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Guerre à Gaza : selon des designers, l’industrie de la mode a peur de s’exprimer

Lors de la Fashion Week de Paris, Benjamin Huseby et Serhat Isik, fondateurs du label GmbH, ont appelé avant leur défilé à un cessez-le-feu, à la libération de tous les otages, à une Palestine libre et à la fin de l’occupation
Benjamin Huseby (à gauche) et Serhat Isik pendant la Fashion Week de Paris (Photo fournie)
Benjamin Huseby (à gauche) et Serhat Isik pendant la Fashion Week de Paris (Photo fournie)

Les fondateurs du label berlinois de streetwear GmbH, qui ont prononcé dimanche 21 janvier un discours de solidarité avec la Palestine lors de leur défilé à la Fashion Week de Paris, ont déclaré à Middle East Eye que leurs collègues du secteur avaient peur de parler ouvertement de la guerre menée par Israël contre Gaza.

« Oui, il y a un silence assourdissant », ont admis Benjamin Huseby et Serhat Isik, interrogés sur la réponse de l’industrie de la mode à la guerre à Gaza, où plus de 25 000 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tués.

Traduction : « GmbH ferme [la Fashion Week] pour hommes de Paris avec un puissant message pour la paix en Palestine. »

« Nous savons que nous avons de nombreux alliés dans les coulisses, mais tout le monde a peur. Peur de perdre son entreprise et ses moyens de subsistance. Nous comprenons cette peur, mais nous n’avons d’autre choix que de résister », ont expliqué les concepteurs à MEE par mail.

Lors du dernier défilé de la semaine de la mode masculine à Paris, Huseby et Isik ont ​​ouvert la présentation de la collection automne-hiver par un discours appelant à un cessez-le-feu.

« Nous avons appelé à un cessez-le-feu, à la libération de tous les otages, à une Palestine libre et à la fin de l’occupation, autant d’exigences qui, selon nous, ne devraient pas susciter de controverse », ont assuré les deux hommes basés à Berlin.

« En tant que créateurs de mode, nous devons normalement exprimer nos pensées à travers les vêtements et laisser le reste à l’imagination. Mais nous vivons une époque dangereuse, où la précision des mots est nécessaire », a souligné Serhat Isik pendant le défilé

Costumes inspirés des keffiehs palestiniens

Au cours du discours, qui a duré une dizaine de minutes, Benjamin Huseby s’est effondré en larmes tandis que certains membres du public pleuraient aussi.

Le défilé a présenté des créations chargées de symboles de solidarité, notamment des costumes inspirés des keffiehs palestiniens fabriqués à la main, en collaboration avec des réfugiés palestiniens et syriens, via le Social Enterprise Project (SEP).

Il y a presque deux ans, le début de la Fashion Week de Milan avait coïncidé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les grandes marques de mode, dont Balenciaga, avaient exprimé très rapidement leur solidarité avec les Ukrainiens.

Cette année à Paris, les expressions de solidarité avec les Palestiniens attaqués ont été rares.

Tenue inspirée du keffieh palestinien, lors du défilé GmbH à Paris, le 21 janvier 2024 (Photo fournie)
Tenue inspirée du keffieh palestinien, lors du défilé GmbH à Paris, le 21 janvier 2024 (Photo fournie)

Le designer américain Rick Owens a organisé son défilé à son domicile, en faisant référence à l’époque « barbare » dans laquelle nous vivons. À part ça, il n’y a pas grand-chose d’autre à noter.

Dans son reportage sur le défilé de GmbH, le magazine de mode Vogue n’a mentionné ni Israël ni la Palestine.

De nombreuses grandes marques de mode – dont Louis Vuitton, Ralph Lauren et Chanel – auraient exprimé leur soutien à Israël ou auraient des liens financiers avec des intérêts commerciaux dans le pays.

En 2021, Bernard Arnault, président-directeur général du géant du luxe LVMH, propriétaire de Louis Vuitton, Dior et de nombreuses autres marques, a investi dans la société israélienne de cybersécurité Wiz.

Pour Jad Salfiti, un journaliste anglo-palestinien basé à Berlin, « GmbH se distingue par sa célébration infaillible des personnes marginalisées – tant dans son travail que dans son message – des Palestiniens aux personnes LGBTQI+. Dans leur discours, ils [les créateurs] ont montré qu’ils ne se contentaient pas de parler, mais qu’ils joignaient le geste à la parole. »

Tous deux enfants d’immigrés musulmans, Huseby et Isik « représentent un nouveau Berlin diversifié en train d’émerger », explique Jad Salfiti à MEE.

Lors de leur défilé à Paris, les designers ont déclaré : « En Allemagne, où nous vivons, nous avons vu ces derniers mois des dizaines d’annulations d’artistes, d’écrivains et de musiciens parce qu’ils ne s’étaient pas alignés sur la politique de l’État allemand. La majorité des annulations concernent des Palestiniens, des juifs, des personnes à la peau mate ou noire. Nous devrions tous être terrifiés quand l’Allemagne recommencera à faire taire les juifs et les autres voix dissidentes. »

Partiellement traduit de l’anglais (original).

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