Aller au contenu principal

France : Karim Benzema subit « menaces et messages de haine » depuis les propos de Gérald Darmanin, selon son avocat

La star du football a porté plainte mardi pour diffamation contre le ministère français de l’Intérieur qui l’a accusé de « lien notoire » avec les Frères musulmans. Ces propos ont, selon son avocat, des « conséquences considérables » sur son quotidien
Karim Benzema voit dans les attaques de Gérald Darmanin un « opportunisme politique petit, mesquin, autocentré et indifférent aux conséquences et notamment aux divisions qu’il provoque » (AFP)
Karim Benzema voit dans les attaques de Gérald Darmanin un « opportunisme politique petit, mesquin, autocentré et indifférent aux conséquences et notamment aux divisions qu’il provoque » (AFP)
Par MEE

« Mes enfants ont été accusés d’avoir un père terroriste. » Karim Benzema, Ballon d’or 2022, s’est longuement défendu de tout lien avec les Frères musulmans dans un document de 92 pages accompagnant une plainte pour diffamation, déposée le 17 janvier contre le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin. 

Ce dernier, invité sur la chaîne CNEWS, dans l’émission de Pascal Praud « L’heure des pros », avait déclaré au sujet de l’ex-international français : « Monsieur Benzema est en lien, on le sait tous, notoire avec les Frères musulmans… Nous nous attaquons à une hydre que sont les Frères musulmans parce qu’ils donnent un djihadisme d’atmosphère comme le disait Gilles Kepel [politologue français spécialiste de l’islam]. » 

Gérald Darmanin s’en était pris à l’ex-star du Real Madrid pour avoir publié mi-octobre sur X un message de soutien aux habitants de Gaza victimes, selon lui, des « bombardements injustes » menés par Israël en représailles à l’attaque du Hamas du 7 octobre.

Benzema avait partagé ce message une semaine après le début des attaques israéliennes dévastatrices contre l’enclave côtière, qui ont tué au moins 24 000 Palestiniens, dont 10 500 enfants, selon un dernier bilan. 

Sur BFMTV, le ministre avait reproché à Karim Benzema de « tweeter de manière sélective » et affirmait qu’il retirerait ses propos si Benzema « tweetait » pour « pleurer également » l’assassinat du professeur de français d’Arras (Nord) Dominique Bernard par un jeune islamiste radicalisé.

Selon le joueur, de nombreuses personnes lui ayant « reproché le caractère déséquilibré de [sa] communication » ont exprimé des propos qui n’étaient « pas davantage » équilibrés, « puisqu’ils n’évoquaient jamais les Gazaouis ».

Avant de porter plainte, son avocat Hugues Vigier a expliqué que le footballeur exprimait une « compassion naturelle » envers « ce que beaucoup décrivent aujourd’hui comme des crimes de guerre commis à Gaza ». Les propos de Benzema « n’enlèvent rien à l’horreur des actes terroristes du 7 octobre », a-t-il ajouté.

« Instrumentalisé dans des jeux politiques »

Contacté par l’AFP en octobre, l’entourage du ministre avait par ailleurs invoqué une « lente dérive des prises de position de Karim Benzema vers un islam dur, rigoriste, caractéristique de l’idéologie ‘’frériste’’ ».

Il avait également rappelé le refus de Karim Benzema de chanter l’hymne national quand il jouait sous les couleurs de la France ou son « prosélytisme sur les réseaux sociaux autour du culte musulman, comme le jeûne, la prière, le pèlerinage à La Mecque ».

Mercredi 16 janvier sur BFMTV, Hugues Vigier a expliqué pourquoi Karim Benzema avait attendu trois mois avant de porter plainte. Alors qu’Israël mène une guerre implacable contre les Palestiniens, l’ex-attaquant des Bleus « était plutôt prêt à y renoncer », estimant que ce qui lui arrivait « n’était pas essentiel », a précisé l’avocat. 

De Benzema à Cantona : quand les footballeurs prennent position pour Gaza
Lire

« Et puis mi-décembre, M. Darmanin, interrogé sur les propos qu’il avait tenus à l’égard de Karim Benzema, non seulement les a confirmés mais surtout a dit : ‘’D’ailleurs je constate qu’il n’y a aucune plainte déposée contre moi’’. Et à ce moment-là, Karim Benzema a considéré qu’il fallait qu’il dépose plainte. »

Cette plainte juge que les propos du ministre de l’Intérieur sur les liens présumés du joueur avec les Frères musulmans « portent atteinte » à son honneur et sa considération. Pour Karim Benzema, ces accusations sont « inexactes », « plus vraisemblablement mensongères, mais en tous cas faites à dessein » et sont « attentatoires » à son honneur et sa considération. 

« Je mesure à quel point je suis, en raison de ma notoriété, instrumentalisé dans des jeux politiques d’autant plus scandaleux que les événements dramatiques depuis le 7 octobre méritent tout autre chose que ce type de déclarations », ajoute-t-il.

Il y voit un « opportunisme politique petit, mesquin, autocentré et indifférent aux conséquences et notamment aux divisions qu’il provoque là où nous avons un besoin urgent de concorde et d’humilité pour aider à des solutions pacifiées ».

Hugues Vigier a rappelé sur BFMTV quelles étaient les conséquences de ces propos. 

Karim Benzema a été selon lui « jeté à la vindicte populaire comme membre d’une organisation qui n’est pas classée comme terroriste en France » mais qui l’est en Arabie saoudite, où il joue (club Al-Ittihad).

D’être « présenté comme un ennemi de nos valeurs occidentales […,] ça a des conséquences considérables », souligne l’avocat. Le joueur « est devenu sinon un terroriste – certains l’ont dit –quelqu’un qui a une pratique de l’islam infiniment dangereuse » et reçoit des messages de haine, des menaces « sur la base d’une assimilation mensongère ». 

La plainte a été déposée devant la Cour de justice de la République, seul tribunal en France devant lequel des poursuites peuvent être intentées contre des responsables gouvernementaux encore en fonction. Les plaintes adressées à cette instance sont filtrées par une commission des requêtes, laquelle peut les classer ou les transmettre à une commission d’instruction. À l’issue de l’instruction, cette commission décide d’un non-lieu ou d’un renvoi en procès.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].