteurs qui ont joué dans cette série seront honteux quand cette œuvre sera étudiée comme l’est aujourd’hui la propagande de Hitler ou les massacres de Pinochet. »       

« J’ai toujours appelé à documenter le massacre de Rabia à travers une œuvre dramatique professionnelle à l’audience mondiale pour révéler ce qui s’est vraiment passé », plaide sur Arabi 21 l’artiste Hicham Abdallah, un des participant du sit-in réprimé dans le sang. « Cette exigence a été détournée par les autorités égyptienne, qui ont créé un contenu complétement opposé à la vérité », poursuit-il.

« Le régime de Sissi est bâti sur l’image, d’où l’intérêt des services de renseignement pour l’industrie des séries, des films et des médias afin de justifier les crimes du régime et de falsifier la vérité », ajoute Hicham Abdallah.

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