Guerre Israël-Palestine : Israël aurait ordonné la fermeture d’une ONG pour avoir signalé le viol d’un adolescent
Les autorités israéliennes ont interdit une ONG palestinienne ayant signalé au département d’État américain en 2021 le viol d’un enfant palestinien par les forces israéliennes, a déclaré l’ancien responsable Josh Paul dans une interview accordée lundi 4 décembre à CNN.
Josh Paul, qui a présenté sa démission en octobre pour protester contre les ventes d’armes à Israël, a expliqué dans une interview accordée à Christiane Amanpour que les forces israéliennes avaient perquisitionné les bureaux de Defence for Children International - Palestine (DCIP) et l’avaient désignée « organisation terroriste ».
Ces mesures ont été prises à la suite d’une plainte formulée par le département d’État américain au sujet du viol d’un jeune Palestinien de 15 ans dans le centre de détention d’al-Mascobiyya, à Jérusalem-Ouest.
« Entité terroriste »
« [Ils] ont confisqué leurs ordinateurs et les ont désignés en tant qu’entité terroriste », a expliqué Josh Paul.
DCIP est la seule organisation palestinienne de défense des droits de l’homme spécifiquement axée sur les droits de l’enfant.
En février 2021, DCIP a publié un rapport faisant état de l’agression physique et sexuelle d’un jeune Palestinien de 15 ans par un interrogateur israélien au centre d’interrogatoire et de détention d’al-Mascobiyya en janvier de la même année.
Selon DCIP, le détenu a été violé avec un objet par son interrogateur et contraint de se tenir contre un mur, où son interrogateur lui a infligé de vives douleurs aux parties génitales.
« Il n’y a pas de mots pour décrire ce moment », a déclaré le détenu dans le rapport.
Selon Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCIP, l’ONG a signalé l’agression aux autorités américaines après des centaines de plaintes restées sans suite auprès des autorités israéliennes.
« Nous déposions des plaintes [auprès des autorités israéliennes] », explique Ayed Abu Eqtaish à MEE. « Mais elles n’ouvraient pas d’enquête […] ou elles ouvraient des enquêtes et les clôturaient sous prétexte que l’enfant ou l’avocat ne coopéraient pas. »
D’après Ayed Abu Eqtaish, DCIP a cessé de déposer des plaintes auprès des autorités israéliennes car celles-ci ne permettaient pas à un enfant qui témoignait d’être accompagné d’un avocat.
« Nous avons donc transmis les informations aux responsables américains et demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes », indique-t-il à MEE.
À la suite de cette plainte, les forces israéliennes ont investi à deux reprises les bureaux de DCIP, le 19 juillet 2021 puis le 18 août 2022, lorsque les bureaux de l’organisation ont été perquisitionnés et « scellés », tout comme ceux de sept autres ONG palestiniennes, dans le cadre de ce qu’Amnesty International a qualifié de « campagne de répression de la société civile palestinienne ».
« [Ils voulaient] paralyser l’organisation et nous empêcher de révéler les violations des droits de l’homme commises par Israël à l’encontre d’enfants palestiniens »
- Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCIP
Toutefois, indique Ayed Abu Eqtaish, DCIP n’avait pas établi le lien entre la plainte déposée par l’organisation auprès du département d’État et les perquisitions qui ont suivi avant les propos formulés lundi par Josh Paul, même s’il juge l’interprétation de ce dernier « logique ».
« L’organisation était déjà attaquée [par les autorités israéliennes] depuis plusieurs années avant les perquisitions », explique Ayed Abu Eqtaish à MEE. « [Ils voulaient] paralyser l’organisation et nous empêcher de révéler les violations des droits de l’homme commises par Israël à l’encontre d’enfants palestiniens. »
Un climat d’incertitude
En octobre 2021, DCIP a été désignée en tant qu’organisation terroriste par les autorités israéliennes, au même titre que cinq autres ONG palestiniennes.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a condamné cette mesure en la qualifiant d’« attaque frontale contre le mouvement palestinien de défense des droits de l’homme et contre les droits de l’homme partout dans le monde ».
Dans la foulée de cette désignation, Ayed Abu Eqtaish raconte qu’« il régnait un climat d’incertitude » parmi le personnel de DCIP. « Nous ne savions pas exactement quand ils allaient nous attaquer à nouveau et quel type d’attaque ce serait », ajoute-t-il.
À la suite de cette désignation, le personnel de l’ONG a été inondé de demandes d’éclaircissements de la part de donateurs inquiets.
« Au lieu de nous concentrer sur notre travail, nous avons dû répondre à ces questions », explique Ayed Abu Eqtaish à MEE. « Cette désignation menaçait notre existence en tant qu’organisation. »
Malgré cela, DCIP n’a perdu qu’un donateur.
« L’objectif principal de cette désignation était de démanteler notre organisation, mais nous poursuivons notre travail », souligne Ayed Abu Eqtaish.
Depuis la seconde Intifada en 2000, lors de laquelle DCIP a commencé à suivre les détentions d’enfants palestiniens par l’armée israélienne, les forces israéliennes ont détenu, interrogé, poursuivi et emprisonné environ 13 000 enfants palestiniens.
Chaque année, l’armée israélienne place 500 à 700 enfants palestiniens en détention.
Entre 2016 et 2022, DCIP a recueilli des déclarations sous serment de 766 enfants palestiniens détenus par l’armée israélienne et poursuivis devant des tribunaux militaires israéliens, dans le but de répertorier les mauvais traitements et les actes de torture qu’ils ont subis entre les mains des forces israéliennes.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].