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Les Émirats en tête de liste des gouvernements étrangers employant des militaires américains à la retraite

Plus de la moitié des approbations accordées aux militaires américains à la retraite pour travailler auprès d’un gouvernement étranger concerne les Émirats
Le Pentagone à Washington DC, le 3 mars 2022 (Reuters)
Par MEE

Les Émirats arabes unis sont le premier employeur d’anciens officiers militaires américains effectuant un travail rémunéré pour des gouvernements étrangers, selon une note fournie par le ministère de la Défense aux membres du Congrès.

D’après le bureau du secrétaire à la Défense, 450 notifications d’emploi auprès de gouvernements étrangers par des officiers militaires à la retraite ont été recensées de 2012 à 2022.

Les Émirats arabes unis ont pris la première place parmi les 47 pays répertoriés dans le rapport (plus de la moitié des approbations), soit directement avec l’État, soit avec des sous-traitants travaillant pour le compte du gouvernement.

L’officier le plus haut gradé à avoir travaillé pour les Émirats arabes unis ces dernières années est le général à la retraite Jim Mattis, qui a été secrétaire à la Défense de l’ancien président Donald Trump. Mattis a été conseiller militaire des Émirats arabes unis en 2015 avant de retourner au service des États-Unis, où il est devenu le chef du Pentagone sous Trump en 2017.

Les informations sur les salaires de ceux qui travaillent pour les Émirats arabes unis sont obscures. Selon la note du ministère de la Défense, seuls 35 officiers à la retraite ont divulgué leur rémunération. Les salaires des 185 restants sont répertoriés comme « non disponibles » ou « non signalés », selon la revue Responsible Statecraft.

Middle East Eye a contacté l’ambassade des Émirats arabes unis à Washington pour obtenir un commentaire, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication de cet article.

Si les Émirats arabes unis sont un partenaire clé des États-Unis dans la région, Abou Dabi a développé une politique étrangère plus indépendante ces dernières années, pas toujours alignée sur Washington.

Des entreprises émiraties ont été sanctionnées par Washington pour avoir aidé l’Iran à échapper aux sanctions. Les Émirats arabes unis se sont également rapprochés de la Chine sur le plan militaire.

Le Wall Street Journal a rapporté que les mesures prises par Pékin pour construire une base militaire secrète aux Émirats arabes unis ont ébranlé les États-Unis. Ces derniers ont suspendu les pourparlers avec les Émirats pour l’acquisition d’avions de chasse F-35 par crainte que Pékin n’ait accès à des technologies américaines sensibles.

Les Émirats arabes unis ont également été accusés d’ingérence dans la politique américaine. Selon des documents du renseignement américain divulgués par le Washington Post, les Émirats ont tenté de manière illégale et légale d’influencer la politique étrangère américaine en leur faveur en exploitant les contributions au financement des campagnes électorales et l’industrie américaine du lobbying.

Un contrat saoudien de 700 000 dollars

D’autres monarchies du Golfe figurent en bonne place dans la liste.

Le général Keith Alexander, ancien chef de la NSA, agence responsable du renseignement d’origine électromagnétique et de la sécurité des systèmes d’information du gouvernement américain, a signé un contrat de 700 000 dollars pour conseiller l’Arabie saoudite en matière de cybersécurité après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. La CIA a conclu que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait ordonné le meurtre.

L’amiral William Fallon, qui a été commandant du Commandement central des États-Unis (CENTCOM) de 2007 à 2008, figure sur la liste en tant que copropriétaire de la société de conseil Global Alliance Advisors, qui devrait récolter 23 millions de dollars auprès du gouvernement qatari pour des services de conseil.

Des officiers à la retraite sont également concernés. Selon le mémo, le général de division Charles J. Dunlap Jr. a reçu huit approbations distinctes pour travailler pour des gouvernements étrangers, dont trois pour les Émirats arabes unis, ainsi que pour le Canada, le Danemark, Israël et l’Écosse.

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En vertu de la loi fédérale américaine, il est interdit aux militaires à la retraite de recevoir quoi que ce soit de valeur de la part de gouvernements étrangers qui pourrait compromettre leur allégeance aux États-Unis.

En 1977 cependant, le Congrès a autorisé le Pentagone et le Département d’État à accorder des dérogations à la loi. Le nouveau mémo souligne les avantages juteux qu’ont obtenus les retraités travaillant au service de gouvernements étrangers, en particulier dans des contextes autoritaires.

Ces révélations intensifient probablement les inquiétudes quant à l’influence d’États étrangers sur les institutions américaines.

Le général américain à la retraite John Allen a démissionné de son poste de président de la Brookings Institution, un think tank, plus tôt cette année après des informations selon lesquelles les autorités fédérales le soupçonnaient d’avoir illégalement fait pression pour le compte du Qatar.

Le milliardaire et allié de Trump Tom Barrack est actuellement jugé pour avoir fait du lobbying illégal auprès de l’administration de l’ancien président au nom des Émirats arabes unis.

Middle East Eye a contacté l’ambassade des États-Unis en Arabie saoudite pour obtenir un commentaire à cet article, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication.

Les législateurs ont pris note de ces développements. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren a proposé une loi qui interdirait pendant quatre ans aux principales sociétés militaires privées d’embaucher tout haut responsable ou ancien employé de la défense ayant accompli du travail dans le cadre d’un contrat pendant qu’il était en fonction au gouvernement.

Traduit de l’anglais (original publié le 27 avril 2023).

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