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Guerre à Gaza : des responsables palestiniens dénoncent la décision de plusieurs pays de suspendre le financement de l’UNRWA

Israël accuse douze employés de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens d’être impliqués dans les attaques du 7 octobre. Les États-Unis ont annoncé qu’ils ne financeraient plus l’UNRWA dont, rappelle l’ONU, dépend la survie de 2 millions de civils
Des enfants jouent parmi les tentes installées pour les Palestiniens déplacés par l’UNRWA à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 octobre 2023 (AFP)
Des enfants jouent parmi les tentes installées pour les Palestiniens déplacés par l’UNRWA à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 octobre 2023 (AFP)

Italie, Canada, Australie, Royaume-Uni, Finlande et Allemagne ont emboîté le pas aux États-Unis, qui ont annoncé vendredi 26 janvier suspendre temporairement toute aide additionnelle à l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), vilipendée par Israël de longue date mais désormais priée de mener une enquête interne approfondie.

Cette décision, condamnée par les responsables palestiniens, est intervenue après qu’Israël a affirmé que 12 des 30 000 employés de l’URNWA étaient impliqués dans les attaques menées par le Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre.

Le 26 janvier, l’UNRWA a déclaré avoir rompu ses liens avec un certain nombre d’employés et ouvert une enquête.

Traduction : « Il sera impossible de gagner la guerre si nous ne détruisons pas l’UNRWA, et cette destruction doit commencer immédiatement. Plus tôt ce mois-ci, le 4 janvier, Noga Arbell, une ancienne responsable israélienne, a appelé à la destruction de l’UNRWA lors d’un débat au Parlement israélien. »

António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a exhorté dimanche les pays ayant suspendu leur financement, à « au moins garantir » la poursuite des opérations de l’agence.

« Deux millions de civils à Gaza dépendent de l’aide critique de l’UNRWA pour leur survie au quotidien mais le financement actuel [de l’agence] ne lui permettra pas de répondre à tous les besoins en février », a-t-il insisté.

« Afin de protéger la capacité de l’agence à fournir une aide humanitaire, j’ai pris la décision de résilier immédiatement les contrats de ces membres du personnel et de lancer une enquête afin d’établir la vérité sans délai », a déclaré vendredi Philippe Lazzarini, commissaire général de l’agence.

Il a ajouté que tout employé impliqué dans des « actes de terrorisme » serait tenu pour responsable, notamment par le biais de poursuites pénales.

« De grands risques politiques et humanitaires »

Washington a annoncé la même journée qu’il suspendrait le financement de l’agence jusqu’à ce que les allégations soient résolues.

« Le département d’État a temporairement suspendu le financement supplémentaire de l’UNRWA pendant que nous examinons ces allégations et les mesures que les Nations unies prennent pour y répondre », a déclaré son porte-parole, Matthew Miller.

« Le Royaume-Uni est consterné par les allégations selon lesquelles le personnel de l’UNRWA aurait été impliqué dans l’attaque du 7 octobre contre Israël, un acte de terrorisme odieux que le gouvernement britannique a condamné à plusieurs reprises », a déclaré samedi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Traduction : « Les 13 000 employés de l’UNRWA fournissent une aide vitale à 2,3 millions de personnes et ce, à un coût personnel incroyable – avec plus de 100 employés tués au cours des 4 derniers mois. [L’Irlande] a fourni à l’UNRWA 18 millions d’euros en 2023 et poursuivra son soutien en 2024. »

Ces annonces violent la décision de la Cour internationale de justice appelant Israël à s’abstenir d’entraver l’acheminement de l’aide dans la bande de Gaza et à améliorer la situation humanitaire, et pourrait même violer la convention internationale sur le génocide, a déclaré dimanche Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés.

Cette décision de plusieurs pays revient donc à « désobéir ouvertement à l’ordre de la CIJ ».

« C’est une décision qui entraînera des responsabilités légales – ou bien qui verra la fin du système international de justice », a-t-elle écrit sur X.

Dans le même temps, la Norvège et l’Irlande ont confirmé qu’elles ne suivraient pas cet exemple et réduiraient le financement de l’agence.

« La situation de la population de Gaza est catastrophique et l’UNRWA y est l’organisation humanitaire la plus importante », a déclaré le ministre norvégien des Affaires étrangères Espen Barth Eide, ajoutant qu’Oslo soutenait l’enquête de l’agence.

Un haut responsable palestinien a dénoncé la décision de plusieurs pays de suspendre le financement.

« En ce moment particulier et à la lumière de l’agression continue contre le peuple palestinien, nous avons besoin du maximum de soutien pour cette organisation internationale », a écrit Hussein al-Sheikh, ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne.

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« Nous appelons les pays qui ont annoncé la cessation de leur soutien à l’UNRWA à revenir immédiatement sur leur décision, qui comporte de grands risques politiques et humanitaires. »

Cette évolution a également été condamnée par le Hamas, qui a accusé Israël de mener une « campagne d’incitation » contre les agences de l’ONU fournissant des fournitures vitales aux Palestiniens à Gaza.

« Nous demandons à l’ONU et aux organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage » d’Israël, a déclaré le Hamas dans un communiqué sur Telegram.

L’UNRWA a été créée en 1949 - un an après la Nakba (ou catastrophe) au cours de laquelle 750 000 Palestiniens ont été forcés de quitter leurs foyers lors de la création d’Israël, pour fournir des soins de santé, une éducation et une aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie occupée, de Jordanie, Syrie et Liban.

Dimanche 28 janvier, la France a annoncé ne pas prévoir de nouveau versement à l’agence au premier trimestre 2024. Évoquant des accusations d’une « exceptionnelle gravité », Paris, qui a versé 60 millions d’euros d’aide à l’UNRWA en 2023, dit ainsi vouloir attendre « que les enquêtes lancées ces derniers jours permettent de faire toute la lumière sur les faits passés et soient assorties de mesures concrète ».

Aujourd’hui, l’UNRWA est le deuxième employeur de Gaza, après le Hamas. L’agence compte 30 000 employés au total, dont 13 000 dans la bande de Gaza.

Dans l’enclave assiégée, elle gère, entre autres, 183 écoles, 22 établissements de santé et sept centres pour femmes.

Ses écoles sont fréquentées par 286 645 élèves à Gaza, tandis que ses établissements médicaux reçoivent en moyenne 3,4 millions de visites par an, selon les données de l’ONU.

Au moins 136 des 13 000 employés de l’agence à Gaza ont été tués par les attaques israéliennes depuis le début de la guerre le 7 octobre.

Ses écoles, ses installations et ses abris ont été la cible à plusieurs reprises des bombardements israéliens, et de nombreux civils palestiniens déplacés ont été tués alors qu’ils cherchaient refuge dans les installations de l’agence.

Traduction : « L’UNRWA emploie 13 000 personnes travaillant dans 350 installations à Gaza, servant 1,7 million de réfugiés palestiniens. Actuellement, elle héberge 1 million de personnes déplacées. Elle a licencié 12 membres de son personnel sur la base d’allégations. Comment peut-on s’attendre à ce qu’une agence aussi importante opérant dans une zone de guerre, dans une zone sous occupation israélienne, assure la police 24 heures sur 24, sept jours sur sept ? Le gouvernement britannique a, en suspendant le financement de l’UNRWA, cédé devant ceux qui ont permis les crimes israéliens et un éventuel génocide. »

Le gouvernement israélien attaque l’UNRWA depuis un certain temps, l’accusant d’alimenter l’incitation à la haine contre Israël – une accusation que l’agence nie.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a demandé sur X à Philippe Lazzarini de « démissionner » et prévenu que le gouvernement chercherait à empêcher l’agence d’opérer à Gaza après la guerre.

« Nous mettons en garde depuis des années : l’UNRWA perpétue la question des réfugiés, fait obstacle à la paix et sert de bras civil au Hamas à Gaza », a écrit Katz sur X. « Nous travaillerons pour obtenir le soutien des deux partis aux États-Unis, de l’Union européenne et d’autres pays du monde à cette politique visant à mettre un terme aux activités de l’UNRWA à Gaza. »

Les relations entre Israël et l’UNRWA se sont encore dégradées ces derniers jours, lorsque l’ONU a accusé deux chars israéliens d’avoir tiré mercredi sur un centre de formation de l’agence Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. 

Transformé en abri depuis le début de la guerre, il abrite des dizaines milliers de personnes déplacées. Treize personnes ont été tuées et plus de 56 blessées, dont 21 dans un état critique dans ces frappes, selon l’agence.

Traduit de l’anglais (original) et actualisé.

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