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Quand les banques de Dubaï permettaient à Téhéran de contourner les sanctions américaines 

L’entreprise émiratie Gunes General Trading, basée à Dubaï, a effectué des transactions pour le compte du gouvernement iranien et d’autres entités iraniennes ciblées par les sanctions américaines 
Dubaï est devenu un hub financier mondial mais aussi une plaque tournante des délits banquiers internationaux (AFP)
Dubaï est devenu un hub financier mondial mais aussi une plaque tournante des délits banquiers internationaux (AFP)
Par MEE

La banque centrale des Émirats arabes unis (EAU) n’a pas donné suite aux avertissements concernant une entreprise locale qui aidait l’Iran à échapper aux sanctions, selon des documents – connus sous le nom de fichiers FinCEN – divulgués par BuzzFeed News, puis partagés avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et BBC News Arabic.

L’enquête est fondée sur des milliers de « rapports d’activité suspecte » adressés aux services de la police financière du Trésor américain, FinCEN, par des banques du monde entier.

Gunes General Trading, une entreprise de vente en gros et au détail basée à Dubaï, a traité 142 millions de dollars de transactions suspectes via le système financier des Émirats arabes unis en 2011 et 2012

« Ces documents, compilés par les banques, partagés avec le gouvernement, mais gardés hors de la vue du public, exposent le gouffre béant des garanties bancaires, et la facilité avec laquelle les criminels l’ont exploité », assure le média américain Buzzfeed News, en préambule de son enquête. Les documents portent sur 2 000 milliards de dollars de transactions, qui ont circulé entre 1999 et 2017.

Ces documents révèlent, notamment, que Gunes General Trading, une entreprise de vente en gros et au détail basée à Dubaï, a traité 142 millions de dollars de transactions suspectes via le système financier des Émirats arabes unis en 2011 et 2012.

L’activité a été signalée par une banque britannique, mais l’entreprise a continué à utiliser les institutions financières locales.

En 2016, les États-Unis ont déclaré qu’il s’agissait d’un important programme de contournement des sanctions.

Gunes General Trading a été liquidé au cours des deux dernières années. La BBC n’a pu joindre personne pour commenter.

Rapport d’activité suspecte 

Depuis la crise des otages à Téhéran en 1979-1981, les gouvernements successifs aux États-Unis n’ont cessé d’imposer différentes sanctions économiques contre l’Iran.

L’une de ces mesures consistait à couper les banques iraniennes du système bancaire mondial utilisé pour effectuer des paiements en dollars en 2012, rappelle la BBC.

« Les procureurs américains avaient accusé Gunes General Trading de faire partie d’un réseau contrôlé par le négociant en or turco-iranien Reza Zarrab, qui avait effectué des transactions pour des centaines de millions de dollars pour le compte du gouvernement iranien et d’autres entités iraniennes ciblées par les sanctions américaines », explique la même source.

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Les journalistes d’investigation indiquent que les banques basées aux EAU comptent sur les grandes banques situées aux États-Unis pour surveiller et approuver leurs paiements en dollars américains – un service connu sous le nom de « correspondance bancaire ».

Ces dernières doivent alerter les autorités sur d’éventuelles activités illégales comme le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme, en déposant un document appelé « rapport d’activité suspecte » (suspicious activity report, SAR).

« Parmi les fichiers FinCEN consultés par les journalistes, il y a un SAR qui montre que la succursale new-yorkaise de la Standard Chartered Bank basée au Royaume-Uni a contacté la Banque centrale des Émirats arabes unis en 2012 après avoir remarqué des centaines de transactions suspectes de Gunes General Trading. Les rapports ne disaient pas que cette activité était liée au contournement des sanctions par l’Iran », relèvent les enquêteurs de BuzzFeed News.

Ensuite, la Banque centrale des EAU a assuré à Standard Chartered que « l’affaire [avait] été transmise aux autorités chargées de l’application des lois » et que « les comptes [avaient] été clôturés en septembre 2011 ».

Loin d’être rassurée, la Standard Chartered s’est inquiétée du fait que Gunes General Trading ait été en mesure de « poursuivre ses activités suspectes » en « utilisant divers comptes qu’elle tient auprès d’autres banques ».

« En fait, la Banque centrale [des EAU] n’a pas réussi à empêcher Gunes General Trading d’utiliser deux autres comptes auprès de deux banques publiques des Émirats arabes unis – Rakbank, la banque nationale de l’émirat du nord Ras al-Khaïmah, et la Banque nationale de Dubaï (NBD) », soulignent les journalistes.

Dubaï, plaque tournante de l’argent sale

Les révélations des documents fuités montrent que « Gunes General Trading a pu traiter 108 millions de dollars supplémentaires de transactions signalées comme suspectes jusqu’en septembre 2012, la majorité d’entre elles via Rakbank ».

« En avril 2013, la Bank of New York Mellon a déposé une demande de renseignements, déclarant qu’à la suite d’une enquête du gouvernement américain sur Gunes General Trading, elle pensait que la société effectuait des transactions de manière à échapper aux sanctions contre l’Iran. »

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En juillet dernier, un rapport du Carnegie Endowment for International Peace indiquait que  « Dubaï [était] passée d’une ville relativement petite sans grand-chose à offrir – peu d’eau douce, pas de port naturel, pas de longue histoire bancaire – à une plaque tournante mondiale du commerce, des voyages et des finances ».

Selon ce rapport, « des kleptocrates nigérians aux narcotrafiquants mexicains, une gamme de criminels, de politiciens corrompus et de blanchisseurs d’argent habitent Dubaï ou opèrent de l’intérieur de ses tours scintillantes ».

« L’or, extrait de zones de conflits meurtriers ou déplacé hors d’Afghanistan par al-Qaïda et les talibans, est blanchi à Dubaï et expédié sur le marché mondial. Les agents publics corrompus blanchissent de l’argent volé dans l’immobilier de luxe et les zones de libre-échange aident les entreprises à cacher les actes répréhensibles à travers de faux documents », ajoute le rapport.

Les responsables des EAU « sont au courant de l’argent sale qui circule dans l’Émirat […] il s’agit d’une caractéristique, et non d’un bug, de l’économie politique de Dubaï ».

Le Carnegie Endowment for International Peace a également critiqué les alliés des Émirats arabes unis, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, qui « ferment les yeux sur les contrôles laxistes de Dubaï vu son importance en tant que partenaire commercial et de défense ».

Depuis le 12 mars 2019, les Émirats arabes unis ne sont plus sur la liste grise des paradis fiscaux de l’Union européenne.

Dubaï, en tant que centre financier et commercial des EAU, est celui qui a le plus profité du commerce avec l’Iran, lequel s’élève à 19 milliards de dollars, et n’avait donc pas vraiment intérêt à rompre ses liens avec Téhéran. Des entreprises basées à Dubaï et dans les émirats du nord ont même activement aidé à faire sortir clandestinement du pétrole d’Iran pour contourner les sanctions américaines.

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